Le grand retournement
Il y a peu de jours encore, le croiseur amiral LR prenait l'eau de toutes parts. L'équipage, les officiers en premier, comme les premiers rats venus, quittaient le navire. Seul, François Fillon s'accrochait désespérément au mat, se sacrifiant pour la cause. Il voyait son directeur de campagne, son porte-paroles, députés et sénateurs, tous ses proches prendre d'assaut les canots de sauvetage.
Sa cause était perdue, telle était alors le sentiment unanime des médias du Capital, qui ne cachaient pas alors leur satisfaction. Les Unes du "Monde" en font foi : "François Fillon de plus en plus isolé", le 4 mars, "Fillon joue la rue pour sauver sa candidature", le 5 mars.
Tels étaient les titres du quotidien du soir, assortis d'infos significatives sur l'abandon généralisé du candidat de la droite par les ténors "Républicains", qui faisaient assaut de qualificatifs, pour le moins, peu amènes sur son attitude. L'opprobre vis-à-vis du ténor déchu était telle que la mobilisation de la rue prévue par lui au Trocadéro le 5 mars, était qualifiée d'acte de subversion, mettant en cause la justice...
La sphère médiatique ne donnait pas cher du candidat récalcitrant, vu son naufrage politique. Dimanche soir, l'heure était encore à la sous estimation policière de l'affluence du rassemblement de l'après-midi.
Au matin du lundi 6, on pouvait toujours lire, s'étalant pleine page du "Monde" : "La droite au bord de la rupture".
Ce scénario d'épouvante politique s'est arrêté brusquement le soir du même jour.
Après un simulacre d'appel au sauveur Alain Juppé, durant la matinée, tout s'apaise d'un seul coup le soir : le Conseil politique UNANIME des "Républicains redonne à François Fillon la couronne du chef, qui redevient le candidat "incontesté" de la Droite. Et, fait bizarre, aucun commentaire des médias sur le retournement spectaculaire et inattendu de la situation.
François Fillon est redevenu par un coup de baguette magique le candidat naturel de la droite. Nous sommes revenus quelques semaines en arrière, avant le jour où "le Canard enchaîné" nous a conté les mésaventures de Pénélope
Pourquoi ce coup de théâtre, malgré son caractère spectaculaire, n'offusque personne ?
"Le Figaro" donne peut-être quelque lumière sur l'événement.
En effet, le quotidien de Dassault a compris que la mise à l'écart de François Fillon aurait laissé au Front national un boulevard qu'aurait occupé Marine Le Pen. Or, si l'orientation droitière de cette dernière n'inquiète en aucune manière le grand patronat, ses positions - toutes ambigües qu'elles soient - sur l'Europe et l'Euro, font d'elle et de son mouvement l'adversaire numéro un de l'oligarchie européenne et mondialisée. Son succès serait, pour cette dernière et le monde politique à sa solde, l'annonce d'un "Brexit" à la française, le cauchemar tant redouté des croisés du libre échange.
Finalement, la candidature de François Fillon est jugée utile : elle peut mordre sur l'électorat frontiste et réduire d'autant l'audience de Marine Le Pen.
Et puis, quand même, le candidat des Républicains n'est-t-il pas l'ami proche d'un représentants des Assurances privées, Henri de Castrie, l'ex-PDG d'AXA ?
C'est une garantie pour l'oligarchie, même si celle-ci préfère pour l'heure Emmanuel Macron, plus susceptible de rassembler la droite avec une partie de la fausse gauche.
C'est dans ce contexte qu'il faut situer les sinuosités de la campagne présidentielle.