C'était lors d'un débat public organisé par le think tank "En temps réel". "On va progressivement entrer dans une zone - on y est déjà d'ailleurs - où la justification d'avoir un emploi à vie garanti sur des missions qui ne le justifient plus sera de moins en moins défendable", a lancé le ministre de l’Économie, lui-même haut fonctionnaire. Et il poursuit : le statut des fonctionnaires n'est "plus adapté au monde tel qu'il va" et, "surtout, n'est plus justifiable compte tenu des missions".
Le Point
Une nouvelle provocation d'Emmanuel Macron
envers les fonctionnaires ?
Invité de la matinale d'Europe 1, le ministre de l'Économie s'est dit favorable à titre personnel à la rémunération au mérite de la fonction publique. « Il faut accroître la part de mérite, la part d'évaluation dans la rémunération de la fonction publique. C'est une façon de la moderniser. Simplement, la performance ne se mesure pas comme dans l'entreprise. Car on est en charge de l'intérêt général. Il s'agit là d'une conviction personnelle. Je ne suis pas en train de vous annoncer une réforme du gouvernement. »
La question de la rémunération au mérite des fonctionnaires revient dans le débat alors qu'une initiative sera mise en place en 2016 dans la ville de Suresnes (Hauts-de-Seine). Elle va expérimenter la rémunération au mérite de ses fonctionnaires. Selon RTL, dès 2016, les 1 300 agents de la ville vont voir la part indemnitaire de leur rémunération (primes et indemnités) varier en fonction d'une note qui ira de « très insuffisant » à « exceptionnel ». Interrogé par la station, Christian Dupuy, le maire Les Républicains de la ville, affirme que ce système n'est pas là pour sanctionner, mais pour motiver les agents. « Il s'agit de faire en sorte que ceux qui sont moins motivés le soient davantage. Et que ceux qui sont déjà motivés ne se démotivent pas. » Le maire assure avoir les fonds suffisants pour rémunérer tous ses agents en cas de motivation exemplaire.
Du côté de la CFDT, on accepte la mesure tout en restant prudent, notamment sur le contrôle des évaluations. « On a dit qu'il fallait quand même faire attention, car il peut y avoir un responsable, soit qui va favoriser une personne ou au contraire la défavoriser. Nous avons voulu que ce soit le plus juste possible, donc il y a un contrôle mis en place », explique Franck Bourgi, un représentant du syndicat.
Sur le plan national, deux syndicats de la fonction publique, l'Unsa Fonction Publique et l'Uffa-CFDT, ont eux mis en garde contre une tentative de « renouer avec la politique du chiffre » et les risques d'une « individualisation irraisonnée ». « S'il s'agit de la mesure de la valeur professionnelle, à laquelle l'Unsa Fonction Publique est attachée, il n'y a rien de neuf », s'étonne l'Unsa dans un communiqué. « S'il s'agit du mérite supposé des agents, cela peut devenir un sujet de conflit. Même Emmanuel Macron le reconnaît : la performance ne se mesure pas comme dans l'entreprise. En effet, le statut met les fonctionnaires au service de l'intérêt général », prévient-elle.
« Comment mesure-t-on la performance des gardiens de la paix ? Au nombre des procès-verbaux dressés ? S'il s'agit de renouer avec la politique du chiffre voulue par un gouvernement précédent, l'Unsa sera résolument contre. Comment mesure-t-on la performance dans l'éducation ? Selon les résultats obtenus par ses élèves ? Cela risque de diminuer encore un peu plus l'attractivité des zones d'éducation prioritaires », poursuit-elle. « Comme elle s'y est engagée par sa signature du protocole PPCR (accord sur la rémunération et les carrières des fonctionnaires), elle est prête à discuter des moyens d'objectiver la mesure de la valeur professionnelle. Elle refusera, en revanche, toute dérive vers un supposé mérite qui prendrait en compte des aspects extérieurs au métier des agents publics », met-elle en garde.
L'UFFA-CFDT (Union des fédérations de fonctionnaires et assimilés) rappelle, dans un communiqué, que « la prise en compte de la valeur professionnelle dans l'évolution de la rémunération est, depuis l'origine, inscrite dans le statut de chacune des fonctions publiques et qu'elle impacte tant le traitement indiciaire que le traitement indemnitaire ». Elle met en garde contre les risques d'une « individualisation irraisonnée des rémunérations (qui) dégraderait la performance collective des services ».