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"Les Etats-Unis doivent établir des relations diplomatiques avec la Corée du Nord pour sortir de la crise"

Lee Jong-seok

par 

Lee Jong-seok, ancien ministre de la Réunification sud-coréen

Si la montée des tensions dans la péninsule coréenne a conduit l'administration Moon Jae-in à réaffirmer son alliance militaire avec les Etats-Unis, des responsables démocrates s'interrogent ouvertement sur la nécessité d'une sortie de crise impliquant que Washington accepte de reprendre le dialogue avec Pyongyang.

Dans ce cadre, nous publions ci-après, traduit de l'anglais par BA, une tribune de Lee Jong-seok, chercheur à l'Institut Sejong et ancien ministre de la Réunification du Président de la République de Corée Roh Moon-hyun, publiée le 11 septembre 2017 dans le quotidien progressiste sud-coréen Hankyoreh et intitulée "Les Etats-Unis doivent établir des relations diplomatiques avec la Corée du Nord pour sortir de la crise. Le soutien sud-coréen aux sanctions ne fera qu'accroître la crise".

La proposition de Lee Jong-seok de combiner reconnaissance diplomatique, dénucléarisation de la RPD de Corée et garanties de sécurité pour la Corée du Nord reprend un plan défendu de longue date par l'Association d'amitié franco-coréenne (AAFC). Les liens intertexte ont été ajoutés par nous.

Il peut sembler étrange de parler de négociations au moment où la communauté internationale est furieuse en réaction au sixième essai nucléaire nord-coréen. L’histoire nous a cependant montré que le temps passant, après avoir regagné notre calme, nous serons face à la situation qui veut que notre approche « pas de réflexion, que des sanctions » ne fera qu’exacerber un cercle vicieux, et nous serons encore davantage conscients qu’il n’y a pas d’alternative à la négociation.

Certains avancent que l’on peut nuire aux intérêts vitaux de la Corée du Nord en coupant son ravitaillement en pétrole. Cependant, ainsi que de nombreux experts du pays l’ont montré, cette stratégie ne fera qu’endommager l’économie nord-coréenne sans parvenir à soumettre Pyongyang. Au lieu de cela, l’accroissement des souffrances subies par le peuple se traduiront uniquement par une augmentation des tensions, attisant une mentalité du « tout pour le tout » qui pourrait mener à des provocations militaires le long de la ligne d’armistice ou de la Zone de Limite Nord (NLL). Ce risque ne peut qu'aller grandissant quand c’est Séoul qui se place en tête de ceux qui demandent des sanctions. C’est pour cette raison que le gouvernement sud-coréen se doit d’adopter une approche équilibrée même dans le contexte des sanctions, et qu’il lui faut adopter une réponse prudente et stratégique.

La question suivante est de savoir s’il existe maintenant une possibilité de parvenir à ce que la Corée du Nord abandonne ses armes atomiques. Cela pourrait uniquement être possible avec un changement de stratégie de la part de Washington, mais il reste une dernière carte à jouer : l’établissement de relations diplomatiques entre les Etats-Unis et la Corée du Nord. Il s’agirait d’un troc entre les deux parties, chacun donnant à l’autre ce qu’il souhaite selon le principe d’actions simultanées – Washington proposant à Pyongyang l’établissement de relations diplomatiques et la signature d’un traité de non-agression en contrepartie de l’abandon par le Nord de son programme nucléaire et balistique intercontinental.

La Corée du Nord proclame peut-être qu’elle n’a aucune intention de renoncer à sa force nucléaire, mais elle a laissé un indice quant à cette possibilité. Le dirigeant Kim Jong Un a affirmé qu’il ne s’assiérait pas à la table des négociations pour la dénucléarisation « tant que la politique hostile américaine et les menaces nucléaires ne seront pas fondamentalement résolues ». Cela signifie que le pays pourrait abandonner son armement atomique si la relation antagoniste qu’il entretient avec les Etats-Unis s’améliore et que sa non-agression est garantie. Exposée ainsi de façon grossière, cette condition de la part de Pyongyang est quelque chose que la Corée du Nord a en permanence mis en avant durant les deux dernières décennies, depuis que la question nucléaire a émergé.

