Bienvenue au club, Gérard Collomb !
Gérard Collomb a dû comprendre ce qui l’attendait pour avoir manqué au monarque en démissionnant de son poste de ministre de l’intérieur et en voulant poursuivre sa tâche de maire à la tête de la deuxième ville de France. Vous cochiez ces deux cases Monsieur Collomb, et on va vous apprendre les règles du macronisme en marche. D’abord, Gilles Boyer vous a prévenu, les maires qui ne soutiennent pas Emmanuel Macron sont des ennemis, position confirmée par Marlène Schiappa exposant ses rêves de parti unique. Et ensuite il faut faire de la place pour les amis, et en caser le plus possible à la tête des grandes villes aux prochaines municipales.
Utilisant la méthode désormais classique de l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques, on vous a infligé un joli rodéo judiciaire et le lynchage médiatique qui l’accompagne. Avant l’arrivée future des juges d’instruction militants du Pôle d’instruction qui prendront la suite avec diligence.
Nul doute qu’assez rapidement des pièces tronquées arriveront sur le bureau de journalistes amis qui ne se feront pas prier pour en faire bon usage.
La liste de ceux qui, objets de ce genre d’assiduités, pourraient vous dire « bienvenue au club » constitue désormais une litanie, qui s’allonge tous les jours.
C’est Marine Le Pen, patronne du premier parti de France déjà cible d’un acharnement judiciaire déterminé, convoquée pour être mise en examen pour s’être défendue en rendant public le fac-similé d’une incroyable convocation judiciaire chez le psychiatre !
C’est Jordan Bardella faisant la course en tête dans la campagne pour les européennes, à qui on jette dans les jambes une accusation « d’emplois fictif ».
C’est Rachida Dati postulante à la mairie de Paris et susceptible de faire de l’ombre à Benjamin Griveaux, qui assiste à l’ouverture d’une enquête opportune pour des honoraires professionnels versés par Renault il y a 10 ans (!).
Ce club comporte déjà des membres prestigieux qui ont pour nom Nicolas Sarkozy, François Fillon, Jean-Luc Mélenchon et quelques autres. Cependant, il semble qu’on ne se bouscule pas pour l’intégrer comme le démontre la tribune des 72 maires de droite qui viennent de rejoindre Macron à grand bruit, nouvelle démonstration que prudence est mère de sûreté. Ils ont reçu cinq sur cinq le message de Gilles Boyer et savent que partout où il faudra faire place nette pour caser des membres LREM aux municipales, ceux qui n’auront pas obtempéré vont goûter au pilori médiatico-judiciaire. La liste de ces preux, motivant leur ralliement fébrile par le souci des intérêts de la Nation, m’a fait sourire. Ils ont raison d’être prudents, le Code pénal offrant de multiples possibilités, et il ne manque pas de magistrats acceptant de faire de la politique.
Vers un État policier ?
Dans un article publié dans sa lettre confidentielle, Éric Verhaeghe a fort justement pointé la dérive liberticide du système de gouvernement d’Emmanuel Macron emmenant la France vers une forme d’État policier particulièrement inquiétant. Il ne s’agit pas seulement de l’inadmissible violence des répressions policières et judiciaires contre le mouvement social des gilets jaunes, mais également de la mise en place méthodique de textes portant atteinte aux libertés d’expression et de manifestation, l’utilisation d’intimidations policières contre la presse pas assez docile, et enfin d’une instrumentalisation politique de la justice à un niveau rarement égalé.
Pour ce faire, le président a bénéficié de l’étonnante complaisance d’une bonne partie du corps des magistrats qui ont accepté au moment de la crise des gilets jaunes d’oublier leur mission de justice au profit d’une vision policière de rétablissement de l’ordre. Mais il dispose également d’un dispositif particulier, celui qui s’est justement signalé à l’occasion des affaires évoquées ci-dessus. Il s’agit du Pôle d’Instruction Financier, composé de juges d’instruction qu’on dit spécialisés, en général vedettes médiatiques, et qui bénéficient de la complaisance de la presse et de la mansuétude des juridictions supérieures qui leur passent beaucoup de choses. Normalement chargés des affaires financières complexes, il se sont fait une spécialité de la chasse au sein du monde politique.
Après l’affaire Cahuzac, et à l’initiative de François Hollande, ce pôle d’instruction fut flanqué d’un Parquet National Financier ce qui a abouti à la création par ce couple anormal d’une sorte de juridiction d’exception. Celles-ci devraient pourtant être proscrites en application de deux principes essentiels : tout d’abord tout le monde doit bénéficier des mêmes conditions de jugement, celles du droit commun et ensuite on ne choisit pas son juge.
