lundimatin
Depuis le Nouvel An, le Mexique connaît une vague d’émeutes, de blocages et de pillages sans précédent. Quand l’étincelle qui embrase la plaine est l’augmentation du prix de l’essence, les choses avancent plus vite que d’habitude. Un envoyé spécial de lundimatin nous livre les dernières nouvelles.
PREMIÈRE PARTIE : CHRONIQUE GÉNÉRALE.
Le prix du pétrole dicte celui de l’essence (dixit Meade, Secrétaire des Finances et du Crédit Public). Et si le prix de l’essence augmente, alors le prix des produits et des services aussi. Conséquemment : l’inflation (3%). Depuis quatre-vingt ans le pétrole mexicain est nationalisé à travers la compagnie Pemex. Le prix du pétrole dépend d’un barème fixe décidé par l’État. Le projet de Réforme énergétique initié en 2014 par le gouvernement de Peña Nieto impliquait la privatisation du pétrole et de la vente d’essence. Le 1er janvier 2017, c’est chose faite. Dans le discours officiel, il s’agit de s’ajuster aux tendances naturelles de la compétition internationale contre le maintient « artificiel » (E. Peña Nieto) des interventions étatiques. En somme, un retour à la nature… du marché. Décision « impopulaire » et « difficile » pour le triste chef d’État. Et certes, les Mexicains sont en colère. Mais vous, à sa place, hein, « qu’auriez-vous fait ? » (5 janvier, « Mensaje a la Nación »).
1er Janvier 2017 : au Mexique, il est de droit coutumier que les fêtes soient systématiquement accompagnées par la recrudescence des asaltos (assauts, vols à main armé, hold up). C’est normal au Mexique : la turba (plèbe) aussi veut s’offrir des cadeaux. Mais en ce nouvel an 2017, la chute de la valeur du peso (une des suites de la victoire de Trump) conjuguée à l’augmentation du prix de la gasolina (une des suites de la dérégulation) a réussi la prouesse de transmuer les traditionnels asaltos en communs saqueos (saccages, pillages).
En l’espace d’une petite semaine (du 1 janvier au 7 janvier [date à laquelle nous écrivons]) les chaînes COPPEL, ELEKTRA, BODEGA AURRERA, OXXO, CHEDRAUI, FAMSA, WALMART, COMERCIAL MEXICANA etc… ont littéralement perdu la face, submergées par des hordes bigarrés de ménagères, d’étudiants, de ronds-de-cuir et de vieillards, – tous anonymes de la très sainte société civile. L’on vit d’insolites honnêtes gens, les bras pleins de jouets roses et bleus, côtoyant un honnête encapuchado chargé d’un réfrigérateur et d’une télévision. L’on vit des taxis servir d’entrepôts temporaires aux larcins. L’on put rire de ce jeune Mexicain qui, alors que d’autres plus âgés s’enfuyaient avec des scooters neufs et des écrans plasma, semblait se satisfaire d’un gros ours en peluche.
Reconstruire le brève chronologie du « gasolinazo » (augmentation brutale du prix de la gasolina, l’essence) ainsi que de ses conséquences « anormales et inusitées » (dixit un quelconque chef de police) est bien difficile : les événements se poursuivent encore à l’heure où nous écrivons et l’information ne nous parvient que chaotiquement.
Ce qui suit est le récit des traits les plus saillants de l’événement qui, pour l’instant, compte peut-être cinq morts (quatre civils et un policier) et 1500 emprisonnés. L’ampleur des ravages peut se jauger à l’aune des motifs d’inculpation : « vol aggravé » et - sic - « terrorisme » (selon la Fiscalía General del Estado). Le chaos est tel que la « Segob » (Secretaria de Gobernación) annonce la fumeuse mise en place d’une « communication permanente » entre les 32 états, en particulier entre les gouvernements de la Ville de Mexico, de Hidalgo, de l’État de Mexico, du Chiapas, de Tabasco et de Veracruz. Ainsi le chef du gouvernement local de la ville de Mexico, señor Mancera, peut-il se satisfaire d’avoir récupéré, le 4 janvier, le « contrôle de la ville » (« nosotros tenemos el control de la ciudad ») grâce à la mise en place d’un « dispositif de vigilance renforcée » (« esquema de sobre vigilancia »). Last but not least : on nous annonce que ces états travaillent désormais avec la División Cibernética de la Police Fédérale et le Procureur général de la République afin de traquer, sur les réseaux sociaux, les comptes de ceux qui fomentent « mensonges » et « rumeurs » affectant l’ordre public.
Les protestations sont premières. Marches et blocages annoncés (« marchas y bloqueos ») se multiplient dès dimanche 1 janvier, date du passage en vigueur du gasolinazo. Les manifestations et les rassemblements étaient prévus, appelés par les syndicats, les associations citoyennes (Constituyente Ciudadana Popular, Nueva Revolución Ciudadana) ou le CNC (Congreso Nacional Ciudadano). D’abord calme, ça tourne à l’émeute (surtout à Coahuila, Ixmiquilpan, Hidalgo). Et les journalistes de narrer leur sempiternel étonnement face à la transformation d’une manifestation « pacifique » en semi-guerre civile. Fait cocasse : lors de certains affrontements, les forces de l’ordre sont détenues par les manifestants-émeutiers, puis relâchées.
Le lundi 2 janvier, c’est au tour des blocages de se multiplier (Chihuaha, Morelos, Durango) : la CFE, Comisión Federal de Electricidad, est bloquée à Zacatecas, les autoroutes, comme à Acatzingo, Puebla connaissent des fermetures intermittentes, les péages sont occupés comme ceux d’Ixtapaluca ou de Tepatitlán, les stations essences et les terminaux de combustibles se retrouvent ou bien sans accès ou bien saccagés, - à tel point que Pemex menace, dans un communiqué, de ne plus livrer son essence et signale les risques que cela impliquerait pour le trafic aérien. Les taxis et les colectivos, pas en reste, s’amoncellent dans les rues de Coatzacoalcos, ou bien, comme à Acapulco, tentent de vider une pipeline de Pemex, tandis que les camionneurs cherchent judicieusement à se garer devant les sorties des raffineries (comme devant Lázaro Cardenas à Minatitlán). Jeudi, les manifestations et les blocages ont ...
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