sur son blog
Dynamique, le mot est indéniablement adéquat. Que l’on soit favorable à la démarche ou un détracteur enragé de cette dernière, on ne peut décemment pas nier le fait qu’il se passe quelque chose qui prend de l’ampleur du côté de cette France insoumise. Tout est réglé au millimètre, la communication est pensée jusque dans les moindres détails et l’agenda semble soigneusement construit, ne laissant que de courtes séquences entre chaque rendez-vous. Stalingrad en juin, le pique-nique à Toulouse cet été, la fête de l’Huma et cette convention lilloise … Mélenchon et son staff savent occuper le terrain et squatter les médias. On parle sans cesse de lui ou presque jusqu’à frôler l’overdose. Il phagocyte totalement tout ce qui ondule mollement dans la mare vaseuse de la gauche du parti socialiste.
Après tout, Mélenchon n’est-il pas le fils prodigue du trotskisme à la française comme il le confesse lui-même dans son dernier ouvrage d’entretien avec le journaliste Marc Endeweld ?
Un sens aigu de l’organisation, un manœuvrier doué doté d’un sens de la formule unique. Et puis une stratégie irriguée par le flux mémoriel de ces années passées à la tête de la fédération socialiste de l’Essonne où pour être respecter il fallait être un fossoyeur habile des mairies communistes. La friandise ultime était de réussir à être invité dans le bureau élyséen du vieux (sic), le tonton flingueur de la gauche révolutionnaire, François Mitterrand. C’est l’itinéraire du nouveau héraut de la gauche propre sur elle. Si on s’amusait ce week end (ce que j’ai fait) à observer attentivement les plans larges de la salle, il était ardu d’y trouver des mains calleuses. Cette convention semblait être une sorte d’entre-soi sociologique assez frappant. On a l’illusion d’une thérapie de groupe de l’ex-aile gauche du PS qui se donne les moyens de tuer le père.
Pour autant, Mélenchon est une bête politique, une sorte de cyclone qui dévaste tout sur son passage. Il est en train de polariser la gauche sur son seul nom. Pour ce faire et pour prolonger ce travail il vient de mettre sur pied une armée disciplinée signant son consentement ce week-end à Lille. Un homme, un symbole (la lettre grecque phi), un programme et des petites mains qui se plient totalement à la norme imposée.
Je n’invente rien et ne grossis pas le trait par malveillance. C’est exactement ce qui a été annoncé. Le léniniste que je suis est bien évidemment sensible à l’organisation et je suis le premier à reconnaître qu’un mouvement doit savoir se discipliner. Mais il y avait au final quelque chose d’assez lugubre dans ce que je voyais.
Alors que je conçois la discipline pour servir un idéal et une matrice révolutionnaire, j’ai beaucoup plus de mal quand elle sert le destin d’un personnage. Mon instinct me pousse à être de plus en plus méfiant avec Mélenchon. Bien qu’il débuta son propos hier en raillant ceux qui résument sa méthode à un gourou et ses brebis égarées, on ne peut s’empêcher de rester sur ses gardes tant le personnage est central dans l’organigramme de cette petite sauterie « insoumise ».
A tel point qu’on finit par douter que ce dernier veuille réellement renverser l’institution. Il aime être un homme fort, on le sent fortement à l’aise quand sur cette petite scène circulaire il prêche son catéchisme écolo-réformiste à coup de « si je suis élu ». Il se prend totalement au jeu de ce qu’il dénonce pourtant dans ses envolées plébéiennes, l’homme providentiel, celui qui part à la rencontre avec un peuple dans le but de le transcender.
Preuve en est l’esthétique rattachée à cette pré-campagne. Fini le rouge, les symboles de la lutte ouvrière, on veut en finir avec le chant de l’Internationale. Non, maintenant c’est un bleu roi apaisant, trois initiales omniprésentes à la « JFK » rattachées à 2017, comme si cette élection présidentielle allait devenir le point d’ancrage de l’année zéro de la gauche 2.0.
Bref, Mélenchon se dote d’une machine de guerre pour servir son dessein. Là où sans doute les choses deviennent dangereuses, c’est lorsqu’il annonce qu’unilatéralement ce mouvement nommera 577 candidats estampillés « France insoumise » pour les législatives quitte à faire perdre à coup sûr des concurrents sérieux au tripartisme mortifère.
En effet, cela signifie qu’il présentera des candidats là où des députés communistes/front de gauche sont sortants, avec pourtant un bilan tout à ait honorable.
Cette stratégie fera donc disparaître toutes possibilités de faire émerger un groupe d’opposition de gauche authentique à l’Assemblée nationale.
Cela n’excuse en rien la lourde responsabilité de la direction du PCF dans l’éventualité d’un tel scénario catastrophe. Oui si Mélenchon peut aussi facilement manœuvrer, c’est aussi parce que le PCF n’a jamais été aussi faible et si malhabile stratégiquement. J’ai d’ailleurs longuement hésité à écrire sur cette présidentielle tant je ne me retrouve dans aucune des stratégies actuellement à l’œuvre.
J’étais favorable à la construction d’une candidature communiste pour porter un véritable projet de rupture prenant de l’épaisseur au travers des derniers épisodes de luttes sociales.
Mais aujourd’hui, comment peut-on encore croire qu’à 6 mois du scrutin il soit encore possible de le faire. Alors même que Pierre Laurent et ses portes-parole s’évertuent avec méthode à totalement proscrire cette orientation. Je me sens finalement orphelin au milieu de toute cette agitation stérile.
Alors, comme d’autres camarades que l’on ne peut que difficilement blâmer, je pourrais par désespoir de cause me rallier à la seule dynamique en cours, celle de Mélenchon.
Mais comment accepter les règles autoritaires imposées pour un tel ralliement ?
Comment pouvoir défendre un projet économique qui consiste à gommer partiellement les inégalités en pariant sur un simple modèle réformiste de relance par l’économie verte, car derrière les formules chocs c’est de cela et de cela seulement dont il est question.
Comment accepter de participer sans broncher à cette France insoumise mais thuriféraire ?
Les manœuvres se transforment aujourd’hui en cache-misère, elles viennent maquiller l’asséchement idéologique de notre camp. Alors qu’il y a d’importants chantiers à concevoir à la base pour recréer des solidarités et mettre en branle les anonymes militants quotidiens de la dignité humaine et des luttes sociales, qu’il y a à convaincre que nous sommes en droit d’espérer autre chose qu’un rehaussement du SMIC et une baisse d’impôts, nous subissons les renoncements tragiques des porteurs d’eau tiède du communisme indolore et les rêves de gloire des Dorian Gray de l’égocentrisme politique servant leurs désirs de conquête quitte à assister presque satisfait au pourrissement inéluctable de notre temps.
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