Or le PNF autorité de poursuite soumise au pouvoir exécutif dispose d’une compétence nationale et peut ainsi s’emparer de n’importe quel dossier sur l’ensemble du territoire français, le conduire à sa guise, et le confier au Pôle d’instruction avec lequel elle entretient des rapports très étroits. C’est ce qui s’est passé au début du mandat de François Hollande avec l’affaire Arif, ce secrétaire d’État du premier gouvernement Ayrault prestement exfiltré. Ce dossier qui semblait jeter une lumière un peu étrange sur le financement de la campagne électorale de François Hollande, avait fait l’objet de premières investigations de la part du parquet de Toulouse territorialement compétent. Récupéré par le PNF, confié au pôle d’instruction, c’était en 2014 (!) Il a dû disparaître dans une faille spatio-temporelle, on n’en a plus jamais entendu parler. Comme celui de Bruno Le Roux ex-ministre de l’intérieur, pourtant mis en cause en même temps que François Fillon et pour les mêmes raisons, médiatiquement disparu depuis plus de deux ans…
PNF/Pôle financier, effets pervers
S’est immédiatement installée entre ces deux institutions une connivence évidente, voire une coopération, qui fait que les médias quand ils rapportent les événements de la procédure ont du mal à faire la distinction entre les deux. C’est-à-dire entre l’autorité de poursuite (PNF) qui n’est qu’une partie à la procédure et le juge d’instruction, juge du siège en théorie impartial, devant instruire à charge et à décharge.
C’est une situation malsaine et si on ne reviendra pas en détail sur tous les épisodes assez ahurissants qui émaillent la conduite des dossiers politiques, on rappellera d’abord que la première cible qui a fait l’objet d’un traitement hors norme est bien Nicolas Sarkozy dont le pouvoir socialiste souhaitait se débarrasser. L’ancien président est confronté à une vindicte personnelle indiscutable que même certains magistrats pourtant peu suspects de sympathie particulière à son égard, ont fini par refuser. C’est ainsi que dans l’affaire Bygmalion les deux juges d’instruction pourtant co-saisis n’ont pas signé l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel qui porte le paraphe du seul Serge Tournaire.
Le même qui depuis tant d’années s’acharne en vain et malgré des moyens considérables à établir un financement libyen de la campagne Sarkozy de 2007. Qui n’a pas hésité non plus, toujours pour la même cible, à considérer dans la fameuse affaire des « sondages de l’Élysée », et contre l’évidence juridique que la présidence de la république était, soumise au code des marchés publics. Ce qui a permis de poursuivre certains prestataires de l’Élysée pour recel de « délit de favoritisme ».
On ne surprendra personne en précisant que le coiffeur de François Hollande n’est pas dans la charette. Le même également qui de concert avec le PNF a mené tambour battant le début de l’instruction de l’affaire Fillon pour ensuite se calmer une fois acquise l’élimination de celui-ci au premier tour de la présidentielle.
Signalons quelques caractéristiques particulières dans la conduite de ces dossiers, qui relève du simple constat sans qu’il soit besoin d’instruire un quelconque procès d’intention : d’abord il semble bien que l’alinéa premier de l’article 81 du code de procédure pénale relatif à l’instruction à charge et à déchargene soit pas applicable dans ces affaires… Ensuite autre règle particulière, la presse est toujours informée du contenu des dossiers avant les avocats de la défense.
Et enfin le déroulement des péripéties procédurales est bien articulé à l’agenda politique. Sans surprise, les mêmes méthodes, parfois moins voyantes sont utilisées aujourd’hui contre les opposants au système Macron.
Le dispositif formé par ce couple PNF/Pôle Financier avait été voulu comme tel sous la présidence de François Hollande pour éviter par les voies judiciaires l’éventuel retour de Nicolas Sarkozy, puis ensuite utilisé contre François Fillon. On rappellera, horrible observation complotiste, que la magistrate, directrice des affaires juridiques de l’Élysée au printemps 2017 était arrivée directement du PNF quelques semaines auparavant…
L’outil a désormais été récupéré par Emmanuel Macron avec une double fonction, d’abord éviter aux dirigeants et amis de la macronie les problèmes judiciaires que pourraient justifier leurs agissements et ensuite frapper les opposants politiques considérés comme des ennemis en déployant contre eux une violence judiciaire à grand spectacle comme l’ont montré, entre autres, les 17 perquisitions parallèles contre Jean-Luc Mélenchon, et la séquence dont a été victime Gérard Collomb il y a quelques jours.
Cette dérive est à la fois malsaine et dangereuse. Et il est quand même surprenant de constater que le monde politique et les antifascistes de pacotille continuent à regarder ailleurs ou à s’aveugler sur ce qui est en train de s’installer chez nous.