envoyé par Xuan
Présentation
« La grève politique de masse » numérisé ici est extrait du livre 2 du tome premier des œuvres de Maurice Thorez éditées en 1950.
Le texte avait été publié en janvier 1930 dans le premier numéro des Cahiers du bolchévisme.
En février, le n° 2 en reprend les thèmes sous le titre « la préparation de la grève politique de masse, centre de la discussion de la conférence nationale ».
Thorez fut arrêté le 9 juin 1929, d’autres communistes peu après, pour atteinte à la sûreté de l’état. Il fut libéré le 23 avril contre paiement d’une amende, et l’Humanité du 27 avril 1930 publia le troisième texte de ce recueil : « L’action de masse doit briser le complot », qui définit le lien dialectique entre l’action légale et illégale.
Le même livre comprend entre autres textes significatifs « la Tactique du front unique », portant notamment sur les sujets « chefs et ouvriers socialistes ».
Et les « Discours à la Conférence nationale des 28 février et 1er mars 1931 » :
- la caractéristique de la crise économique
- le travail des communistes dans les syndicats
J’ai ajouté aux notes d’origine des notes complémentaires (JJ) destinées à éclaircir des faits et des noms alors familiers mais aujourd’hui peut-être oubliés.
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Le document « La grève politique de masse » se situe dans une période qui présente des similarités avec celle que nous vivons, et quelques différences sous d’autres aspects.
Thorez écrit ce texte en prison, dans la tourmente d’une crise inégalée du capitalisme, dix ans après la boucherie de 14, qui n’a résolu en rien les contradictions européennes, sauf en donnant naissance au premier Etat socialiste et aux partis communistes, et au moment où les impérialismes cherchent à exploiter davantage le prolétariat et préparent un nouveau conflit.
Aujourd’hui la crise de 2008 se prolonge et s’aggrave. L’essor des pays émergents menace la domination impérialiste occidentale, tandis que la superpuissance américaine essaie de répercuter ses propres difficultés sur ses propres alliés. L’Europe est ainsi prise en étau, constituant pour ainsi dire le maillon faible de l’impérialisme, et se fissure suivant ses propres contradictions : luttes de classes, rejet populaire de l’Europe, domination et oppression en son sein, concurrence pour le leadership, comme l’illustrent les événements de ces derniers mois.
En 1930 le parti socialiste était qualifié d’allié de la bourgeoisie.
Pendant des décennies il a été gratifié de parti de gauche par le PCF.
On ne peut plus en dire autant aujourd’hui. Car il a exercé durablement le pouvoir d’Etat sans partage. Le parti socialiste ne se distingue plus fondamentalement des autres partis bourgeois, avec lesquels il pratique une alternance qui ne modifie en rien la politique nationale et internationale, et qui ne préoccupe ni ne surprend les milieux financiers. Il fait désormais intégralement partie de la grande bourgeoisie monopoliste qui l’applaudit dans ses réunions.
Par ailleurs les « ouvriers socialistes » ont été remplacés par des « bobos, diplômés, urbains et fonctionnaires ouverts sur la mondialisation » voire des grands bourgeois, de sorte qu’il n’est « plus du tout un parti des milieux populaires » [Rémi Lefebvre].
Dans la lutte contre la loi Travail, en l’espace de trois mois, les masses populaires ont reconnu dans le Parti Socialiste un ennemi à part entière et non plus un allié inconséquent.
C’est un fait historique nouveau, expérimenté par les larges masses, y compris dans les classes intermédiaires, et qui en ont rapidement tiré la leçon. Elle raye des décennies de mauvais calculs électoraux et remet en cause la théorie du passage pacifique au socialisme.
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Le second fait historique est le retour fracassant de la classe ouvrière sur le devant de la scène, après bientôt quarante ans d’humiliation et de dénigrement, renouant avec de légitimes actions violentes de masse et n’hésitant plus à bloquer le pays. Elle s’impose de nouveau comme seule classe pouvant diriger la révolution prolétarienne.
Ainsi et différemment de mai 68, la jeunesse instruite dont l’avenir est assombri par le capitalisme manifeste en brandissant les drapeaux de la CGT.
Le texte de Thorez analyse longuement le rôle dirigeant et révolutionnaire de la classe ouvrière, de la grève de masse et politique et de ses perspectives insurrectionnelles.
Il n’hésite pas non plus à préconiser l’autodéfense ouvrière face à la répression policière.
Là encore le sujet redevient d’actualité, après les agressions délibérées de manifestants pacifiques par les CRS, impliquant la protection des cortèges et l’abandon des promenades et déambulations débonnaires pour les remplacer par des rangs organisés et disciplinés.
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Un troisième tournant est la soumission totale et définitive des dirigeants cédétistes au grand capital, appelant le gouvernement à défendre la loi Travail contre vents et marées. La CFDT qui fait front commun avec Valls et Gattaz contre les salariés est devenue la courroie de transmission du PS et de la grande bourgeoisie, brisant de fait la stratégie unitaire de la CGT à son endroit. Il apparaît qu’une réunification syndicale ne pourrait pas se réaliser dans les mêmes conditions que celle de la CGTU et de la CGT.
Sur le terrain syndical, le texte de Thorez nous invite aussi à une réflexion sur la direction révolutionnaire de l’action syndicale et sur la conception communiste de la Charte d’Amiens.
Celle-ci garantit la liberté d’opinion et de croyance, et par là même l’indispensable caractère de masse du syndicat, qui dépasse nécessairement de loin les adhésions du parti communiste.
D’autre part elle proclame regrouper « tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du salariat et du patronat » et affirme que le syndicalisme « prépare l’émancipation intégrale, qui ne peut se réaliser que par l’expropriation capitaliste ».
Thorez insiste longuement sur le lien indispensable entre les revendications économiques et corporatives les plus ordinaires et l’objectif final. Il signale aussi que le Parti communiste ne doit pas se substituer au syndicat ni lui imposer ses mots d’ordre.
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Il existe évidemment une différence majeure entre le parti de Maurice Thorez et celui de Pierre Laurent, lequel ne saurait être inquiété aujourd’hui pour « atteinte à la sûreté de l’Etat ». Chose qu’on ne lui souhaite nullement bien entendu.
Toutefois, la classe ouvrière a impérativement besoin de son parti communiste, mais d’un parti révolutionnaire, qui se soit réapproprié les principes marxistes-léninistes.
Ce texte peut contribuer au nécessaire retour aux sources.
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