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Le 26 mai,  une "Marée populaire" ? Et après ? par  Jean LEVY -

Réflexion sur le mouvement populaire en France

par Jean LEVY

Il faut bien le reconnaître : les organisateurs voulaient faire du 26 mai une "Marée populaire", première vague d'un océan dévastateur pour le régime,  ce ne fut même pas une grande marée, comme celles qui se jettent furieuses sur nos côtes, les jours d'équinoxe. Cependant, soyons justes : la manif' de la gare de l'Est à la Bastille a démontré, après "la Fête à Macron", la colère de dizaines de milliers de citoyens tournée contre la président de la République, nommément désigné. Malgré leur impopularité, jamais Sarkozy et Hollande, n'avaient été la cible personnelle des manifestations de leur époque. 

Donc, en ce printemps 2018, un pas a été franchi, et il faut s'en féliciter. 

Mais attention ; s'en tenir à faire d'un homme le seul responsable de ses malheurs, sans expliquer ce que représente cet homme, les forces économiques pour lesquelles il a été mis en orbite et pour lesquelles il agit, c'est exposer demain à soutenir ou à tolérer à la place, un Laurent Wauquiez ou même un Hollande ressuscité, sous prétexte qu'ils seraient "moins pire"...

Il est nécessaire de bien expliquer comment et pourquoi Emmanuel Macron a été projeté à la présidence de la République, les forces économiques qui l'ont propulsé au devant de la scène, tel un pantin sorti de sa boite. 

Il faut aussi rappeler l'immense responsabilité de ceux - tel Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, à la télé, au soir du premier tour des élections présidentielles -  ont appelé à voter Macron ou, comme Philippe Martinez,  à lui "donner le score le plus haut possible" pour faire soit disant," barrage au fascisme", confondant le leurre et la véritable cible.

Il faut être conscient de cette dérive mortifère dont sont responsables ceux qui jeté aux oubliettes l'analyse de classe. 

Mais revenons à la "Marche" du 26 mai. 

S'il faut se féliciter que se soit exprimée l'immense colère populaire à l'égard d'Emmanuel Macron, reconnaissons que les manifestants rassemblés de la gare de l'Est à la Bastille n'avaient guère entre eux d'autres objectifs communs que d'être dans la rue. 

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En gros, trois groupes distincts scandaient leurs mots d'ordre propres. 

D'une part, et c'est une première qu'il faut saluer, la présence de milliers jeunes des "quartiers", c'est-à-dire d'au-delà du périf', frontière de classe difficile à franchir. Mais ils s'étaient regroupés essentiellement pour crier leur colère anti-policière, prenant appui sur la mort d'un jeune de ces banlieues du fait de la répression casquée. Mais ces jeunes ne s'en prenaient-ils pas au seul couteau de l'assassin, et non aux assassins eux-mêmes, c'est-à-dire aux donneurs d'ordre du pouvoir financier qui expose à cette population une double exploitation de classe : économique et sociale d'une part, communautariste de l'autre, cette dernière malheureusement acceptée par les intéressés.

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Mais ceux-ci sont-ils responsables de leur choix ?

Abandonnés par les organisations de classe, PCF et CGT, à leur condition d'enfants de l'immigration, sans jamais entreprendre d'efforts pour les intégrer à la lutte sociale commune, ils se réfugient dans le communautarisme, comme moyen de survie, tombant ainsi dans le piège de la division et de l'isolement, voulus par la bourgeoisie financière.

La présence de milliers de ces jeunes des "quartiers" n'a de valeur que si ceux-ci sont intégrés en tant que jeunes exploités, au sein des manifestants luttant ensemble dans la même bataille de classe contre le même capital.

Cela devait conduire les syndicats et les mouvements qui se réclament "de classe" à porter leur combat au sein même de cette population, y compris comme terrain prioritaire de lutte sociale commune. Ce serait le meilleur, voire le seul  moyen d'intégration de cette population au sein de la nation.

Mais à côté de ce groupe, on pouvait distinguer deux manifestations parallèles :

 - d'une part, ceux qui venaient à l'appel de la France Insoumise, souvent munis de pancartes individuelles FI ou exprimant la revendication en rapport avec leur colère propre, du fait de leur condition sociale ou affective...Mélange disparate dont le rejet de Macron constitue le lien principal. Nouveaux venus dans des manifs depuis la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon, c'est autour de celui-ci qu'ils se rassemblent exprimant un dynamisme nouveau.

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 - d'autre part, les reliquats des syndicats et des partis politiques qui se réclament de "la gauche de la gauche". Peu nombreux, comme "étant de service", ils défilent, avec leur sono, comme un dernier carré de fidèles, derrière leurs ballons et leurs camionnettes locales pour la CGT. 

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Puis  suivent  les partis, le PCF, plus nombreux qu'on pouvait s'attendre, et les groupes historiques, réduits à l'état de régime minceur, LO, NPA, POID, PRCF gros d'une ou deux centaines, voire de dizaines de manifestants, ils sont là comme pour témoigner qu'ils existent encore...

En résumé, "la marée" du 26 mai a permis de compter - à Paris comme en province - les centaines de milliers de Français anti-Macron, qui rejettent clairement la politique qu'il incarne, voire de ses seuls effets. 

