Ruptures
Après la « réforme » de l’Etat (*), celle de la SNCF. En matière d’annonces, Edouard Philippe ne chôme pas. Dans ce dernier dossier, l’intention désormais affichée de passer par la voie des ordonnances a cristallisé la colère de certains. Au risque de faire dévier le débat public de l’essentiel, comme si le recours à la procédure parlementaire normale eût constitué une circonstance atténuante…
Quelques jours avant l’annonce gouvernementale, un rapport sur le rail français avait opportunément été rendu public. Un premier tir d’artillerie, en quelque sorte. A elle seule, la carte de visite de son auteur constituait tout un programme : ancien fondateur de la section CFDT de l’ENA, Jean-Cyril Spinetta fut haut fonctionnaire sous les gouvernements socialistes dans les années 1980, puis administrateur de sociétés indifféremment publiques et privées à partir des années 2000 (Alcatel-Lucent, Alitalia, La Poste, Saint-Gobain, Unilever, GDF-Suez, Areva…).
Privatiseur d’Air France, Jean-Cyril Spinetta avait évidemment le profil idéal pour préparer le rapport sur « l’avenir du transport ferroviaire »
Mais c’est évidemment en tant que PDG du Groupe Air France, de 1997 à 2008, qu’il rendit les plus fiers services : il rapprocha la compagnie aérienne nationale de la firme néerlandaise KLM avant de procéder à sa privatisation. Il n’y avait donc pas de meilleur choix que cet « Européen convaincu » pour préparer le rapport souhaité par le premier ministre sur « l’avenir du transport ferroviaire », où sont remis en cause le statut des cheminots, celui d’établissement public de la SNCF, tout comme l’avenir des « petites lignes ».
Déjà prévue par François Hollande
Le profil de M. Spinetta éclaire donc l’essence de la réforme du rail prévue. Pourtant, au regard de la vacuité de certaines critiques, on en viendrait à croire que c’est la méchanceté intrinsèque d’Emmanuel Macron qui explique le chamboule-tout annoncé. Et ce, alors même que le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a opportunément rappelé que ladite réforme était déjà prévue par François Hollande. Ce qui est tout à fait exact, et qui devrait mettre la puce à l’oreille.
Tout simplement parce que celle-ci est la conséquence directe des orientations orchestrées par l’Union européenne. S’il y a bien un dossier où ce constat est patent, caricatural même, c’est bien celui du rail, objet de quatre « paquets » successifs de directives et règlements européens.
Avec un maître-mot : l’introduction progressive de la concurrence. Les « gains de productivité » de même que la transformation de la SNCF en société anonyme qu’entend imposer le gouvernement sont en effet indissociables de l’arrivée de concurrents privés sur le réseau français programmée (par étapes) au niveau de l’UE.
Emmanuel Macron entend être le porte-étendard qui fait avancer l’Europe, et faire figure en la matière de premier de la classe vis-à-vis de ses pairs
En outre, Emmanuel Macron ne s’en cache pas : il entend être le porte-étendard qui fait avancer l’Europe, et faire figure en la matière de premier de la classe vis-à-vis de ses pairs. Ce fut déjà le cas avec la « loi Travail » prescrite par Bruxelles.
Etrangement cependant, cette dimension qui crève les yeux semble échapper à certains dirigeants syndicaux, en tout cas si l’on en croit les premières déclarations publiques.
Cette impasse est redoutable, car ...
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