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L'Heure du Peuple

Vendredi 25 août à Marseille, les AmFis d'été de la France insoumise accueillaient un invité exceptionnel en la personne de Rafael Correa, ex-président équatorien (2007-2017).

Nous faisons le choix de publier l'intégralité de la conférence qu'il a prononcée, en français, sur "le socialisme du bien-vivre". Il est également revenu sur son expérience à la présidence de l’Équateur et a analysé l'évolution politique de l'Amérique latine. Son intervention s'est achevée dans un tonnerre d'applaudissements et sous les cris de "Correa amigo, el pueblo esta contigo" (''Correa, notre ami, le peuple est avec toi'').

Le socialisme du “Bien Vivre”

Marseille, 25 aout 2017

INTRODUCTION

Après avoir vécu non seulement une crise économique, sociale et démocratique, fruit du fondamentalisme néolibéral, mais aussi une crise de leaders et d'idées, une grande partie de l´Amérique Latine a réussi à s´éloigner du joug des technocrates obséquieux et de l´orthodoxie aveugle qui nous a mené à la ruine. Nous avons eu l´audace de penser à nouveau par nous-mêmes, à repenser notre propre notion de « l´économique et de la politique ». C´est ainsi qu´a surgi le Socialisme du Bien Vivre.

Le socialisme du Bien Vivre se nourrit de la conjugaison réflexive de plusieurs socialismes : le classique, le scientifique, mais aussi le socialisme agraire d´Emiliano Zapata, le socialisme andin du péruvien José Carlos Mariátegui, la Doctrine Sociale de l´Eglise, de la Théologie de la Libération, ainsi que de la longue histoire marquée par les luttes émancipatrices de nos peuples.

Le socialisme du Bien Vivre ne se réduit pas à des modèles, mais se base plutôt sur des principes. Nous rejetons les recettes toutes faites et les dogmes. La pire des erreurs, surtout si la gauche est au gouvernement est d'agir en fonction de ses fixations mentales, de ses expectatives idéologiques et non pas en fonction de la réalité.

Nous partageons avec le socialisme traditionnel le besoin de l´action collective, de l’importance du rôle de l´État, de la défense de ce qui est public face au simplismeindividualiste ; de la recherche permanente et fondamentale de la justice dans toutes ses dimensions, unique manière d´atteindre la vraie liberté ; de la suprématie de l´être humain sur le capital ; et de l´importance de générer des valeurs d’usage, c’est-à-dire, des biens publics nationaux et globaux.

Le socialisme du Bien Vivre est l´héritier de toutes les meilleures manifestations du socialisme traditionnel, mais s’y confronte aussi avec courage et esprit critique, sans crainte de pensée, les dogmes que l´Histoire s’est elle-même chargée d´enterrer.

L’ACTION COLLECTIVE ET LE RÔLE DE L’ÉTAT

Une des erreurs commises par la gauche traditionnelle a été celle de nier l’existence du marché. Les marchés sont une réalité économique. Mais il est sans doute bien différent de parler de sociétés AVEC un marché, que de sociétés DE marché, où les vies, les personnes et la propre société ne sont qu’une marchandise en plus.

La société ne peut pas exister en fonction des nécessités mercantiles, c’est le marché qui doit exister en fonction des nécessités sociales. Le marché est un magnifique serviteur, mais un très mauvais maître. C’est donc pour cela que sont indispensables l’action collective et un rôle adéquat de l’État pour gouverner le marché et le faire porter les fruits socialement désirés.

Voici ce que la droite traduit comme une limitation de la liberté. Pour eux, la liberté équivaut à la non intervention, alors que, pour nous, la liberté est la non domination. C'est- à- dire que nous cherchons à doter les individus de capacités et, en tant que société, à assumer le devoir de réguler les pouvoirs qui peuvent nous dominer.

Nous ne pouvons pas permettre qu’on nous vole le principe de liberté. Il n’est pas en contradiction avec la justice. De surcroît, dans des sociétés aussi inégales que les latino-américaines, c’est seulement à travers de la justice que nous arriverons à une vraie liberté.

Il est évident que tout est une question politique. La gauche doit revendiquer la politique. On nous présente la politique comme un monde nécessairement sombre, corrompu et méchant. Tout cela est une stratégie pour maintenir le statu quo et empêcher quelconque changement dans les relations de pouvoir. La satanisation du pouvoir politique en Amérique Latine est une stratégie pour immobiliser tout processus de changement, pour nous faire croire que nous n’avons pas besoin d’hommes politiques, mais seulement de managers.

