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Fin d’une nation ? Une plante à qui on coupe ses racines meurt, il en est de même des nations.
Fin d’une nation ? Une plante à qui on coupe ses racines meurt, il en est de même des nations.

 

 

                  Après les attentats contre Charli Hebdo, j’avais souligné dans mon blog que leurs auteurs ne remettaient pas seulement en cause la liberté d’expression, mais aussi le contrat social de la République française puisqu’ils avaient grandi en France et qu’ils «se sont laissés convaincre que la souveraineté du peuple n’est rien par rapport à la souveraineté d’un Dieu. » Comment est-ce possible dans le pays des Droits de l’Homme et du Citoyen, qui puise ses racines dans un lointain passé ? L’éducation nationale aurait-elle failli à sa mission?

 

         La graine de la civilisation occidentale s’est formée dans la Cité grecque. Elle a étendu ses rameaux sur les bords de la Méditerranée et de la Mer Noire, dans l’empire d’Alexandre, puis sur l’Empire romain qui les a propagés en langue latine aux peuples de l’Empire d’Occident. En France, après les grandes invasions, le latin a persisté, peut-être en raison de la conversion au catholicisme des peuples barbares envahisseurs. Les Francs, Wisigoths et Burgondes ont peu à peu abandonné la pratique de leur langue germanique pour se rallier à celle de leurs sujets gallo-romains. Dans notre pays la graine originelle de notre civilisation s’est développée à l’unisson avec l’évolution de la langue du peuple.

 

         Lorsque, à la fin du Moyen Age, il s’est agi d’assimiler les découvertes scientifiques et géographiques, ce fut vers les racines gréco-latines que se tournèrent les artistes, les savants et les intellectuels. De même, le 18ème siècle et la Révolution Française puisèrent dans l’antiquité des exemples de sociétés républicaines. Les Conventionnels, avant d’arriver dans la salle des séances, passaient sous les regards des législateurs Lycurgue, Solon et autres hommes politiques antiques auxquels de nombreux orateurs faisaient référence. La mode était telle que Babeuf avait pris le prénom de Gracchus. Tout au long de l’histoire de France, l’éducation des enfants et des jeunes gens est restée fidèle aux humanités. L’expansion industrielle n’a pas bloquée cette orientation. Rimbaud rédigeait avec aisance des poèmes, des dialogues en latin.

 

         L’effacement de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen devant la Déclaration universelle des droits de l’homme  marque l’entrée dans une ère nouvelle, celle de l’impérialisme des États- Unis. Finie la nation et les humanités. Dés les années 70, les réformes de l’éducation nationale se sont succédées sans répit. Au nom de l’utilitarisme anglo-saxon, les méthodes et les programmes ont favorisé l’économie, l’informatique, … et les langues vivantes comme si la latine et la grecque leur étaient inférieures pour ouvrir la pensée.

 

         La langue imprime son génie à ses locuteurs. L’esprit d’un peuple en est le reflet. Par rapport aux langues modernes, expressions de sociétés semblables, les langues anciennes ont l’avantage de nous placer devant un monde totalement différent sur les plans matériels et spirituels. Comment mettre les futurs citoyens en mesure de comprendre et d’apprécier une culture toute imprégnée de références antiques? Comment expliquer l’orthographe sans se référer au latin et au grec qui sont à l’origine du français?

 

         Dans cette période difficile, comme l’ont fait les générations qui nous ont précédés, ne faudrait-il pas se tourner vers nos origines humanistes, pour relancer l’attachement de la nation à ses mœurs, à sa culture et à son esprit critique? Or qu’a fait la ministre depuis le mois de janvier? Elle a poursuivi notre soumission à nos maîtres états-uniens par l’étude de leur langue dès l’école primaire, notre déracinement en réduisant la part des langues anciennes au collège et au lycée. Ce sont des orientations politiques sans véritable raison pédagogique : d’après certaines statistiques, le taux de réussite dans les études serait plus grand chez ceux qui ont fait du latin et du grec. On invoque leur appartenance à des milieux favorisés. Mais est-ce si sûr? N’aurait-il pas été préférable de mettre le latin obligatoire à partir de la sixième pour donner à tous les citoyens une culture générale en harmonie avec l’esprit de la nation?

 

         « … Après mon certificat d’étude, on m’avait naturellement placé, je veux dire qu’on m’avait mis à l’école primaire supérieure d’Orléans. Monsieur Nody me rattrapa, si je puis dire, par la peau du cou et avec une bourse municipale me fit entrer à Pâques dans l’excellente sixième de Monsieur Guerrier : « il faut qu’il fasse du latin » avait-il dit. Ce que fut pour moi cette entrée dans cette sixième à Pâques, l’étonnement et la nouveauté devant rosa rosae, l’ouverture de tout un monde, tout autre, de tout un nouveau monde, voilà ce qu’il faudrait dire, mais voilà qui m’entraînerais dans des tendresses. Le grammairien qui une fois, la première, ouvrit la grammaire sur la déclinaison de rosa rosae n’a jamais su sur quel parterre de fleurs il ouvrait l’âme de l’enfant. » (Péguy, L’argent, citation puisée dans Répliques du 14 décembre 2015)

 

Tag(s) : #Idéologie
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