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Les nouveaux programmes du collège visent à empêcher les élèves de parler français : telles sont les conclusions de l'Association des professeurs de lettres.

Les nouveaux programmes du collège visent à empêcher les élèves de parler français : telles sont les conclusions de l'Association des professeurs de lettres.

 Par Jean-Paul Brighelli

 

Le 19 mars, l'APL (l'Association des professeurs de lettres, bref, les profs de français) a publié une motion très ferme sur les nouveaux programmes du nouveau collège — celui que Mme Vallaud-Belkacem désire imposer contre 80 % des enseignants et tous les parents d'élèves qui se sont penchés sérieusement sur la question. Pour une fois qu'une personnalité de gauche fait la quasi-unanimité…

Une entreprise de démolition

L'APL « s'élève solennellement contre l'œuvre de démolition menée tous azimuts depuis plusieurs mois. Elle constate en effet la convergence de politiques conduites de manière autoritaire par le gouvernement qui se montre hermétiquement fermé à la concertation avec les associations comme aux objections des savants les plus éminents du pays, tient le Parlement à l'écart de décisions qui pourtant impliquent l'avenir de la nation et profère, à propos de la réforme du collège, les affirmations les plus éhontées devant l'opinion publique. »

Il fallait que ce fût dit. Voilà des mois que les enseignants demandent à être reçus par leur ministre. Surdité rue de Grenelle. Voilà des mois que certains journalistes (pas tous, il en est tant qui sont aux ordres) veulent inviter Mme Vallaud-Belkacem à un débat contradictoire face à l'un ou l'autre des spécialistes de la question. Autisme rue de Grenelle.

Mais que reprochent donc les professeurs de lettres aux grandes incompétences qui ont accouché de ladite réforme ? « La réforme de l'évaluation, la mise en place des EPI et les nouveaux programmes scellent la suprématie de compétences transversales et comportementales sur les savoirs disciplinaires qui seuls peuvent élever les enfants confiés à ses écoles à la dignité de citoyens éclairés et qu'elle assujettit aux slogans de la bien-pensance officielle. »

Comment ? Les merveilles du « socle de compétences » — mis en place par François Fillon, et jamais contesté par la droite classique, l'incompétence n'étant pas une vertu strictement de gauche — ne séduisent pas les enseignants ? Quelle aberration ! La simple observation des programmes de français sur les « cycles » 3 et 4 (la « logique curriculaire » mise en œuvre au ministère a aboli les classes telles que nous les connaissions, dorénavant les objectifs sont affichés par « cycle » de trois ans, cela permet de refiler en douce aux collègues de l'année suivante les élèves qui ont le plus de mal à suivre — interdisant de fait les redoublements, c'est toujours ça de gagné) montre que les notions grammaticales les plus simples ont disparu au profit de « compétences » transversales » — savoir s'exprimer, quel que soit le moyen — toujours « en voie d'acquisition », ce qui fait pencher la balance du côté du verre à moitié plein.

Langue interdite

L'APL — on s'en doutait — n'est pas tendre pour la disparition programmée des enseignements classiques : « L'éviction du latin et du grec hors de nos collèges est emblématique d'une volonté d'interrompre la transmission d'un patrimoine linguistique, littéraire, artistique, juridique rendu illisible par l'oblitération des références qui l'ont continûment irrigué. » Ben oui : la France et le français plongent leurs racines (linguistiques et culturelles) dans une Histoire trois fois millénaire — mais à quoi cela peut-il bien servir pour remplir le formulaire de Pôle Emploi ? « En France, la nation est largement fille de ses lettres » — certainement, mais qui le dira à des gens qui croient que « ministre » — mot qui exprime une fonction, et non un sexe — peut se mettre au féminin, ou que « professeur » est susceptible de prendre un « e » ? L'usage, le bon usage prôné par Vaugelas et Maurice Grévisse, n'est sans doute qu'une rumeur infondée — « un bruit de chiottes », dirait Mme Vallaud-Belkacem. « Et puis merde à la fin ! », ajouterait Emmanuelle Cosse. Ce retour au stade anal, typique des pervers polymorphes, est quand même un peu inquiétant. Quant aux raisons profondes qui poussent un tel gouvernement à détruire l'enseignement du français, face aux diktats européens et aux divers communautarismes…

Lanceurs d'alerte

L'APL achève son réquisitoire en dénonçant l'école à deux vitesses que ce projet létal encourage — « une école de charité, une école pour pauvres, que les classes aisées et les classes moyennes vont fuir plus résolument encore ». Mais le ministère restera ferme face à ces critiques. « L'idéologie, expliquait Hannah Arendt, est l'émancipation de la réalité à l'égard de l'expérience » — et le ministère de l'Éducation en est là : le réel n'est pas satisfaisant, alors on lui impose un cadre idéologique, une fiction à laquelle on veut croire. C'est le mécanisme bien connu des prophéties autoréalisatrices : ainsi, ici, descendre le niveau va permettre de le remonter. Si !

Si je me risquais moi aussi à faire un peu de prévisionnisme, j'expliquerais que le PS a d'ores et déjà perdu le vote enseignant. Mais je n'en suis même pas sûr : de manipulations en désinformations, la gauche tentera jusqu'en 2017 de rassembler sur son candidat tous ceux qui la vomissent (et cela fait du monde) mais qui peuvent encore être abusés par la peur du loup. En tout cas, quand la catastrophe aura commencé — dès septembre prochain, si des digues ne sont pas élevées par toute la population, et pas seulement par 800 000 enseignants que leur ministre n'écoute pas —, quand vos enfants seront engloutis par la vague, ne blâmez pas les professeurs de ne pas vous avoir prévenus. Ils s'échinent à le faire depuis bientôt deux ans.

Tag(s) : #Education nationale
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