Qu’est-ce qui constitue le projet d’une langue, en quoi la langue française est-elle à nulle autre pareille?
Comment croire et comprendre qu’elle disparaît sous nos yeux à une telle vitesse, et avec elle une civilisation?
Ces pages s’attachent à identifier un héritage collectif inestimable, à donner la mesure d’un trésor. Écrites dans un style délié et jubilant, elles se lisent non comme un éloge ou une célébration, mais comme une suite de dévoilements par lesquels se révèle la richesse d’un français que nous utilisons en sous-régime, inconscients le plus souvent de ses immenses possibilités.
Le lecteur, hautement réjoui par l’éblouissante érudition de ce texte, trouvera, plus que la description d’un désastre à venir, un chant d’amour à notre langue, qui se pose aussi en œuvre de salut public.
EXTRAIT
PAGES 74-75
La mentalité collabo fut progermanique dans les abjectes années 40 (sous Pétain) comme en 1871 (avec les versaillais) ; elle est proanglaise actuellement comme elle le fut en 1420 avec les bourguignons et l’ignominieux traité de Troyes qui rayait la France de sa carte ; et toujours elle est prête à tout pour servir l’envahisseur.
L’enjeu n’est pas moins grave à présent de se tenir sur le plan symbolique, celui de la langue et de la culture dont les effets sont immédiatement réels et plus lourds de conséquences.
le collaborateur est d’abord un ignorant de lui-même. D’où sa posture imaginaire : il se préfère en autre. il ne manque pas seulement au patriotisme qui est une vertu (en voie d’extinction), il manque à un ensemble vaste et profond de représentations qui forment une civilisation, qui le constitue et qui l’ignore profondément.
C’est en ce sens capital que la collaboration militante contre la langue est la plus grave qui soit, parce qu’un pays se remet éventuellement d’une défaite militaire, il ne survit pas à l’extermination de la culture.