Source : Libération, Simon Blin, 16-01-2019
Ce sont les premiers mots de l’article. Le journaliste va donc s’intéresser à un “discours critique de gauche”. Nous y reviendrons donc.
Le confusionnisme est donc la nouvelle bouillie intellectuelle des journalistes, quand ils se rendent compte qu’ils ne peuvent plus impunément et discrétionnairement accuser les gens d’antisémitisme ou de complotisme, notamment à cause des procès qui se multiplient et de la lassitude de l’opinion publique face à ce genre d’attaques spasmodiques qui, à force, ont perdu tout leur sens…
Deux signaux ont donné l’alerte. Début décembre, l’éditeur d’extrême gauche Eric Hazandéclare dans Mediapart à propos de l’extrême droite : «Les ennemis de mes ennemis ne sont pas vraiment des amis, mais un peu quand même.»
Hmmm. Et ? C’est tout ?
Mais ceci ne relèverait-il pas aussi de “l’ennemi de mon ennemi” ?
Deux semaines plus tard à peine, le député insoumis François Ruffin fait sursauter jusque dans ses propres rangs lors de sa défense d’une proposition de loi visant à instaurer le référendum d’initiative citoyenne, le fameux RIC, en citant Étienne Chouard, professeur d’économie et de droit en lycée à Marseille et blogueur militant controversé pour ses liens avec la fachosphère, notamment l’idéologue antisémite Alain Soral et le complotiste Thierry Meyssan. En pleine crise des gilets jaunes, de telles occurrences de la droite extrême chez deux des personnalités influentes de la gauche radicale interrogent. Comment deux théories fondamentalement incompatibles se sont-elles mises soudainement à coopérer ?
Donc pour M. Blin, Étienne Chouard est « d’estrèmedroite ». On parle bien du blogueur qui dénonce le pouvoir oligarchique, veut une constitution écrite par les citoyens pour supprimer toute forme de tyrannie, veut que les citoyens contrôlent de près le gouvernement, et puissent révoquer les élus qui ne respecteraient pas leur parole ? Un ambassadeur du RIC et de la démocratie directe qui parcourt les ronds-points depuis des semaines pour parler aux plus démunis, qui, par ailleurs, apportent un soutien inconditionnel à ce dernier ?
Monsieur Blin, pouvez-vous nous donner une définition précise de l’extrême-droite, avec des critères clairs et précis ?
En fait, ce qui est problématique avec les journalistes comme Simon Blin, c’est qu’en désignant des personnes « d’estrèmedroite » qui ne le sont pas et ont des propositions intéressantes et censées, ils participent à faire sauter les digues contre la vraie extrême-droite. De fait, les gens se mettent à adhérer à de bonnes idées d’individus présentés comme infréquentables, et donc, se retrouvent à rejeter en bloc la dangerosité même de ce qu’implique l’extrême-droite. Le vrai confusionnisme se situe ici.
Cette étrange alliance des contraires est symptomatique de «l’extension du confusionnisme idéologique», selon le politologue Philippe Corcuff, qui définit la notion en «des passages rhétoriques stabilisés entre l’extrême droite et l’extrême gauche».
Mais M. Blin, qu’appelez-vous donc “alliance” en l’espèce ?
Eh bien il est sûr qu’elle est étrange – vu qu’elle n’existe que dans sa tête…
La formation de cet improbable arc idéologique peut expliquer le brouillage des lignes politiques ces dernières années, sur fond de montée en puissance du nationalisme identitaire.
C’est vrai que l’écriture automatique, ça soulage parfois.
En revanche, on peut se demander si la conversion totale de la “gauche sociale-démocrate” au plus dur des libéralismes n’aurait pas, elle, joué un rôle majeur dans le “brouillage des lignes politiques”…
Aux dépens de la gauche radicale libertaire qui, depuis une vingtaine d’années, se fait grignoter son patrimoine idéologique par la droite. «Les néoconservateurs volent à la gauche en général et à la gauche radicale en particulier une bonne part de leurs postures et de leurs mots», analyse Corcuff.