Il n'était pas inutile d'initier cette démonstration populaire hostile au pouvoir en place.

Mais cela suffit-il d'organiser, l'un suivant l'autre, de tels défilés, sans que ceux-ci portent en eux un espoir de changement, une ouverture vers un avenir en rupture totale avec la domination de plus en plus totalitaire du pouvoir financier ?

Il n'est pas évident pour la majorité de notre peuple, y compris ceux qui rejettent Macron, que son élection représente une rupture de nature avec les séquences précédentes  de la Véme République.

Macron n'est ni Sarkozy, ni Hollande, même dans une formule aggravée. Certes, ceux-ci, tous représentants du capital, ont labouré le terrain et ouvert la voie à Macron.

Mais ce qui a changé, c'est le grand capital lui-même. Devenu essentiellement financier  et totalement mondialisé, les politiques qu'il met en oeuvre découlent de son évolution propre. Celle-ci, annoncée par Karl Marx, est de nature économique, la concentration d'un capital qui se détache de ses origines nationales en s'affranchissant des frontières, et contraint à une concurrence exacerbée dans la recherche du profit maximum et à court terme. D'où la recherche de zones de libre échange où le capital serait comme le renard dans des poulaillers ouverts à tous vents. Il s'en suit une pression d'une ampleur jamais atteinte sur les salaires et les acquis sociaux, jugés par lui, charges insupportables. De même, toute législation restrictive par rapport à son pouvoir est mise en cause, tels, par exemple les vestiges de démocratie locale et les procédures parlementaires.

Ces objectifs ont conduit le capital financier à imposer comme "terrain de jeu" l'Europe - et donc l'Union européenne -  d'où sont bannies les frontières et toute législation sociale, avec la suppression des souverainetés nationales au profit d'un pouvoir patronal centralisateur. En France, Emmanuel Macron, l'ancien associé-gérant de la banque Rothschild, est chargé d'imposer les nouvelles lois du capitalisme financier.

La banque privée suisse Edmond de Rothschild est indépendante de la banque d'affaires Rothschild & Co. C'est sa filiale luxembourgeoise qui a écopé d'une amende du régulateur financier local, du fait du déficit de processus de contrôle et conformité dans la lutte contre le blanchiment d'argent. Il s'agirait de l'affaire du fonds souverain malaisien 1MDB. ​​​​​​​C'est dans ce cadre que se déroule aujourd'hui la lutte de classe. 

Cela signifie que la lutte du peuple français pour la défense de ses conditions de vie est inséparable de son combat pour sa souveraineté nationale et l'indépendance de la France.

L'un ne va pas sans l'autre. 

La lutte patriotique et la lutte sociale ne font qu'un comme du temps de la Révolution, durant la Commune et pendant la Résistance. Ce combat, pour être victorieux,  sous entend la plus large union du peuple de France, c'est-à-dire une entente inter-classiste entre des catégories sociales aux intérêts économiques divergents, mais qui considèrent prioritaire l'indépendance de la France et la souveraineté de son peuple. Cela parait aller de soi comme du temps où le poète chantait "Quand les blés sont sous la grêle, fou qui fait le délicat...". 

Mais il faut le reconnaître, la mise en pratique de cette union se heurte à l'hostilité de nombreux militants, adversaires déclarés des institutions bruxelloises, et partant, chantres de la souveraineté populaire, qui voient aujourd'hui dans la démarche de très large rassemblement, une entente contre-nature avec "l'ennemi de classe", qualifié a priori de "facho".

Nous avons subi de plein fouet cette réaction à l'occasion de l'élection présidentielle : le vote recommandé ou suggéré pour Emmanuel Macron, afin de "faire barrage à Marine Le Pen". Comme si celle-ci était bien pire que l'ex associé gérant de la banque Rothschild...

Au delà de la démesure de cette évaluation - que chacun peut constater de nos jours - demeure la double erreur d'analyse faite par ces militants :

en ciblant,  comme pouvoir et ses médias, la présidente du Front national "ennemie n°1", c'était exonérer le candidat de l'oligarchie financière de son programme anti-social et anti-national, programme qu'il applique aujourd'hui.

C'était aussi tomber dans le panneau tendu par ce même pouvoir : faire  tirer sur le leurre et non sur l'objectif véritable. Et c'est ainsi qu'Emmanuel Macron a été élu président. 

Ce fait n'a pas modifié l'attitude de ces donneurs de leçons. Bien que préconisant "l'union la plus large",   ils font le tri : soupçonnés d'être - ou même d'avoir été - membre ou proche, ou même sympathisant du FN, fait de ces personnes des gens à exclure du rassemblement.

Les millions de citoyens qui se sont prononcés en faveur de Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle sont-ils à rejeter comme indésirables ? L'élection surprise de François Ruffin dans la Somme au second tour des législatives prouve le contraire. Candidat de toute la gauche au premier tour, son capital de voix se limite à 40% pour aborder le second. Pourtant, il est élu et cela grâce à au report substantiel de voix du Front national.

Comme quoi l'appartenance de classe prime sur les étiquettes.

Et, finalement, la lutte menée contre l'oligarchie financière, dont l'Union Européenne est la façade institutionnelle, n'est-elle pas la lutte de classe portée à son plus haut niveau ?

 

Tag(s) : #Lutte de Classe, #Politique française
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