Les syndicats critiquent le nouveau barème de sanctions contre les chômeurs
Le dispositif s'inscrit dans la volonté du gouvernement de renforcer le contrôle des demandeurs d'emploi
Il faut toujours garder un œil sur le Journal officiel : à défaut d'être exaltante, la lecture de cette publication peut s'avérer instructive, en particulier entre Noël et le Jour de l'an. Démonstration vient d'en être faite avec l'édition du dimanche 30 décembre, qui contient près de 20 décrets d'application de la loi " avenir professionnel " – une réforme votée l'été dernier sous la houlette de la ministre du travail, Muriel Pénicaud.
L'un des décrets parus dimanche a trait " aux droits et aux obligations " des chômeurs, ainsi qu'au " suivi de la recherche d'emploi ". Le contenu de ce texte, éminemment sensible, est grosso modo en ligne avec les intentions affichées initialement par le gouvernement. A une réserve près, qui n'est pas anodine : elle porte sur les sanctions prononcées contre un inscrit à Pôle emploi qui contrevient à ses devoirs.
Dès le départ, l'exécutif avait manifesté le souhait de revoir le barème des " peines " applicables. Le 20 mars, des pistes très précises avaient été dévoilées à la presse par le ministère du travail. Il avait alors été indiqué qu'un chômeur qui ne se présente pas à un rendez-vous avec son conseiller chez Pôle emploi serait radié des listes durant deux semaines et non plus pendant deux mois. " On diminue par quatre - la durée de - la sanction, qui était complètement disproportionnée sur ce sujet-là ", avait expliqué l'entourage de Mme Pénicaud. Finalement, la " punition " sera un peu plus lourde qu'annoncée : un mois (au lieu de quinze jours, donc), ce qui la place tout de même à un niveau inférieur à celui en vigueur avant la réforme.
Un autre changement s'est produit par rapport à la communication gouvernementale. Il concerne une option, également évoquée le 20 mars, pour l'ensemble des " manquements " du demandeur d'emploi (à l'exception du rendez-vous manqué avec son conseiller). L'idée présentée à l'époque consistait à dire que, à la première incartade (par exemple, le fait de ne pas rechercher activement un poste), l'allocation serait suspendue pendant un mois – les droits restant acquis et pouvant être utilisés plus tard, en cas de besoin. Si le chômeur commet un deuxième écart, le ministère avait précisé que la prestation serait supprimée durant deux mois – ce qui signifiait, cette fois-ci, une amputation des droits d'une durée équivalente. A la troisième " infraction ", le coup de bâton serait de quatre mois.
Ce schéma-là a été corrigé : à l'avenir, l'allocation sera supprimée (et non pas suspendue) un mois dès le premier manquement sauf pour le chômeur qui ne se rend pas à une convocation par Pôle emploi. Dans cette situation, la prestation ne sera supprimée qu'au deuxième " loupé ", et ce, pour deux mois.
Une source au sein de l'exécutif justifie ces ajustements par la volonté d'être " plus simple et plus cohérent ". La teneur du décret ne constitue pas une surprise pour les syndicats. Ils avaient été consultés sur ce dispositif, notamment lors d'une réunion, le 4 décembre, du Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Cnefop).
Plusieurs centrales avaient, alors, exprimé leur désapprobation mais ces prises de position, en pleine crise des " gilets jaunes ", étaient passées relativement inaperçues.
" Durcissement "
Aujourd'hui, leur analyse reste la même. Les mesures retenues vont " globalement dans le sens du durcissement ", déplore Marylise Léon (CFDT). " Nous avons pris connaissance du projet de décret, lors de son examen par le Cnefop, sans concertation préalable, renchérit Michel Beaugas (FO). Sous prétexte de simplification et d'équité, le texte durcit les dispositions existantes. Ce sont ces “petites découvertes” qui causent, parfois, l'exaspération des organisations de salariés. "" Depuis sa soi-disant contrition du 10 décembre - le jour des annonces faites en réponse aux doléances des " gilets jaunes " - , Macron n'a pas changé dans sa volonté de faire la “chasse” aux chômeurs, en continuant à mélanger allègrement les 0,4 % de fraude et l'immense majorité des chômeurs qui cherchent à travailler dignement ", confie Denis Gravouil (CGT).
Par ailleurs, le décret transfère, comme prévu, de l'Etat vers Pôle emploi certains pouvoirs de sanction (notamment la suppression de l'allocation). Une innovation qui déplaît à Marylise Léon car elle risque, selon elle, de nuire à la " relation de confiance "qui doit prévaloir entre le chômeur et le service public de l'emploi.
Bertrand Bissuel