Critique des banques, de la mondialisation et des médias, reprise des mots «peuple» et «social» sont autant de rapts sémantiques grâce auxquels l’ultradroite dans son ensemble crée des zones d’«intersections confusionnistes».
C’est bô.
On dirait du Didier Barbelivien.
En France, cette anomalie idéologique a été précipitée par l’échec du communisme, les déceptions de la social-démocratie, la libération publique d’une xénophobie sécuritaire sous l’ère sarkozyste et l’entreprise de dédiabolisation de l’extrême droite lepéniste.
Pendant ce temps-là, que devient la gauche radicale de l’après-1995 ? Sa dénonciation du néolibéralisme s’avère trop sommaire pour en faire une ligne de conduite. Pire, comme le fait remarquer Corcuff, sa tradition critique est aujourd’hui réutilisée par les Zemmour, Soral et Le Pen, mais «déconnectée d’un horizon émancipateur». Partout dans le monde, la droite néoconservatrice a préempté le discours critique de la gauche.
Y a-t-il plus pourfendeur que Donald Trump lui-même envers l’establishment ?
Oui, évidemment. Bernie Sanders, Elisabeth Warren, Jill Stein, Tulsi Gabbard, Alexandria Ocasio-Cortez. C’est sûr que ça change des clowns faisandés de gauche-de-droite à la Hillary Clinton que nous vent Libé à longueur d’année.
Difficile de dire où et quand a été employé pour la première fois le mot de «confusionnime».
Dans un drôle de cerveau, à l’évidence.
Probablement dans des blogs antifascistes au début des années 2010 en réaction au relatif succès de Chouard après sa campagne pour le «non» au Traité constitutionnel européen (TCE). Le penseur activiste autodidacte de 62 ans est un personnage incontournable de la sphère confusionniste, ancien électeur socialiste fréquentant aujourd’hui les réseaux de la fachosphère. A ses côtés, l’économiste «hétérodoxe» Jacques Sapir, 64 ans, tente aussi de monter des passerelles idéologiques. Figure bien connue à gauche, il avait jeté un pavé dans la marre en 2015 en appelant une alliance de tous les partis anti-euro, jusqu’au Front national.
Sapir partage sa fibre russophile souverainiste avec Olivier Berruyer, son cadet de vingt ans aux petites lunettes carrées, proche de La France insoumise (LFI) et qui s’est fait remarquer pour son blog d’analyses «les Crises».
L’un et l’autre interviennent régulièrement dans des émissions de débat sur la chaîne pro-Poutine RT France et se relaient par tweets interposés.
Pfiou c’est vrai que j’ai bien dû passer 2 ou 3 fois au journal de RT en 1 an,
avec dans les 20 à 30 minutes de temps de parole cumulé.
Sinon, j’y pense le fait que je sois passé 30 ou 40 fois plus longtemps sur BFM Business et France 24, ça ne compte pour rien ?
Sinon, si on retweete Jacques Sapir, on est donc pointé du doigt par Libération ?
C’est interdit ? On risque des sévices corporels ?
Je me permets de rappeler à Simon Blin que Jacques Sapir n’est quand même
pas tout à fait Pol Pot… Il n’est en tout cas pas du genre à harceler des
féministes et des homosexuels – comme certains journalistes de
Libération, protégés par leur hiérarchie.
Avec eux autour de la table, la place du patriarche est dévolue au philosophe et essayiste Alain de Benoist qui, depuis les années 70, théorise la «Nouvelle Droite».
PARDON ??????????????????????
Quelle table ? Je n’ai jamais rencontré ce personnage, ni jamais publié
rien de lui bien entendu !
Mais, dites, faire des associations très douteuses, est-ce que ce n’est
justement pas ça le prétendu “confusionnisme” ?
Chacun appréciera.
Je rappelle qu’on est parti de “Quand le discours critique de gauche etc.”
