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Arnaud Montebourg a-t-il envie de revenir en politique ? (image d'illustration)
RT France
Rare dans les médias, Arnaud Montebourg affirme que la page politique est pour le moment «tournée». Ne cultive-t-il pas la discrétion dans une stratégie éminemment politique ? L'ancien ministre pourrait être la meilleure carte à gauche pour 2022.
«Montebourg 2022», un slogan que plusieurs de ses anciens partisans ont en tête, n'attendant qu'un déclic pour relancer la machine. Ces militants de base, avec qui nous avons pu échanger, naviguant aujourd'hui dans plusieurs formations politiques de gauche, se disent en effet prêts à le soutenir s'il annonçait un retour sur la scène politique. Pour eux, Arnaud Montebourg est potentiellement vu comme l'homme providentiel pour une gauche aujourd'hui éclatée.
D'ailleurs, quand on a été un animal politique comme Arnaud Montebourg, peut-on définitivement et sérieusement abandonner la politique ? Lui qui a réussi lors des législatives en 1997 à conquérir une circonscription rurale, en pleine Bresse louhannaise, acquise à la droite depuis 1988. Il parviendra à se faire réélire jusqu'en 2012. A l’entendre pourtant, cette page est «tournée», comme il le confessait à BFM TV le 10 novembre dernier. Difficile de le croire au vu de son énergie à dénoncer la politique actuelle et le système.
On y reviendra, car, depuis sa défaite à la primaire socialiste pour la présidentielle de 2017, l'ancien ministre du Redressement productif s'est effectivement écarté de la joute. Il s'est trouvé une nouvelle vie dans le privé et s'épanouit dans celle-ci. Interrogé par nos soins, son ami politique et ancien député socialiste du Gard, Patrice Prat, nous confirme qu'Arnaud Montebourg «est totalement investi dans sa nouvelle vie professionnelle» : «Cette prise de distance par rapport à la politique est très bénéfique pour lui aujourd'hui et le sera tout autant si un jour il ambitionne de revenir en politique.»
Montebourg, la gauche bleu-blanc ruche
Dès son entrée au gouvernement en 2012, Arnaud Montebourg pose de fait les jalons de cette future carrière, posant avec la marinière en une du Parisien la même année. L'image fait d'abord sourire. Les moqueries ne sont jamais bien loin à l'époque, y compris dans le camp de la gauche gouvernementale. Arnaud Montebourg contribue pourtant, étape après étape, à rendre populaire l'idée du Made in France. La marinière se vend au demeurant comme des petits pains : l'orgueil français, sans doute. La marinière comme toutes les déclinaisons en faveur d'une production française (notamment les produits agricoles) deviennent peu à peu tendance. Par opportunisme peut-être, tous les principaux bords politiques vont suivre ce mouvement patriotique. A droite comme à gauche, le Made in France peut effectivement faire partie d'un logiciel de pensée louant un sursaut français. Arnaud Montebourg a sans aucun doute permis de «repopulariser» la consommation, l'artisanat et le savoir-faire hexagonal.
Entre 2012 et 2014, de nombreux commentateurs voient en lui l'un des rares défenseurs du protectionnisme dans la gauche gouvernementale, à une période où le combat contre la finance mondialisée, promis par François Hollande, semble bel et bien perdu, si tant est que cette bataille ait jamais débuté. Arnaud Montebourg se proclame de fait «eurocritique» et dénonce par exemple l'euro trop fort pour l'économie française.
Il parvient également à faire valider par la Commission européenne un texte surnommé le «décret Montebourg» censé protéger les secteurs stratégiques de l'Etat face aux OPA hostiles de certains acteurs privés. Ses critiques contre l'action gouvernementale restent, malgré tout, mesurées.
Les différences idéologiques vont néanmoins apparaître trop grandes entre le «colbertiste» Arnaud Montebourg et son Premier ministre social-libéral Manuel Valls. L'étincelle aura lieu en août 2014, lors de la fête de la rose à Frangy-en-Bresse, une réunion traditionnelle et annuelle réunissant les partisans du député.
Arnaud Montebourg, emporté par sa fougue, adresse alors une critique acerbe contre l'austérité. Le ministre se moque de l'exécutif, proposant à François Hollande «une bonne bouteille [de vin] de la cuvée du redressement». La goutte d'eau fait déborder la rose du vase. En août 2014, Manuel Valls l'éjecte, presque logiquement, du gouvernement. Le caillou montebourgeois dans la chaussure social-libérale du camp Valls/Hollande est trop gros. Le profil d'Arnaud Montebourg ne colle pas avec le cap suivi par le gouvernement. Cet acte va aussi permettre à celui-là de ne pas se sentir compromis dans un quinquennat qui écorne peu à peu les pages de promesses de la campagne présidentielle. Arnaud Montebourg prépare alors sa reconversion.
Il tente bel et bien un retour pour la primaire socialiste en 2017. Sans doute que cette revanche politique était prématurée. Depuis 2014, il devient en tout cas, progressivement, le chantre du Made in France et fait de celui-ci le prolongement de son action post-politique, développant en 2018 le miel «Bleu blanc ruche».
En 2015, il définit d'ailleurs le Made in France comme une «cause nationale» dépassant les clivages politiques. Il allie ainsi la cause écologique (la défense des abeilles et des circuits courts), l'entreprenariat et la défense de la production française... Le tout, dans un cadre politiquement inattaquable. Avec cette nouvelle vie, il s'éloigne malicieusement de toute responsabilité quant aux désastres électoraux du Parti socialiste depuis la présidentielle de 2017.
Au «salon du Made in France» en 2019, il est même vu comme une guest star.
Arnaud Montebourg, un peu de Chevènement, un peu de Mélenchon... Un meilleur stratège ?
Devenu patron, l'ancien socialiste choisit ses rendez-vous médiatiques. Il n’hésite plus à déglinguer à tout va, avec certainement plus de liberté. Plus question d'être mesuré. Il blâme l’Union européenne comme le traité de Maastricht et ses critères économiques qu'il juge «obsolètes» et mauvais pour les peuples. Il appelle même à désobéir à Bruxelles.
S'il reste hostile à une sortie de la France de l'UE, il prend en somme à contre-pied une bonne partie de la gauche pro-UE et son parti originel, le Parti socialiste. Il dénonce par exemple les politiques menées par François Hollande et Manuel Valls qui, d'après ses propos, ont fait payer la facture de la crise financière «aux classes moyennes» alors que cette même crise est «liée à une oligarchie financière». Il déplore d'autre part le «merdisme» au sein de son ancien parti, et ne voit pas de leaders qui puissent actuellement relever la gauche.
Sur France inter, en juin dernier, il se prononce pour une gauche qui «replace la question de l'écologie au sommet, replace dans son projet la question de la nation et de la souveraineté».
Il déclare en outre que «la riposte au macronisme c’est le retour de la nation». «Le drame dans notre pays, c'est qu'on vote depuis des années, [...] avec Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande, Emmanuel Macron, et à chaque fois, on revient toujours à la même politique, le problème [...] c'est qu'il n'y a pas d'alternative», analyse l'ancien député de Saône-et-Loire.
Il y a du Mélenchon de la campagne de 2017 dans le texte.
Bastien Gouly
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