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Xavier Mathieu aux côtés d'Astrid Whettnall et Anna Mouglalis dans Baron Noir. | Canalplus Sarah Alcalay

Xavier Mathieu aux côtés d'Astrid Whettnall et Anna Mouglalis dans Baron Noir. | Canalplus Sarah Alcalay

Le Huffington Post

 

PORTRAIT - C'est Cédric Klapisch qui, le premier, lui a donné sa chance. En 2010, Xavier Mathieu jouait déjà un syndicaliste dans Ma part du gâteau. Six ans plus tard, c'est à nouveau dans ce rôle militant qu'on retrouve l'ancien Conti de Clairoix. À partir du 8 février, il campe un délégué syndical d'une usine en lutte du nord de la France dans Baron noir, la très bonne série politique de Canal+.

Il côtoie Kad Merad, député socialiste et maire de Dunkerque, Niels Arestrup président de la République et sa conseillère Anna Mouglalis. "J'avais passé le casting pour être le frère de Kad Merad mais ça ne s'est pas fait", confesse-t-il. C'est grâce à l'appui du scénariste Eric Benzekri (un ex du PS, proche de Jean-Luc Mélenchon) qu'il se retrouve finalement dans ce rôle.

baron noir

En arrière plan, derrière Kad Merad et Niels Arestrup.

"J'ai fait le vrai syndicaliste pendant 30 ans, alors je peux bien le jouer encore quelques années au cinéma. Mais dans Baron noir, ce n'est pas vraiment un rôle de syndicaliste au sens où il n'est pas question de relations salariés-patron mais plus des relations entre syndicats et partis politiques, particulièrement le lien incestueux entre la CFDT et le PS", explique le quinqua désormais tourné à 100% vers sa nouvelle vie d'acteur.

"Le problème c'est qu'ils cherchent uniquement le pouvoir"

Pour l'occasion, l'ancien cgtiste porte donc les couleurs de la CFDT, ce qui ne s'est pas fait naturellement pour celui qui y a débuté sa carrière syndicale. "J'y étais quand on a failli me virer au bout d'un an chez Conti. Mais c'est la CGT qui m'a défendu en faisant débrayer dans l'atelier quand la CFDT m'a laissé tomber. Alors je suis allé à la CGT. Du coup, aujourd'hui, ça me fait mal au cul de porter les couleurs de la CFDT qui est un syndicat de compromission même si mon personnage est un peu à l'écart des magouilles de Rickwaërt (le personnage joué par Merad, ndlr) et qu'il n'est pas encarté au PS", raconte Xavier Mathieu.

xavier mathieu cgt

Lors d'un meeting en mars 2009

Mais au fond, le voilà acteur et plus que le rôle qu'il doit jouer, c'est le sens du scénario qui lui fait répondre au casting. "Je pourrais jouer un nazillon dans un film qui vante la résistance alors que je ne pourrais pas jouer un résistant dans un film révisionniste", explique-t-il. Et quand on lui demande s'il se verrait bien dans la peau d'un patron, la réponse fuse. "Ah oui, un bon gros patron bien pourri, j'adorerai", sourit Xavier Mathieu qui incarnera le père de Grand corps malade dans son prochain film.

En attendant, c'est donc dans le monde très noir de la politique qu'on le retrouve. "Le problème avec Rickwaërt, comme beaucoup d'hommes politiques dans la vie, c'est qu'il recherche uniquement le pouvoir. Il ne fait pas de la politique pour servir les gens mais pour ce servir lui-même. Le pouvoir, c'est incroyable; regardez Sarkozy, il a tout mais il essaie quand même de revenir. C'est comme les anciennes stars de la chanson qui, lorsqu'elles ne brillent plus n'existent plus. Et le pire c'est que pour le pouvoir, ces personnes sont prêtes à tout, même à subir les pires saloperies de la part de leurs ennemis mais aussi de leurs amis", dénonce-t-il.

"Je pourrais être peinard avec 2000 boules par mois"

Alors pas question pour lui d'entrer ce "milieu narcissique, égocentrique", où hormis Jean-Luc Mélenchon, Olivier Besancenot ou Cécile Duflot, les personnalités qui trouvent grâce à ses yeux sont rares.

besancenot mathieu

Avec Olivier Besancenot, lors d'une manifestation en novembre 2013.

Pourtant, à l'écouter, les propositions ne manquent pas. "Aujourd'hui, je pourrais être peinard à siéger au conseil régional avec 2000 boules par mois pendant six ans. J'ai été sollicité de toute part comme pour les européennes ou les départementales. Mais depuis six ans que j'ai quitté mon boulot chez Conti, je fais ma tambouille dans mon coin quitte à ne toucher que le RSA, alors c'est pas pour aller renier mes idées pour siéger je ne sais pas où."

Non, c'est sur les plateaux de cinéma que s'inscrit l'avenir de Xavier Mathieu. "Je ne l'aurais pas fait il y a 20 ans quand j'avais une famille à faire vivre et que c'est une activité difficile. J'ai été apprenti boucher de 15 à 20 ans et j'ai adoré ce métier mais ensuite, pendant 25 ans, je n'ai eu qu'un travail où j'allais sans conviction. Aujourd'hui, je redécouvre ce que c'est qu'avoir un métier que l'on aime", conclut celui qui ne dirait pas non à un rôle plus politique dans une future saison de la série. "Une saison où les magouilles seraient mises de côté pour redonner ses lettres de noblesse à la politique avec pourquoi pas une espèce de type à la Tsipras qui viendrait réconcilier le peuple avec la politique."

