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Faut-il rappeler que l'autoritarisme est parfois le chemin le plus sûr pour perdre toute autorité?

Faut-il rappeler que l'autoritarisme est parfois le chemin le plus sûr pour perdre toute autorité?

Challenges, l'actualité de l'économie, de la finance, de l'entreprise et les échos de la Bourse

par  Denis Jeambar

 

Nul ne peut le nier, Emmanuel Macron est un exceptionnel metteur en scène de sa posture présidentielle. Jour après jour, il apporte la preuve de sa maîtrise de la communication et du marketing politique dans la fabrication d'images et de messages destinés aussi bien aux Français qu'au reste de la planète. Episode après épisode, il construit avec méthode son personnage de chef d'Etat en plaçant le principe d'autorité au centre de sa stratégie comme le démontre son rude recadrage du chef d'état-major des armées, le général Pierre de Villiers, coupable en vérité de rien sauf d'avoir dit crûment dans le huis clos de la commission de la défense à l'Assemblée nationale – et non sur la place publique - ses inquiétudes sur la réduction du budget de la défense de 850 millions d'euros cette année.

S'interroger, même en privé, sur les choix présidentiels est désormais une faute. Pour ceux qui en douteraient, le président en a rajouté dans le Journal du Dimanche du 16 juillet : " Si quelque chose oppose le chef d'état-major des armées au président de la République, le chef d'état-major change. " Des propos qui ont dû retentir dans la haute fonction publique et les ministères: tout le monde dans le rang, aucune tête ne doit dépasser. Une sorte de capolarisation qui ressemble, à vrai dire,  plus à de l'autoritarisme qu'à une manifestation d'autorité. Faut-il rappeler que l'autoritarisme est parfois le chemin le plus sûr pour perdre toute autorité. Nous n'en sommes pas là et, sans doute, le Président veut-il s'affirmer à la fois en raison de son âge mais aussi après avoir vu les dégâts provoqués par l'autorité flageolante de son mentor François Hollande. Peut-être est-il soucieux également de tourner la page de l'idéologie soixante-huitarde libertaire qui a sérieusement sapé le principe d'autorité dans notre société. En tout cas, par de très grosses touches, le chef de l'Etat place l'autorité au cœur du macronisme. Il est frappant de constater la théâtralisation de ses rencontres avec Vladimir Poutine à Versailles et  Donald Trump à l'occasion de la célébration du 14 juillet. Tout y a été conçu pour souligner sa fermeté, la force de son caractère et sa capacité à dominer ses interlocuteurs. C'est lui, en outre, qui donne le ton des commentaires en prenant la parole sans laisser le moindre espace aux questions, donc aux médias. D'ailleurs, son mouvement " En marche " ne va-t-il pas lancer son propre média! C'est le deuxième aspect du macronisme: le verrouillage de la communication pour que la parole officielle devienne la parole de tous.

Des scénarios millimétrés

Nul doute que le chef de l'Etat mette en œuvre ses principes ce lundi à l'occasion de l'ouverture de la conférence des territoires au Sénat. Là, encore, le scénario conçu par l'Elysée est millimétré. Tout se déroule sous les ors du Sénat, la chambre des territoires, ouverture des débats par le Premier ministre et déjeuner autour du président avec un discours à la clé. On peut en imaginer la tonalité, à la fois une main tendue aux collectivités locales, largement contrôlées par la droite, mais aussi un appel à la responsabilité sur le plan financier.

Lors de son discours devant le Congrès réuni à Versailles le 3 juillet dernier, le chef de l'Etat avait annoncé avec un sens aigu de la formule " un pacte girondin ". Mais quel en sera le contenu? La volonté d'Emmanuel Macron de ne tolérer aucune critique de son action et de son autorité traduit, de fait, un tempérament jacobin. La disparition de la taxe d'habitation est peut-être une bonne mesure – nul ne le sait - mais elle est un révélateur de ce jacobinisme.

Cette décision va redonner la main à l'Etat et restreindre les marges de manoeuvre des collectivités locales soupçonnées de dilapider l'argent public. Sans doute n'ont-elles pas toujours été exemplaires, loin de là, reste qu 'au mois d'octobre dernier la cour des Comptes constatait: " Les collectivités locales, prises dans leur ensemble, ont plutôt cherché à ralentir leurs dépenses qu'à recourir au levier fiscal. ".

Certes, le Président pourra se parer des 4,5 milliards de rabotage budgétaire qu'il vient de décider mais les territoires ne l'ont pas attendu pour faire des économies. D'où cet avertissement lancé hier à Emmanuel Macron par le Président du Sénat, Gérard Larcher : " On ne peut pas être uniquement la machine à essorer. " Il n'est pas sûr que la formule ait plu à l'Elysée pas plus que la mise en garde sur un nouveau big bang dans l'organisation territoriale.

En vérité, il est évident qu'Emmanuel Macron voudrait que le Sénat à son tour cède face à son autorité pour imposer ses propres règles aux collectivités locales. Il va tout faire pour que la droite perde sa majorité au sein de la haute Assemblée lors des élections sénatoriales de septembre car son but, tout le démontre, est de disposer d'un pouvoir sans partage de haut en bas du pays. C'est, d'abord, à l'aune de sa volonté de pouvoir qu'il faut comprendre son action. Avec méthode, jour après jour, il s'emploie à prendre le contrôle de toutes les manettes du pays et à déstabiliser tous les contre-pouvoirs qui pourraient contester ses projets.

 

 

 

Tag(s) : #Politique française
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