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Certaines réformes dérégulatrices du marché du travail italien feront l’objet de référendums d’abrogation proposés par la centrale syndicale CGIL. La Cour constitutionnelle vient de donner son feu vert, ce mercredi 11 janvier.
L'article 75 de la Constitution italienne dispose que 500 000 signatures de citoyens permet de demander la tenue d’un référendum abrogatif de tout ou d’une partie d’une loi. À l’initiative de la CGIL, première centrale syndicale transalpine (équivalente de la CGT par son histoire et ses orientations), plus de 1,1 millions d’électeurs ont signé en faveur de trois référendums visant à se débarrasser de trois réformes du droit du travail adoptées de ces dernières années et particulièrement dérégulatrices.
La procédure prévoit ensuite que la Cour constitutionnelle vérifie les signatures et le bien-fondé de la demande. Deux de ces trois demandes ont ainsi été validées par les hauts magistrats à Rome, mercredi 11 janvier. Un semi-échec pour la CGIL car celle qui a été refusée par la Cour concernait un décret-loi de 2015, qui a mis fin à l’article 18 du statut des travailleurs (dont le patronat réclamait la suppression depuis des décennies) permettant jusqu’alors la réintégration des salariés licenciés sans une « cause juste ». Depuis l’adoption de ce texte sous l’égide du gouvernement de Matteo Renzi, les salariés licenciés dans de telles « conditions » (injustes) bénéficient désormais d’une indemnité mais ne retrouvent pas leur poste.
Par contre, c’est bien l’une des mesures les plus emblématiques du fameux Jobs Act de 2015 de Matteo Renzi qui sera l’objet d’un référendum abrogatif [1] : les fameux « vouchers » de 10 euros, sorte de tickets-restaurants ou de chèques emploi-service, avec lesquels les employeurs peuvent rémunérer une heure de travail (avec des cotisations santé et retraites réduites au minimum) et qui sont acceptés directement par les magasins ! Sensés lutter contre le travail au noir, sport national dans certains secteurs en Italie, ces « vouchers » permettent surtout de payer des salariés pour des durées de travail extrêmement courtes et ont donc développé à outrance la plus grande précarité institutionnalisée.
Créée sous une première forme en 2008 par l’ultime gouvernement Berlusconi, la mesure, pour le moins humiliante à l’endroit des travailleurs, a été ensuite grandement facilitée par Renzi en 2015. Depuis, l’utilisation des « vouchers » a littéralement explosé, représentant aujourd’hui quelques 150 millions d’heures de travail par an. Principale cible d’une CGIL, dont la secrétaire générale Susanna Camusso a déclaré qu’elle était, depuis le feu vert de la Cour constitutionnelle, « désormais en campagne électorale », cette mesure avait déjà fortement divisée au sein du Parti démocrate dirigé d’une main de fer par Matteo Renzi et ses affidés, en soulevant un fort mouvement d’opposition de sa minorité de gauche. Un peu comme nos « frondeurs » du PS.
La future campagne référendaire devrait sans aucun doute voir se renouveler cette fracture, déjà amplifiée par le référendum constitutionnel perdu par Renzi en décembre dernier (et cause de sa démission), contre lequel s’était engagée cette même minorité de l’aile gauche du parti.
[1] Une loi au titre en anglais par volonté de « modernité » souvent comparée à la loi El Khomri mais qui est en fait bien pire. Le second référendum abrogatif validé par la Cour constitutionnel portera sur une mesure de la loi Biagi (ministre du Travail de Berlusconi en 2003) qui limite la responsabilité des donneurs d’ordre en cas de non-respect du droit du travail par des sous-traitants…