Cinq faits réels pour comprendre "Baron noir",

la nouvelle série de Canal+

POLITIQUE - Par séquence, on se croirait presque dans un documentaire. La série "Baron noir" diffusée à partir de lundi 8 février sur Canal+ plonge avec réussite dans les arcanes du pouvoir politique. À Dunkerque où le député-maire Philippe Rickwaert (interprété par Kad Merad) règne sur son microcosme comme les partis politiques aiment à les fabriquer, mais aussi à l'Elysée où Francis Laugier (Niels Arestrup) est un Mitterrand réincarné au temps de Twitter.

BARON NOIR

Certains verront dans cette fiction le "House of Cards" à la Française. Le scénariste Eric Benzekri dit s'être davantage inspiré des "Soprano" et de "À la maison blanche". "L'élément déclencheur de 'Baron noir' est venu du constat de la troublante similitude entre ce que j'ai vécu en politique et ce qui est raconté dans ces deux séries", explique celui qui a longuement milité en politique avant d'écrire des scénarios.

 
 
 

Familier des syndicats étudiants, il a longtemps gravité dans les sphères socialistes "auprès de députés, de ministres et même de candidats à la présidentielle". Mais tous les téléspectateurs n'ont pas son expérience, voici cinq clés politiques pour ne rien manquer des subtilités du scénario.

La puissance de la fédération PS du Nord

Ce n'est pas un hasard si Philippe Rickwaert est un élu du Nord. Dans l'histoire récente du Parti socialiste, ce département ouvrier est un bastion incontournable dont le rôle est central dans les Congrès. Mais un bastion qui subit une lente descente aux enfers; amorcée avec la désindustrialisation (bien mise en lumière dans la série), elle s'est accentuée avec le retour au pouvoir de la gauche en 2012.

Cette dégringolade est parfaitement illustrée par l'année 2015. Au début des années 2000, la "Fédé du Nord" comptait 10.000 membres; elle n'en avait plus que 5200 quand en juin dernier les militants ont été appelés à choisir leur président. Minée par les défaites électorales (revers aux départementales puis aux régionales), la fédération connaît une saignée au niveau des élus, qui débouche sur de graves difficultés financières. Au point que la patronne du PS local a dû lancer un appel aux dons au début du mois de février.

Les nombreux fantasmes des offices HLM

Pour financer la campagne présidentielle de son mentor Francis Laugier, Philippe Rickwaert a puisé dans les caisses de l'office HLM de la ville de Dunkerque (dont il est un dirigeant de par sa fonction de maire). Idem pour les présidents de conseils généraux à l'échelle du département. Ces offices sont, depuis longtemps, au cœur des fantasmes mais aussi parfois d'affaires politico-judiciaires de financement occulte des partis politiques.

La plus médiatique concerne les HLM de la ville de Paris à l'époque Chirac. Il n'était pas question de loyers impayés comme dans la série mais de versement d'argent en échange de l'obtention de marchés publics. Les mis en cause ont assumé avoir versé de l'argent au RPR pour financer des campagnes électorales mais la justice n'a jamais pu prouver que le parti en a profité.

L'union de la gauche à l'épreuve des législatives

Dans la foulée de l'élection présidentielle remportée par le candidat socialiste, les élections législatives doivent lui permettre d'obtenir la majorité la plus large possible pour avoir les coudées franches pendant son quinquennat. Seulement, comme ce fut le cas avec François Hollande, Francis Laugier doit composer avec les alliés du PS, notamment les écologistes.

En 2011, un deal entre Martine Aubry et Cécile Duflot avait réservé une soixantaine de circonscriptions aux écolos dont une grosse vingtaine de gagnables. Dans la série, le fief de Philippe Rickwaert aurait pu en faire partie.

Pour ces législatives, l'autre point important dont il faut se souvenir, c'est la règle tacite qui veut qu'à gauche tous les candidats se désistent au second tour en faveur du candidat le mieux placé. D'où la volonté du "Baron noir" de tout faire pour parvenir à devancer son rival au soir du premier tour.

Les vieilles passerelles entre le PS et la CFDT

Les liens entre la CFDT et le PS que l'on voit dans l'usine Clamex sont moins forts que ceux qui unissent la CGT et le Parti communiste. Il n'en demeure pas moins qu'entre le syndicat réformateur et la rue de Solferino, le courant passe très bien. Et cela ne date pas du quinquennat Hollande durant lequel l'ancien délégué de Florange Edouard Martin est devenu eurodéputé PS et lors duquel Laurent Berger est devenu le principal partenaire des ministres du Travail ou de l'Economie.

Il faut se souvenir par exemple que l'ancien numéro 2 du syndicat Jacques Chérèque (père de François Chérèque) a été ministre du gouvernement Rocard en 1988. Si l'on remonte plus loin, lors du premier mandat de François Mitterrand, on estime que 21% des membres de cabinet du gouvernement Mauroy ont eu leur carte de la CFDT. Autre proximité PS-CFDT, celle qui a rapproché le socialiste Jacques Delors et le cédétiste Edmond Maire.

Un président, deux types de conseillers

 
Autour de Francis Laugier (Niels Arestrup), deux conseillers au profil antagoniste se font face. Philippe Rickwaert (Kad Merad) est un élu fils d'ouvriers bien implanté dans le nord de la France. À l'inverse, Amélie Dorendeu (Anna Mouglalis) est une énarque issue de la haute-bourgeoisie passée par la Commission européenne qui ne s'est jamais confrontée au suffrage universel.

Une répartition qui rappelle (de manière un brin caricatural) l'entourage de François Hollande pendant la dernière présidentielle; respectivement directeur de campagne et directeur de la communication, Pierre Moscovici et Manuel Valls étaient deux proches voués à devenir ministres (ce à quoi aspire Rickwaert) quand Aquilino Morelle (rédacteur du discours du Bourget) est devenu conseiller politique de François Hollande (à l'image de Dorendeu).

Tag(s) : #Politique française
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