Il a un discours critique de gauche Alain de Benoist ??? Indice :
Ce dernier, qui jouit d’une plus grande reconnaissance intellectuelle et académique que ses partenaires de la confusion, contribue peut-être de la façon la plus invisible à flouter le paysage idéologique français à travers sa revue d’idées Eléments. Homme de «valeurs de droite», qualifié d’extrême droite par d’autres mais aux «idées de gauche» pour Causeur, il estime nécessaire pour l’extrême droite de mener la bataille des idées pour se lancer à la reconquête de l’hégémonie culturelle de la gauche.
Reste que dans la petite famille, Chouard se situe comme l’élément clé du confusionnisme actuel, pour toute l’ambiguïté qui plane autour de sa personne. «Transfuge qui veille à maintenir une façade» pour Antoine Bevort, sociologue et blogueur attentif au sujet, il est décrit par le politologue Joël Gombin dans son livre le Front national (Eyrolles, 2016) comme l’un des «leaders d’opinion qui participent à brouiller les lignes politiques, tant sur la topographie générale du champ politique, que sur la comptabilité des thèmes tels que la critique de la démocratie représentative ou des thèses conspirationnistes voire antisémites avec un affichage progressiste». Des éléments qui dessinent les contours d’un «espace hétérogène aux marges du Front national, avec lesquelles ce parti entretient des relations ambivalentes», écrit-il.
Là est le cœur du confusionnisme : avec le référendum d’initiative citoyenne (RIC),Chouard prétend fournir un outil pour favoriser l’émancipation sociale mais participe simultanément à un phénomène antagoniste qui conduit à un glissement stratégique vers l’extrême droite confinant à la théorie du complot.
Les mots en vert permettent donc à Simon Blin de gagner le “Bingo du Chien de Garde” de janvier 2019.
Je suis preneur en tout cas de propos antisémites d’Étienne Chouard, que je rapporterai ici, si Simon Blin daigne me les donner.
Dans ce cas, le confusionnisme serait, en quelque sorte, un conspirationnisme amélioré.
C’est beau de théoriser sur du néant sémantique comme ça
Quand dans le conspirationnisme pur tout ou presque est inventé pour satisfaire la vision d’un monde fantasmé, le confusionnisme colle aux revendications démocratiques ultralégitimes et incontestables, citant à l’occasion les grands noms de la pensée.
Relisez la phrase, c’est savoureux.
Ainsi, sur son blog Chouard idéalise abusivement le tirage au sort en politique. Surtout, il mélange des références intellectuelles comme Castoriadis, Kant, Marx, Tocqueville ou Montesquieu à la promotion de la démocratie athénienne. Un bricolage idéologico-politique paranoïde plus ou moins sophistiqué dans lequel chacun met ce qu’il veut, et qui fait aisément dialoguer Rousseau avec l’idéologue d’extrême droite Soral dans un théâtre de la Grèce antique.
Autre marqueur du confusionnisme : son «anticonformisme» face au «politiquement correct». Une vidéo d’une quinzaine de minutes disponible sur YouTube donne à voir un bel exemple de ce type de renversement de focale. On y voit Chouard affirmer que Soral est un «résistant», «antitotalitaire», «plus à gauche que les fascistes qui nous dirigent».Dans ce genre de raisonnement, l’observation du réel n’assure plus la vérité d’une thèse. Il suffit de penser à contre-courant de ce qui est présenté comme politiquement policé pour s’opposer à «l’ordre établi». «Dans ce conformisme de l’anticonformisme, les significations sont renversées, puisque le stéréotype devient “levée des tabous”, le brouillage confus des repères, “vérité”», analyse Corcuff.
Au-delà de la doublette Chouard-Soral, le goût du politiquement incorrect est caractéristique de la mouvance néoconservatrice, d’Eric Zemmour à Elisabeth Lévy.
Éric Zemmour néoconservateur ?! Donc en fait, il y une passerelle entre les antisémites et Zemmour puis Lévy ? Même combat ?
Ca va certainement intéresser Causeur ça.
Tous considèrent que l’antiracisme classique serait trop convenu et que l’esprit critique réclamerait de s’y opposer. Quitte à oublier les combats contre le racisme et l’antisémitisme.
