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Monique Pinçon-Charlot chez les ultra riches
Monique Pinçon-Charlot chez les ultra riches
Monique Pinçon-Charlot chez les ultra riches

Tu étais invitée à l’université d’été du Medef. C’était comment ?

 

Monique Pinçon : Pourquoi ai-je été invitée à participer à une table ronde  avec Laurent Dassault, un autre grand patron issu de l’immigration, le vice-président du MEDEF, la secrétaire d’Etat à l’économie et aux finances à Bercy, un journaliste de Radio Classique, la radio dont le propriétaire est la première fortune de France, Bernard Arnault. J’étais la seule avec des idées en contradiction complètes avec les 5 autres participants à cet échange matinal. 

L’invitation était généreuse avec taxi depuis Bourg La Reine jusqu’à l’hippodrome de Longchamp dans le 16è arrondissement,  petit déjeuner commun pour mettre au point le déroulé de la table avec l’engagement du journaliste chargé de l’animation du même temps de parole pour chacun ( engagement respecté) Lorsque ce fut mon tour de parole, j’ai tenu les mêmes propos que ceux que je vous tiens avec ce long entretien pour Frustration. Je sentais des réactions mitigées dans la salle, mais avec un effet de surprise face à la franchise de mes propos en décalage complet avec les « entrepreneurs » qui constituaient la majorité du public. Mais finalement les quelques applaudissements ou compliments qui m’ont éré adressés saluaient plus mon courage que l’intérêt de mes propos ! Cette invitation s’inscrivait dans un contexte de manipulations idéologiques diverses des puissants mettant en scène leur volonté de lutter contre les inégalités. Je l’ai accepté, comme nous l’avons toujours fait Michel et moi, en cherchant le plus de contacts possibles avec les dominants pour tout simplement poursuivre notre travail de sociologues sur la violence des rapports de classe.

Est-ce qu’ils étaient un peu inquiets du contexte ?

M : Très ! En effet, leur mise en avant de la lutte contre les inégalités est bien un indicateur de leur inquiétude !

Il faut donc calmer la colère du peuple.  Il y a donc eu l’intervention de Macron en juin 2019, à l’ Organisme International du Travail (OIT)  où il a dit que le capitalisme est devenu fou et les inégalités abyssales.  Il y a eu l’université d’été du MEDEF dont le thème était une réflexion sur la lutte contre  les inégalités, le G7 à Biarritz prétendait également faire de même. L’initiative de 34 multinationales qui ont donné un milliard de dollars pour la planète, à l’initiative du  PDG de Danone a confirmé une inquiétude, d’ailleurs tout à fait justifiée.

Je voudrais redire l’importance qu’a pour nous cette idée d’un marché de la contestation sociale qui contribue à permettre au système capitaliste de  rebondir en intégrant, dans sa logique propre, la critique sociale. Les marxistes qui disaient que le capitalisme s’effondrerait de sa belle mort  avaient tort car ce qui est fascinant, c’est au contraire la façon dont les capitalistes se nourrissent de la critique pour mieux rebondir. Et là, ils sont en train de se nourrir du dérèglement climatique qu’ils ont provoqué, dont ils sont les responsables, pour rebondir dans un capitalisme qui va être débarrassé de 3 milliards 500 millions d’êtres humains parmi les plus vulnérables et les plus pauvres. On ne peut pas laisser faire ça, c’est un crime contre l’humanité, c’est un crime contre la nature, c’est un crime contre le vivant.

N : Par rapport au marché de la contestation, tu disais qu’on en fait partie. Mais du coup, il faudrait qu’on travaille à en sortir ?

M : À en parler déjà du moins, c’est déjà bien ! Ne pas se prendre pour des militants, des révolutionnaires alors qu’en réalité, mais sans en avoir conscience, on contribue malgré nous, avec la participation à des élections dont les puissants contrôlent tous les rouages et toutes les roueries, avec l’écriture de livres sur la prédation des richesses et des pouvoirs par une petite oligarchie, avec des articles, des émissions, des journaux , des éditeurs qui contestent sans relâche un système inique dont nous ne viendrons à bout que si nous y associons d’autres formes de lutte comme la désobéissance civile. Si possible non violente, car elle serait partagée par le plus grand nombre, de manière collective, solidaire et à la hauteur de l’enjeu de la mort des plus pauvres avec le dérèglement climatique entretenu par les puissances d’argent.

Dernier ouvrage paru avec Michel Pinçon ; Le Président des ultra-riches, chronique du mépris de classe dans la politique d’Emmanuel Macron, Zones 2019.

A paraître le 8 novembre aux éditions La Ville Brûle, avec Michel Pinçon et Etienne Lécroart, Kapital, qui gagnera la guerre des classes ?, le premier jeu de sociologie critiqu

Tag(s) : #Medef
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