Commentaire de Jean LEVY :
Ainsi, de la frontière nord de la Syrie aux rives de l'Euphrate, les forces du gouvernement souverain de Bachar Al Assad réoccupent les territoires peuplés largement de Kurdes. Ceux-ci, visaient à devenir autonomes vis-àvis de Damas, grâce au soutien des Etats-Uni, sous le drapeau des quels ils s'étaient placés dans la lutte qu'ils menaient contre les terroristes de EI.
Mais le départ précipité des forces US de Syrie, face à l'hostilité de la Turquie à toute structure kurde à sa frontière sud et à l'offensive de l'armée d'Ankara pour les en chasser, a conduit les Kurdes à rechercher l'appui des forces syriennes pour se protéger.
Ce retournement d'alliance a permis au gouvernement syrien d'entreprendre la reconquête pacifique de ces territoires menacés par l'armée turque.
Devant le tollé international que l'agression turque avait provoquée, Erdogan a été contraint de cesser son offensive en Syrie pour cinq jours, dit-il, "afin que s'évacuent les forces militaires kurdes" des territoires contestés, et aujourd'hui donc en voie de récupération par l'armée de Bacha Al Assad...
On mesure ainsi la folie des gouvernements français successifs, de François Hollande à Emmanuel Macron, de fonder leur politique sur la destruction de l'Etat syrien, basée sur l'appui donné par la France aux bandes terroristes d'Al-Qaida, jusqu'à envoyer des éléments militaires français pour le soutien de celles-ci, sans en référer à la représentation populaire.
La France se retrouve ainsi dans le camp des perdants.
L’accord inédit entre les Forces démocratiques syriennes et l’armée loyaliste ouvre la porte au retour de la souveraineté du régime de Bachar al-Assad dans la région où vivent un million de Kurdes.
Sauver la population. Les Forces démocratiques syriennes - le nom officiel des forces armées kurdes se sont résolues à signer un accord historique avec l'armée syrienne de Bachar al-Assad dans un seul et unique but : empêcher que les populations kurdes ne pâtissent de l'offensive turque à l'est du pays, dans les territoires jusqu'ici détenus par les FDS.
Le contenu de l'accord entre la SAA, l'armée arabe syrienne, et les FDS a fuité ce mardi soir. Il trace les lignes d'un choix plus que symbolique du mouvement kurde, qui donne accès aux troupes loyalistes syriennes à un territoire chèrement conquis, au prix de nombreuses pertes en vies humaines lors des combats contre Daech.
« Les FDS ont accepté l'entrée de l'armée arabe syrienne et son contrôle s'étendra à toute la région, depuis Ayn Diwar à l'Est, jusqu'à Jarablus à l'Ouest », précise l'accord entre les deux ex-belligérants. En clair, les Kurdes ont ouvert les portes d'accès à tout leur territoire à leurs anciens ennemis. Un séisme politique - mais aussi militaire - pour les Turcs. Le cadre de ce futur déploiement tactique a été fixé très précisément par les deux nouveaux alliés de circonstance.
L'armée syrienne va donc se déplacer dans le territoire kurde via trois axes. Un premier axe « depuis Tabqa en direction du Nord vers Ayn Issa et sa campagne ». Également en direction du Nord vers la frontière syro-turque à Tell Abyad et vers l'Ouest.
Le deuxième axe ira « de Manbidj en direction de Kobané sur la frontière syro-turque jusqu'à Tell Abyad et vers l'Ouest » (NDLR, l'accord ne mentionne que le nom arabe d'Ayn al Arab, qui est appelé en kurde : Kobané). Enfin le troisième axe de progression prévu par l'accord ira de « Hassaké jusqu'à Ras al Aïn et vers l'Est, puis à l'Ouest jusqu'à Kamechlyié, puis Al Malikiyah au Sud ».
« Les forces de la SAA se déploieront dans la région de Manbidj, à partir d'Arima et le long de la rivière Sajur, s'en tenant aux accords précédents concernant la répartition des forces dans Arima », précise encore ce texte.