C’est sûr que traiter Chouard d’antisémite, c’est un excellent moyen de lutter
contre l’antisémitisme…
Il flotte dans l’air un parfum des années 30, dit-on.
Dans la presse, surtout.
Toutes proportions gardées, l’histoire ne se répétant pas, les positions confusionnistes sont caractéristiques de cette autre époque de crise. L’historien du XXe siècle Pascal Ory, qui réfute une idéologie «proprement confusionniste» (lire page 23), rappelle que si le XIXesiècle a connu la fusion entre certains éléments empruntés à la fois à la gauche et la droite, «le cas Chouard s’apparente à une radicalité qui refuse de se laisser enfermer dans la taxinomie droite-gauche classique. Au reste, le mot essentiel n’est ni droite ni gauche : c’est extrême.»
C’est d’une clarté tout ce jus de chaussette…
Jamais contexte n’a semblé plus favorable à la propagation du confusionnisme. Avec l’explosion des réseaux sociaux, où chaque point de vue a la même valeur, des acteurs hétérodoxes du marché de l’information, des gens qui n’ont pas voix au chapitre dans l’immédiat, s’allient entre eux quand bien même ils ont des divergences idéologiques.
Merci de laisser Simon Blin continuer à croire que son point de vue à la même
valeur que celui de Todd ou Onfray…
Ensemble, ils créent les conditions de rapprochements intellectuels improbables. Ces derniers, dont Chouard est l’archétype, contribuent à la formation d’un espace «non euclidien», métaphore socio-géométrique employée par le sociologue spécialiste des croyances collective Gérald Bronner, qui veut que deux parallèles parviennent à se croiser à un moment donné. Au croisement des deux droites, Chouard, désormais ostracisé par les grands médias, fonctionne comme «un lobby à l’extérieur de son réseau, utilisant l’anonymat, explique Bevort.
Si vous comprenez cette phrase,de grâce, ne prenez pas la route dans cet état.
Ses fans, baptisés les “Gentils Virus”, sont en mission pour diffuser sa parole, “le Message”, dans les mouvements balayant le spectre politique». En quelques années, le blogueur militant s’est invité dans des conférences et débats un peu partout, sur un échiquier politique allant du Front de gauche à Nouvelle Donne, dans des mouvements écolo-citoyens comme les Colibris de Pierre Rabhi ou Alternatiba, aussi bien que dans la droite souverainiste et anti-Europe comme l’UPR d’Asselineau.
Dans ces circonstances, pas étonnant que les gilets jaunes dont la première revendication est le RIC, porté sur le web par Chouard depuis plus de dix ans, défient toutes les grilles d’analyses de la mobilisation sociale. «Ce mouvement est une continuation d’Internet dans le monde physique», écrit Bronner dans Philosophie magazine, selon qui les gilets jaunes révèlent sur le terrain «une homologie structurelle manifeste» avec la Toile.
Simon Blin remporte haut la main ce Kamoulox !
Susr le Net, ce confusionnisme ambiant n’est ni une doctrine ni une théorie. C’est un«projet d’extrême droite», insiste Bevort, dont la performance est de laisser présager la formation d’un arc idéologique rouge-brun, davantage national identitaire que révolutionnaire et social.
Quelqu’un a de l’aspirine ?
Dans les Origines du totalitarisme, Hannah Arendt a qualifié ce rôle trouble de «compagnonnage intellectuel» : «Les organisations de compagnons de route entourent les mouvements totalitaires d’un brouillard de normalité et de respectabilité qui trompe les adhérents sur le vrai caractère du monde extérieur, et le monde extérieur sur le vrai caractère du mouvement.»
Elle a aussi dit : « Le résultat d’une substitution cohérente et totale de
mensonges à la vérité de fait n’est pas que les mensonges seront maintenant acceptés comme vérité, ni que la vérité sera diffamée comme mensonge,
mais que le sens par lequel nous nous orientons dans le monde réel –
et la catégorie de la vérité relativement à la fausseté compte parmi les moyens mentaux de cette fin – se trouve détruit. »