Après Fillon...
Bien sûr, on ne peut pas encore préjuger du devenir de la nouvelle star des Républicains, qui avait écrasé par surprise les primaires de son camp à l’automne. Sa conférence de presse d’hier pourra-t-elle relancer la campagne mise à mal par les questions autour de l’emploi de membres de sa famille comme assistants parlementaires de celui qui voulait être le Thatcher français.
Deniers publics et responsabilité
Il faut remercier l’AFP pour avoir synthétisé de manière si claire, complète et simple, toutes les affaires qui embarrassent l’actuel candidat des dits Républicains. Il ne faut pas oublier que l’affaire de l’emploi de membres de sa famille comme attachés parlementaires, n’est pas isolée. D’abord, celle de la caisse des sénateurs de l’UMP, qui lui aurait redistribué 21 000 euros de frais non dépensés par le groupe. Ensuite, se pose aussi la question des plus de 750 000 euros qu’il a touché depuis 2012 au titre de sa société de conseil, qui est peut-être la raison de son dilettantisme parlementaire sur la période, lui dont la participation aux commissions se situe au quart de la médiane de l’Assemblée…
Mais le gros morceau du scandale actuel porte sur les plus de 900 000 euros de rémunérations touchées par sa famille comme attachés parlementaires. Fillon y a répondu habilement en évoquant les 3600 euros nets que cela représente pour sa femme, une somme qui ne semble pas choquante, lui permettant de passer outre un niveau de rémunération très élevé sur la fin. En revanche, les 3000 euros nets pour ses enfants, encore étudiants, sont des indemnités de stage peu conventionnelles. Et il est tout de même légitime qu’on lui demande des comptes sur l’utilisation de telles sommes, provenant de deniers publics, quand il décide de les donner à des membres de sa famille.
Bien sûr, on peut aussi penser que les médias en ont fait beaucoup sur cette affaire, mais ne leur en aurait-on pas tenu rigueur de ne pas en parler ? Il est possible que l’on ne voit jamais complètement clair dans cette affaire : emballement médiatique disproportionné autour de l’emploi légitime de la femme d’un candidat comme assistante parlementaire, à la manière du roman de David Desgouilles, ou politicien pris la main dans le pot de confiture, se servant au lieu de servir, ce que pourrait indiquer son absentéisme au parlement depuis 2012, pas moins important que celui de Marine Le Pen, qui donne une perspective moralement problématique aux revenus de sa société de conseil ? Une illustration de la formule du Général de Gaulle, « je n’aime pas les miens parce qu’ils aiment trop l’argent » ?
Un esprit taquin pourrait voir dans le dur traitement que François Fillon dit vouloir imposer aux fonctionnaires un lien avec son comportement de profiteur de la République : après tout, s’ils se comportent comme lui, cela ne mériterait-il pas plus de rigueur ? Faut-il aussi voir dans sa déclaration sur un « Etat en faillite » en 2007, un lien avec le fait que sa femme touchait 10 000 euros par mois comme attaché parlementaire de son suppléant, tout en déclarant à une journaliste britannique qu’elle n’avait jamais occupé ce poste, pour lequel elle avait pourtant déjà été deux fois rémunérée… Faudrait-il avoir abusé personnellement de cette dépense publique pour vouloir tailler dedans à la hache ?
Plus sérieusement, même si le phénomène médiatique autour de ces affaires a aussi un aspect effrayant, même si les emplois n’ont pas été fictifs, le comportement de Fillon pourrait bien le disqualifier pour tenir le rôle auquel il aspire aujourd’hui, dans ce gigantesque jeu de massacre qu’est devenue cette campagne présidentielle, cette interminable nuit du 4 août pour Natacha Polony.