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Flixbus : des accidents qui inquiètent les syndicats

Un car FLixbus a fait une sortie de route sur l’A1 près de Berny-en-Santerre (Somme), dimanche 3 novembre. AFP/François Lo Presti

Flixbus : des accidents qui inquiètent les syndicats

Un mort et dix-sept blessés sur l'A61 dans l'Aude, le 6 octobre. Trente-trois blessés, dont quatre graves, sur l'A1 dimanche 3 novembre dans la Somme. Triste loi des séries, conséquence d'une météo difficile ou signe inquiétant d'une dégradation des conditions de sécurité des cars Flixbus?

« Evidemment, tant que les enquêtes sur les deux accidents respectifs n'ont pas rendu leurs conclusions, ça ne sert à rien de spéculer, avertit Abdelhamid Fertas, chauffeur Flixbus et élu Force ouvrière (FO) au CSE de la société France Ligne Express, créée par Autocars Pays de Savoie (APS) pour l'exploitation des lignes Flixbus. Ce que je peux dire néanmoins, c'est que malheureusement, dans de nombreux cas, les conditions de sécurité, pour les voyageurs, comme pour nous les chauffeurs, ne sont pas réunies. »

«On est parfois à deux doigts de s'endormir au volant»

En cause, pointe-t-il, une pression pour que les chauffeurs effectuent des voyages supplémentaires, malgré une réglementation très restrictive en la matière. « C'est simple, quand je suis arrivé dans cette compagnie, en juin 2018, explique Abdelhamid, on m'a rapidement demandé de faire des allers-retours de jour, en plus de ceux que je faisais la nuit. Comme j'étais en CDD, je n'ai pas osé dire non. »

Depuis près de trois ans, ce chauffeur quitte la gare de Grenoble (Isère), le soir à 21h30, pour rejoindre Bordeaux (Gironde) exactement dix heures plus tard, à 7h30. Et cela quatre fois dans la semaine. Soit deux allers-retours. La réglementation exige normalement au moins 45 heures de repos entre deux vacations hebdomadaires. Une durée qui n'est bien souvent, selon lui, pas du tout respectée.

« On nous demande régulièrement de faire des allers-retours supplémentaires de jours, explique-t-il. Or passer d'un horaire de nuit à celui de jour sans un repos suffisant peut s'avérer extrêmement perturbant pour l'organisme. C'est comme subir un décalage horaire entre ici et l'autre bout de la Terre. Résultat, on est parfois franchement à deux doigts de s'endormir au volant. »

«Un secteur très concurrentiel»

Une exception ? Malheureusement non, affirment plusieurs syndicats. « Cette activité de transport de voyageurs par autocar est encore toute récente, puisqu'elle n'est autorisée en France que depuis 2015, rappelle Baptiste Arsale, secrétaire général de l'UNSA Transport. Elle s'exerce dans un secteur très concurrentiel. Deux critères qui peuvent pousser les compagnies à rogner sur les coûts, et donc dans certains cas sur la sécurité. »

Un important mouvement de consolidation s'est effectivement opéré ces derniers mois. BlaBlaCar, le leader du covoiturage, a ainsi racheté à la SNCF sa filiale Ouibus en novembre 2018. Tandis que Flixbus, champion européen des voyages par autocar sur le continent, a lui-même repris à Transdev au mois de mai les deux autres concurrents en France : Eurolines et Isilines. Le marché se résume donc désormais à un duopole entre deux marques qui, jusque-là, se côtoyaient sans réellement se marcher sur les pieds : Flixbus, d'un côté, et Ouibus de l'autre.

« Cette situation incite à la vigilance, confirme Edgar Stemer, secrétaire général de la CFDT Transports. Car dans une activité où le prix du billet représente le principal attrait, la tentation peut effectivement être forte d'espacer les entretiens ou la maintenance. Ou encore d'inciter les chauffeurs à conduire plus longtemps. »

«Un petit joint avant de prendre la route»

« Nous ne sommes pas employeur direct, rappelle-t-on à la direction de Flixbus. Mais nous demandons aux entreprises qui travaillent avec nous, de veiller à ce que leurs chauffeurs respectent la réglementation. Et nous ne pouvons pas imaginer qu'ils ne le fassent pas, notamment parce qu'il existe des moyens technologiques de le contrôler. »

« Flixbus parle des chronotachygraphes qui équipent les autocars, décrypte un autre chauffeur, qui a souhaité rester anonyme. Ces appareils électroniques enregistrent différents paramètres, comme la vitesse ou le temps de conduite. Mais il n'est pas très compliqué de les tromper. C'est comme l'éthylotest qui peut empêcher le démarrage du véhicule. C'est très bien, mais quid des autres substances ? Je connais des chauffeurs qui n'hésitent pas à se fumer un petit joint avant de prendre la route. »

«Les transporteurs routiers sont bien mieux surveillés»

Les syndicats réclament donc une première mesure d'urgence : le renforcement des contrôles sur la route. « Depuis trois ans que je suis rentré dans ma boîte, ni moi, ni aucun de mes collègues n'avons été contrôlés par les forces de l'ordre », affirme Abdelhamid. « Il faut agir comme pour d'autres branches du secteur, estime pour sa part Baptiste Arsale. Les transporteurs routiers sont bien mieux surveillés. Ce n'est pas normal. »

Quelques mois près son embauche en CDI, fin 2018, Abdelhamid a pris la décision de ne plus accepter de faire d'« extras » sur la route. Mieux : il tente de persuader ses collègues de faire de même. « Je suis actuellement en formation à Paris, raconte-t-il. J'ai copié une photo de l'accident de ce week-end dans la Somme pour la montrer à mes collègues. Et leur expliquer ce que l'on risque, et ce que l'on fait risquer aux passagers que l'on transporte. »

 

Tag(s) : #Capitalisme, #Exploitation
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