Alors que la majorité des pouvoirs de décisions du groupe se concentrent entre les mains de Benjamin Smith, les Néerlandais craignent une mise à l'écart de leur aéroport d'Amsterdam-Schiphol. "Une décision de Smith favorisant l'aéroport de Charles De Gaulle au détriment de celui d'Amsterdam-Schiphol, primordial dans la stratégie de KLM, serait inacceptable pour les Néerlandais", analyse Henri Sterdyniak. Christophe Ramaux renchérit : "Il est aussi capital pour KLM que Roissy l'est pour Air France". L'économiste voit l'arrivée en force de l'Etat néerlandais dans le capital d'Air France-KLM comme "le marqueur d'une vraie politique industrielle qui fait défaut à la France" : "Au Pays-Bas, on se bat pour que l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol conserve son importance au bénéfice de KLM. L'Etat français, lui, préfère privatiser Aéroport de Paris".
Pour Christophe Ramaux, cette situation est ainsi la suite logique de l'attitude adoptée jusqu'ici par le gouvernement français vis-à-vis du groupe aéronautique : "Air France est prise en tenaille entre des compagnies low-cost et des compagnies du Golfe, largement subventionnées par leur pays d'origine,analyse-t-il. Si la seule réponse du gouvernement est que le marché doit faire son oeuvre, c'est complètement naïf". Une position qui rend selon lui logique la stratégie de l'Etat néerlandais : "Un État réputé ultra libéral donne une leçon de colbertisme ! s'exclame-t-il. Ils ont compris que la puissance publique se doit de jouer un rôle majeur dans ces questions de politiques industrielles dont dépendent de vraies notions de souveraineté."
Le coup boursier de l'Etat néerlandais ne modifiera toutefois pas immédiatement les forces au sein d'Air France KLM. Car si les Pays-Bas peuvent continuer d'accroître leur participation, jusqu'à atteindre celle de l'Etat français, celui-ci possède des droits de vote double, à quoi s'ajoute les 4% du capital détenus par les salariés d'Air France. Pour le moment, la position de la France ne devrait donc pas être menacée : "Cela forcera sans doute les Français à revenir négocier autour de la table, et peut-être, qui sait, à défendre leurs intérêts", ironise Christophe Ramaux. Mais demain, qu'en sera-t-il ?