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La complicité de l’Etat turc avec le terrorisme n’est plus à démontrer,  par François Belliot

Le 2 décembre, le ministère de la défense de la fédération de Russie a présenté les preuves d’un gigantesque trafic de pétrole entre la Turquie et l’organisation État Islamique. Celui-ci disposerait de 8500 camions citernes qui feraient transiter de la Syrie et de l’Irak vers la Turquie près de 200 000 tonnes de pétrole par jour ; pétrole ensuite acheminé dans des ports turcs, où il serait chargé dans des pétroliers pour raffinage à l’étranger. Ce trafic aurait rapporté, avant le début des frappes russes début octobre, près de 3 millions d’euros par jour aux groupes islamistes qui attaquent l’Etat syrien. Les images satellites russes montrent d’immenses colonnes et rassemblements de camions qui ne rencontrent aucune difficulté pour traverser la frontière syro turque dans un sens ou dans l’autre. Les autorités russes ont formellement accusé le président Erdogan et sa famille, d’être les maîtres d’œuvre de ce trafic.

Ce n’est pas le lieu ici de juger ce que valent ces preuves, en comparaison par exemple de la petite éprouvette exhibée par Colin Powell à l’ONU en 2003, qui devait servir de prétexte au renversement de Saddam Hussein et aboutir au résultat catastrophique que l’on sait, à savoir la destruction du pays et le développement de l’organisation État Islamique. Contentons-nous de souligner, un grand classique depuis mars 2011, le remarquable silence des grands médias sur ces révélations ; silence qui tranche avec leur activisme hystérique lorsque « sortent » des révélations forgées de toutes pièces accusant le « régime » syrien. On songe ici, pour prendre l’exemple le plus récent, au « rapport César » que nous avons décrypté il y a deux mois [[1]].

Dans le présent article je voudrais simplement rappeler que les « preuves russes » s’avéreraient-elles insuffisantes, il existe déjà, de toutes façons, d’innombrables éléments pointant la complicité de l’état turc dans l’agression de la Syrie avec des groupes terroristes.

Rappelons à ce propos quelques faits exposés dans le rapport méconnu des avocats turcs de janvier 2014 [[2]], qui expose le même genre de complicité, en pointant également la responsabilité directe du premier ministre Erdogan.

Quelques faits et dates, que je complète au besoin par d’autres éléments d’information :

Le 15 juin 2011, la Syrian News Agency révèle que les cartes sim de compagnies turques de GSM ont été trouvées sur des « opposants » à Jisr es Choughour.

Le 15 septembre 2011, les « opposants » syriens se réunissent à Istanbul, et décident la création du Conseil National Syrien, dont l’objectif prioritaire avoué est le renversement du gouvernement el-Assad.

De juin à octobre 2011, la Turquie parraine une série de conférences de l’opposition syrienne.

Le 20 septembre 2011, Erdogan annonce la rupture du dialogue entre la Turquie et la Syrie

Le 1er octobre 2011, c’est à Istanbul qu’est fondé le Conseil National Syrien, dont tous les représentants sont liés à l’organisation des Frères Musulmans et à des réseaux atlantistes et pro-israéliens et sont également proches du premier ministre Erdogan et son parti l’AKP [[3]].

Le 22 juin 2012, on apprend que l’Arabie saoudite se déclare prête à payer les salaires des combattants de l’opposition, la Turquie acceptant que le centre de versement de ces salaires ait son siège à Istanbul. La Turquie y a également autorisé l’établissement d’un centre de commandement pour coordonner les livraisons d’armes aux combattants de l’opposition. Un porte-parole du département d’état étasunien reconnaît que la CIA [[4]] participe à la livraison d’armes aux groupes « rebelles » via la frontière turque [[5]].

Suite au massacre de Houla du 25 mai 2012, le site du ministère des affaires étrangères turc, qualifie d’ « infâme » ce crime qu’il attribue à Assad, et annonce la rupture des relations diplomatiques avec le Syrie [[6]].

Le 19 janvier 2013, le premier ministre Erdogan affirme que les développements en Syrie concernent la Turquie car ils relèvent d’une affaire intérieure, et déclare clairement la guerre en ces mots : « Si certains, qui sont venus depuis des dizaines de milliers de kilomètres, peuvent envahir l’Irak et devenir légitimes, nous ne pouvons pas rester les bras croisés à ne rien faire alors que nous avons une frontière de 910 km avec la Syrie. Nous devons faire ce qui est nécessaire, et nous le ferons. »[[7]]