Une conclusion similaire peut être tirée si l’on considère les raisons pratiques derrière la volonté de Kim de posséder un armement nucléaire et des missiles intercontinentaux. On peut les diviser en trois grandes catégories : répondre à la politique hostile des Etats-Unis, affermir son pouvoir au sein du pays et empêcher la possible intervention physique de forces extérieures en Corée du Nord.

Pour faire court, l’objectif principal de Kim est d’assurer la stabilité de son régime. La dernière de ces préoccupations est devenue cruciale au regard du sort du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, qui a renoncé à son programme nucléaire et aux armes de destructions massives en échange de l’amélioration des relations avec les Etats-Unis, pour se faire destituer et tuer (en octobre 2011) durant la révolution démocratique avec l’aide des forces de l’OTAN menées par les Etats-Unis. Le second objectif – affermir le pouvoir de Kim à l’intérieur du pays par l’intermédiaire du développement nucléaire – semble avoir été déjà plus ou moins atteint.

En ce sens, l’établissement de relations diplomatiques entre la Corée du Nord et les Etats-Unis ainsi qu’une garantie de non-agression entraînera sans doute une avancée majeure vers l’abandon par Pyongyang de son programme nucléaire. Si les deux parties parviennent à atteindre un tel accord, le Nord devra geler son programme nucléaire et mettre un terme à ses provocations balistiques, tandis que l’ONU travaillera à la levée des sanctions économiques, créant un environnement favorable pour étoffer et mettre en oeuvre les termes d’un accord. Avec les Pourparlers à Six, nous pourrons obtenir des garanties internationales protégeant ce traité incluant l’abandon définitif de l’arme atomique par la Corée du Nord ainsi que la transition d’un système d’armistice vers une situation de paix dans la péninsule.

Il apparaît peu probable que les Etats-Unis prêtent la moindre attention à cette proposition – arguant comme ils le font actuellement qu’il ne peut y avoir de dialogue tant que la Corée du Nord ne met pas un terme à ses provocations et n’émet pas un signal montrant son intention de se dénucléariser. Mais s’ils perçoivent réellement la situation actuelle de la Corée du Nord et son armement atomique comme une menace sérieuse, ils n’ont aucune raison de ne pas s’y intéresser. Cela ne coûtera rien d’un point de vue américain. Bien qu’elles aient été considérées comme la « dernière solution » si la crise devenait incontrôlable, l’établissement de relations diplomatiques entre la Corée du Nord et les Etats-Unis a toujours été une solution, étant donné que l’origine de la question nucléaire nord-coréenne repose sur la méfiance mutuelle entre les deux parties.

Avec sa préférence affichée pour exercer une pression extrême sur le Nord, l’administration Moon Jae-in pourrait envisager cette suggestion avec suspicion. En vérité, cependant, cette idée représentait le cœur de l’approche de l’administration de Kim Dae-jung et de celle de Roh Moo-hyun, et cette dernière est partagée parmi un grand nombre d’experts qui ont soutenu la candidature de Moon à la présidence. Il ne sera sans doute pas aisé de passer par-dessus les Etats-Unis, mais il est cependant nécessaire de commencer dès à présent en prévision du rôle que Séoul sera amené à jouer, de la gravité de la situation du nucléaire nord-coréen et afin d’être le meneur d’une situation compliquée à l’aide d’une diplomatie créative plutôt que d’aligner les wagons de sanctions les uns derrière les autres.

 

Ce plan n’a pas besoin d’être respecté à la lettre, mais l’administration Moon a besoin d’une stratégie et d’actions indépendantes pour parvenir à des avancées pacifiques par la négociation.

 

Lee Jong-seok, Chercheur à l’Institut Sejong et ancien Ministre de la Réunification de l’administration Roh Moo-hyun

Article original en anglais :

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Tag(s) : #Corée
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