Le développement est en essence, une question politique. C’est ensuite que viennent les questions techniques. Le problème fondamental réside dans qui détient le pouvoir dans une société : les élites ou les grandes majorités ? Le capital ou les êtres humains ? Le marché ou la société ?

Tout au long de son histoire, l'Amérique Latine a été dominée par des élites qui ont exclu les grandes majorités des bénéfices du progrès. Leur attitude rentière a même fait obstacle à un progrès majeur pour elles-mêmes. Aujourd'hui, à l'échelle mondiale, nous sommes dominés par les intérêts du grand capital, ce que j'appelle « L´empire du capital », particulièrement du capital financier.

C´est justement là que réside l'essence même de la Révolution Citoyenne : dans le changement des relations de pouvoir en faveur des grandes majorités. La transformation de l’État bourgeois dominé et au service d’une minorité, dans un État véritablement populaire, au service du bien commun et de l'intérêt général.

DÉCENNIE GAGNÉE

Grâce à ce changement dans les relations de pouvoir, nous avons réussi à atteindre en Équateur ce que nous appelons la « décennie gagnée », c'est à dire un pays totalement différent de celui que nous avons reçu en 2006.

Nous avons doublé la taille   de l'économie. Malgré deux années extrêmement difficiles et la contrainte de ne pas avoir de monnaie nationale, nous avons atteint un taux de croissance supérieur à la moyenne de la région latino-américaine. Nous sommes passés du statut de pays de rente basse à un pays de rente moyenne. De même, nous sommes passés d'un développement humain moyen à un développement humain élevé. Selon des études internationales nous sommes le pays qui a su le mieux profiter du boom pétrolier.

D'après la Commission Économique pour l’Amérique Latine, des Nations Unies (CEPAL), nous nous trouvons aujourd’hui parmi les trois pays les moins inéquitables de l´Amérique du Sud, alors que 10 ans auparavant nous nous trouvions parmi les pays les plus inéquitables. Nous avons aussi réussi à réduire de 16,5 points de pourcentage la pauvreté multidimensionnelle – c´est-à-dire la définition la plus complète de la pauvreté - ce qui équivaut à 1,8 millions d’Équatoriens qui sont sortis de la pauvreté. Nous pouvons nous vanter d´avoir attaqué les causes structurelles de cette pauvreté et non pas de l´avoir maquillée. La pauvreté s´est notamment réduite grâce à la croissance économique mais surtout grâce à la redistribution des revenus. Lors de la décennie précédente, avec le néolibéralisme, la croissance économique a réussi à avoir un effet total de réduction de la pauvreté. Par contre, une plus grande concentration de la richesse a eu tendance à l’augmenter.

Le développement social a fait de grands pas en avant avec un système éducatif qui, d´après l´UNESCO est celui qui progresse le plus en Amérique Latine. En ce qui concerne l´infrastructure productive, nous sommes considérés comme le pays le plus avancé en voirie de la région, alors qu’auparavant nous étions parmi les pires. L’Équateur a réussi à atteindre la souveraineté énergétique. Aujourd’hui nous exportons de l'énergie, alors qu’avant nous en importions. De manière générale, nous avons une compétitivité systémique largement supérieure qu'il y a dix ans.

Nous avons aussi vécu une « décennie gagnée » en stabilité politique, en ce qui concerne l’institutionnalisation et l'efficacité de l´État et la solidité de notre démocratie. Avant notre gouvernement, nous avons connu 7 présidents dans l’espace de 10 ans, et aucun des 3 présidents élus n’a réussi à finir son mandat.

Le 24 mai 2017, lorsque j'ai laissé la Présidence de la République de l’Équateur, pour la première fois en vingt ans, un président élu passait le pouvoir à un autre président légitimement élu.

LA TEMPÊTE PARFAITE

 Lors des deux dernières années nous avons souffert ce que j'appelle la « Tempête parfaite » : le crash des exportations et une simultanée appréciation du dollar, monnaie d'utilisation nationale, combinaison qui détruit l’économie. Les dépréciations de la monnaie dans nos pays voisins ont atteint jusqu’à les 80% comme fut le cas de la Colombie, mais il nous a été impossible de répondre monétairement puisque nous n'avons pas de monnaie nationale.

Fin 2016, notre total d'exportations...

POUR LIRE LA SUITE DE L'INTERVENTION
CLIQUEZ CI-DESSOUS

https://heuredupeuple.fr/socialisme-bien-vivre-rafael-correa-ex-president-de-lequateur/

Tag(s) : #Idéologie
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