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Etat de la démondialisation en 2018,   par Jacques Sapir

Les Crises

La traduction en espagnol de mon ouvrage publié en 2011 aux éditions du Seuil, La Démondialisation, survient alors que les événements de ces derniers mois, voire de ces dernières semaines, apportent une forme de confirmation aux thèses de ce livre. Le processus de démondialisation, dont on pouvait voir les premiers signes dans le courant des années 2000, s’est radicalement accéléré. Il est probablement devenu irréversible, du moins pour la période historique dans laquelle nous sommes entrés.

Mais, qu’appelle-t-on « démondialisation » ? Certains confondent ce terme avec une interruption volontaire des flux d’échanges qui courent tout à travers la planète. Ils confondent ainsi un protectionnisme, qui peut être amplement justifié dans la théorie économique et la pratique de l’autarcie. Mais, surtout, ils oublient que les échanges, échanges de bien mais aussi échanges culturels voire échanges financiers, sont bien plus ancien que le phénomène nommé « mondialisation » ou « globalisation ». Car la « mondialisation » pour ne garder que ce seul mot, ne se réduit pas à l’existence de ces flux. Ce qui avait fait émerger le phénomène de la mondialisation était un double mouvement. Il y avait à la fois la combinaison, et l’intrication, des flux de marchandises et des flux financiers ET le développement d’une forme de gouvernement (ou de gouvernance) où l’économique semblait l’emporter sur le politique et les entreprises sur les Etats. Or, sur ce point, nous ne pouvons que constater une reprise en mains par les Etats des flux, un retour victorieux du politique.

Alors, disons-le, la démondialisation ce sera le grand retour du politique sur le « technique », et le « technique » est ici incarné dans l’économique et le financier. Non que les raisonnements économiques et financiers perdront toute importance. Ils continueront de devoir être pris en compte. Mais, il deviendront désormais second par rapport au politique, qui recouvrera ses droits. L’économique et le financier redeviendront des instruments au service du politique. Et, avec ce retour en force du politique, nous pourrons avoir celui de la démocratie, d’un ordre qui tire sa légitimité non du marché mais du peuple, qui est mis au service des intérêts du peuple, et qui se matérialise dans le pouvoir du peuple. La phrase de Lincoln[1], « Du peuple, pour le peuple, par le peuple » va retrouver tout son sens. La démondialisation, doit donc être comprise comme le retour de la souveraineté, celle des Nations bien sûr que l’on avait analysée dans un ouvrage de 2008[2], mais une souveraineté qui prend la forme en démocratie de la souveraineté du peuple.

Bien sûr, ce retour de la souveraineté ne garantit pas celui de la démocratie. Il est des systèmes souverains qui ne sont pas démocratiques. Mais, la souveraineté permet la démocratie, car il faut se souvenir qu’il ne peut y avoir de régime démocratique qui ne soit pas souverain. Et c’est pourquoi la démondialisation doit être regardée comme une chose positive, car elle implique cette réaffirmation de la souveraineté qui rend possible la démocratie et elle détermine alors le contexte des futurs combats politiques.

1. Prendre acte des changements

Pour mesurer ce qui sépare le contexte de l’été 2018 de celui dans lequel ce livre fut initialement écrit, il convient de revenir sur des événements marquants qui ont montré le recul de la mondialisation ou de la globalisation. Ces événements ont pu s’étaler sur une période assez longue. Il en va ainsi de la paralysie qui a gagnée l’OMC et le « Cycle de Doha » au début des années 2010, et dont déjà je pouvais rendre compte dans l’édition originelle de l’ouvrage. D’autres de ces événements se sont produits sur un laps de temps plus court. On peut considérer que la période qui va de 2016 à 2018 a été à cet égard particulièrement fertile en ces événements.

La démondialisation dans les faits

Le processus de démondialisation s’est donc accéléré depuis plusieurs mois, voire plusieurs années. Il a été marqué par la stabilisation puis la baisse de la part des échanges mesurés en pourcentage du PIB mondial. Ce mouvement est lié au flux des exportations mondiales (et à l’échelle du monde, toute exportation et aussi une importation).

Graphique 1

 

Source : UNCTAD, Handbook of Statistics 2017, Annex 6.4 – International merchandise trade,

Le point qui est ici intéressant est la baisse du pourcentage de ces exportations mondiales rapportées au Produit Intérieur Brut mondial. Cela indique clairement que le poids du commerce international dans la richesse mondial est lui-même en train de baisser. En contrepartie, cela nous dit aussi qu’une part croissante de la richesse est produite en réalité pour alimenter les marchés intérieurs des divers pays. Autrement formulé, l’impact quantitatif de la « mondialisation » est en train de régresser depuis plusieurs années.

Ce mouvement se retrouve d’ailleurs quand on regarde les évolutions de l’indice d’ouverture des différents groupes de pays. Après avoir augmenté de 2006 à 2011 il baisse de manière parfois assez considérable de 2011 à 2016. Il est donc clair que la démondialisation ne correspond pas à une représentation mais bien à des faits.

Graphique 2

 

Source : UNCTAD, DATABASE, fichier : us_goodsandservicesbpm6_53520188741137.xlsx

Mais, ce qui a rendu évident ce tournant (...)

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Tag(s) : #Contre l'impérialisme
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