Le directeur de la National Geospatial-Intelligence Agency, Robert Cardillo (à droite) en discussion avec une sénatrice démocrate, Dianne Feinstein le 27 septembre 2016 à Washington, DC.
Comment une redoutable agence d’espionnage dont personne n’a jamais entendu parler pourrait être utilisée pour surveiller les Américains.
À 25km au sud de Washington, sur une base militaire lourdement protégée, se trouve une agence d’espionnage dont peu de personnes connaissent l’existence. Barack Obama en personne semblait ne pas en reconnaître le nom après cinq mois de mandat. En mai 2009, alors qu’il se trouvait dans un fast-food de l’enseigne Five Guys, à Washington, pour un bain de foule, il s’était adressé à un client assis à une table. «Vous faites quoi dans la vie?» avait demandé le Président. «Je travaille à la NGA, la National Geospatial-Intelligence Agency», avait répondu le client. Obama avait semblé interloqué. «Et qu’est-ce exactement que cette National Geospatial…» avait-il dit, incapable de se rappeler du nom complet de l’agence. Huit ans après la diffusion de cette vidéo, la NGA reste, de loin, la moins célèbre des cinq grandes agences de renseignements américaines, parmi lesquelles se trouvent notamment la CIA et la NSA.
Pourtant, en dépit de ce manque de reconnaissance, les bureaux de la NGA constituent le troisième bâtiment le plus important de l’agglomération de Washington. Ils sont plus grands que le siège de la CIA et que le Capitole.
Achevé en 2011 pour un coût de 1,4 milliard de dollars, le bâtiment principal mesure quatre terrains de football et couvre la même surface que deux porte-avions. En 2016, l’agence a acheté 40 hectares de terrain à St. Louis afin d’y construire un bâtiment supplémentaire pour y installer son personnel sans cesse croissant (déjà 3.000 employés en ville). Coût total: 1,75 milliard de dollars.
La NGA est aux images ce que la NSA est aux voix. Sa fonction principale est d’analyser les milliards d’images et de vidéos prises par les drones au Moyen-Orient ainsi que par les satellites-espions en orbite autour du monde. Toutefois, ayant toujours plus ou moins pointé ses caméras haute-résolution vers l’étranger plutôt que vers les États-Unis, comme le montrent plusieurs études, l’agence n’a jamais été impliquée dans des scandales d’espionnage intérieur comme ont pu l’être la CIA et la NSA. Il existe toutefois des raisons de penser que cela pourrait changer avec Donald Trump.
Durant toute la campagne des présidentielles et lors des premiers mois de son mandat, Donald Trump a bien montré sa volonté d’assouplir les contraintes sur les agences de renseignements, d’augmenter le budget de la défense et d’avoir une politique très sécuritaire. Il est par conséquent très probable que le nouveau président américain utilisera tous les outils à sa disposition pour mener sa politique à bien, y compris la surveillance aérienne.
En mars 2016, le Pentagone a publié les résultats d’une enquête conduite à l’initiative du bureau de l’inspecteur général du département de la Défense au sujet de l’utilisation de drones-espions militaires sur le territoire américain. Le rapport, classé «For Official Use Only»(réservé au service) et partiellement rédigé, montrait que le Pentagone avait utilisé moins de vingt fois des drones de surveillance non armés sur le territoire américain entre 2006 et 2015 (le rapport en question n’identifie pas la nature des missions, mais un autre document du Pentagone a recensé onze opérations domestiques de drones, principalement lors de catastrophes naturelles, pour des opérations de recherches et de secours et pour des entraînements de la garde nationale).
L’enquête citait également un article de l’Air Force law review qui signalait les inquiétudes croissantes de voir une technologie conçue pour espionner des ennemis à l’étranger se transformer rapidement en instrument de surveillance des citoyens à l’intérieur du pays...
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