A propos du massacre et de l’enlèvement de centaines d’habitants de villages alaouites des environs de Lattaquié le 4 août 2013, le rapport d’Human Rights Watch d’octobre 2013 [[8]], cité par les avocats turcs, signale: « Les combattants étrangers dans ces groupes entrent en Syrie par la Turquie, d’où ils font de la contrebande d’armes et obtiennent de l’argent et d’autres facilités, et où ils se replient pour y recevoir des soins médicaux. ». Les auteurs du rapport recommandent ceci : « La Turquie devrait accroître les patrouilles à sa frontière et empêcher l’entrée de combattants et d’armes à destination de groupes impliqués selon des informations crédibles dans des violations systématiques des droits humains. La Turquie devrait également enquêter et poursuivre, en vertu de la juridiction universelle et de ses lois nationales, quiconque en Turquie serait suspecté de commettre, d’être complice, ou de commanditer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. » (p 12)

Je ne rapporte ici que quelques éléments des 40 pages du rapport que l’on peut consulter, mais plus généralement : « Il est possible d’exposer des milliers d’exemples concernant le lien entre l’administration AKP (le parti du président Erdogan) et les groupes armés pendant trois années. »(p 17)

Cette complicité, selon les auteurs du rapport, serait du reste un secret de polichinelle : « Le soutien de la Turquie aux groupes armés n’est pas un secret dans les relations internationales. Dans la lettre approuvée par les Russes présentée au président Obama et signée par 12 agents secrets à la retraite, parmi lesquels l’ancien chef d’opérations de la CIA Patrick Giraldi, et l’ancien cadre de la NSA Thomas Drake, [on peut lire] : « Nous avons été informés que les 13-14 août 2013, les forces de l’opposition (…) ont entamé des préparatifs à grande échelle en Turquie en vue d’une opération militaire majeure non conventionnelle. Les discussions entre les commandants exécutifs militaires des opposants et les spécialistes du renseignement du Qatar, de la Turquie, et des États-Unis ont été menées dans une base militaire localisée à Antakya (sud de la province du Hatay) qui appartenait auparavant à l’armée turque et qui à présent est utilisée par l’ASL et ses soutiens comme centre de commandement. » (p 17)

Il faut voir dans l’expression « opération militaire majeure non conventionnelle », une allusion directe au tir à l’arme chimique du 21 août 2013, au sujet duquel les auteurs du rapport présentent une somme d’éléments accablants pour la brigade wahhabite Liwa el Islam et les services de renseignement turcs qui leur auraient permis d’accéder à du gaz sarin et des vecteurs susceptibles de le projeter. L’implication turque dans cette opération sous faux-drapeau permet au passage de mettre en perspective la récente descente du chasseur russe par l’aviation turque : ce ne serait pas la première fois que la Turquie, qui est membre de l’OTAN qu’elle pourrait entraîner dans son sillage, tente de fabriquer un événement susceptible de mener à un embrasement militaire de la région aux répercussions incalculables.

Je cite pour compléter le tableau un extrait accusant formellement le premier ministre turc, point commun notable avec les révélations russes du 2 décembre : « Il semble que le premier ministre Recep Tayyip Erdogan est responsable au premier degré puisqu’il est le chef de l’exécutif, qu’il fait des déclarations hostiles contre un pays et soutient des personnes qui commettent des crimes de guerre (…), accorde aux criminels de guerre la résidence sur le sol turc, et en conséquence de tous ces soutiens, pousse notre pays dans des conditions de guerre avec un autre pays, et joue le rôle d’instigateur direct et de complice dans la perpétration de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité (…). En vertu de l’article 146 et des articles associés de la Constitution de Turquie, le premier ministre Recep Tayyip Erdogan, qui a commis ce « duty crime », devrait être jugé par une Cour Suprême. » (p. 37)

Ce rapport a été complètement ignoré par les médias traditionnels qui n’y ont pas consacré une ligne. Il a été évoqué lors des pourparlers de paix de Genève 2, où les différentes parties étaient réunies pour un règlement politique de la crise. Les médias préférèrent à l’époque se focaliser sur le rapport César qui venait de sortir, et qui portait des accusations accablantes pour les autorités syriennes.

Les récentes preuves russes sur la complicité de l’Etat turc avec le groupe État Islamique ne ne font que confirmer, avec des moyens qui n’étaient pas à la disposition des 45 contributeurs du rapport des avocats turcs, un fait connu et prouvé depuis longtemps.

Il convient de souligner que le rapport des avocats turcs accusait la Turquie d’aider les groupes armés (y compris le groupe fantomatique appelé Armée Syrienne Libre) pendant les trois premières années de guerre,  les révélations russes permettent de l’accuser de complicité avec ce qui deviendra l’État Islamique : l’EIIL un acteur majeur sur le sol syrien à partir de la mi 2013, ce qui tendrait à montrer que la Turquie a soutenu directement toutes les organisations terroristes sans distinction (sans même parler de son visage officiel le Conseil National Syrien) depuis le début des troubles en mars 2011.

Tag(s) : #Impérialisme
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