Le contenu de l'accord fait que l'armée du régime de Bachar al-Assad étendra sa souveraineté dans toute la région à l'est et au nord de l'Euphrate mais, détail d'importance, « en coordination avec les conseils militaires locaux ». La zone située entre Ras al Ayn et Tell Abyad est définie comme la zone de combat principale « en attendant sa libération », précisent encore les deux parties.
Retour de la souveraineté de Bachar al-Assad
Les mots les plus importants de ce texte, finalement assez court, sont ceux qui ont trait à la souveraineté sur le territoire. Ceux qui ont dû coûter le plus cher aux responsables kurdes. « Les FDS confirment qu'elles sont prêtes à préserver l'unité territoriale de la République arabe syrienne et qu'elles le font sous le drapeau de la République arabe syrienne », définit ainsi l'accord. « Les FDS se tiendront aux côtés de la SAA pour faire face aux menaces turques contre la terre syrienne sous la direction du président Bachar al-Assad », conclut le texte. Des mots qui redonnent au raïs syrien la souveraineté sur un territoire qui échappait à son contrôle depuis 2011.
Il y a deux manières d'analyser cette décision. C'est, pour certains, la fin du rêve d'un « Kurdistan syrien ». Pour d'autres, les victoires militaires kurdes du passé leur garantiront peut-être un avenir sous la souveraineté de Bachar al-Assad.
« Tout s'est écroulé comme un château de cartes pour les Kurdes »
« Avec le retrait américain, tout s'est écroulé comme un château de cartes pour les Kurdes. En réalité, les populations arabes sont majoritaires dans cette région, et les Kurdes n'en avaient qu'un contrôle militaire », explique Fabrice Balanche, maître de conférences à l'université Lyon-2, contacté par Le Parisien. Le géographe, spécialiste de la région, revient tout juste de la zone.
« Les Kurdes n'ont plus le choix que d'être loyaux car, sans l'intervention syrienne, un million de Kurdes auraient été déplacés par les Turcs, sans l'ombre d'un doute. Les populations ont très peur des supplétifs arabes d'Erdogan, car ils égorgent, ils pillent, ils violent, ce sont pour certains des anciens de Daech ou d'Al-Qaida. Le but avant tout c'était d'éviter un massacre », analyse encore le chercheur associé au Washington Institute.
« Les YPG (les unités de protection du peuple kurde) ont été largement surestimées par certains médias. La réalité est tout autre. Les forces kurdes se sont écroulées en quelques jours, sans le soutien des Etats-Unis », constate encore le spécialiste de la région. « Les FDS ont été surestimées car on oublie que les Arabes qui les constituent largement se battaient parce que des salaires étaient versés. Il fallait nourrir les familles. La principale motivation était là. Elle n'était pas idéologique », décrypte encore Fabrice Balanche.
« Ils devraient obtenir beaucoup plus que leur sort dans le passé »
« Les Kurdes ont préféré faire des concessions au régime syrien plutôt qu'aux Turcs », confirme Karim Pakzad, chercheur à l'IRIS (l'Institut de relations internationales et stratégiques). « Les Kurdes n'arrivaient plus à faire face aux forces d'Erdogan. Ils ont donc logiquement perdu leur souveraineté gagnée sur le terrain », constate-t-il.
« C'est faux de dire que les Kurdes dans leur ensemble sont des indépendantistes. La plupart étaient réalistes, car ils savaient que c'était impossible d'avoir trois Etats indépendants kurdes en Turquie, en Syrie et Irak », précise celui qui enseigne à l'université de Kaboul. « Mais je ne pense pas que les Kurdes ont tout perdu. Les Kurdes ont réagi dans l'urgence, pour se sauver du massacre », enchaîne l'enseignant.
« Après-demain, à mon avis, dans le cadre du processus d'Astana (NDLR, un ensemble de rencontres multipartites entre différents acteurs de la guerre civile en Syrie), les Kurdes obtiendront des concessions pour gérer de manière plus ou moins autonome une partie de la région. C'est aussi l'intérêt des Russes, le nouvel acteur fort de la région. À cause de la guerre en Syrie, les Kurdes sont tout de même apparus comme une force importante. Ils devraient obtenir beaucoup plus que leur sort dans le passé », tempère l'enseignant-chercheur.