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En Grande-Bretagne, c'est la fête !

Ce soir, 31 janvier 2020, pour la première fois, un pays quitte l’Union européenne. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Emanuel Macron, alors ce doit être vrai. Pour une fois, je suis d’accord avec lui. La différence, c’est que lui le dit avec une tête de croque mort, alors que moi j’ai un ample sourire et le champagne au frais.

Bien sûr, cette sortie ne se fait pas comme je l’aurais aimé. Trois ans ont été perdus depuis le référendum de 2016. Ces trois ans perdus ne sont pas neutres. Trois ans, c’est assez de temps pour émousser les volontés, pour refroidir les enthousiasmes. Le « oui » au Brexit aurait pu être pour les britanniques ce que fut pour nous la Libération : une opportunité de dépasser les querelles, de mettre en œuvre avec enthousiasme un projet national pour tirer les avantages de leur liberté retrouvée.

Trois ans ont été perdus dans une guerre de tranchées menée par la traditionnelle conspiration des europhiles refusant d’accepter le verdict des urnes et mettant ses espoirs dans un deuxième scrutin qui aurait renversé le résultat du premier, ou bien une majorité parlementaire qui accepterait de passer par-dessus la volonté populaire. Leur espoir avait un fondement solide : on a déjà plusieurs fois fait revoter les peuples lorsqu’ils ont refusé de se plier aux injonctions européennes, et on n’a pas hésité dans d’autres cas à passer outre les résultats d’un référendum.  Alors, pourquoi pas ?

Si ces manœuvres n’ont pas réussi, c’est parce que le consensus populaire en faveur du Brexit était solide. Trop solide pour que les politiques osent le défier ouvertement, trop solide pour pouvoir le renverser par les discours de la peur qui ont été systématiquement propagés par le camp du « remain ». On peut discuter si c’est de la lucidité ou de l’inconscience, mais on ne peut que constater à quel point les britanniques ont confiance dans leur capacité à résoudre les difficultés qui inévitablement se présenteront dans une situation nouvelle. C’est sur cette confiance qu’en dernière instance les partisans du « remain » se sont cassés les dents.

Est-ce à dire que cette guerre de tranchées prend-t-elle fin aujourd’hui ? Rien n’est moins sûr : il suffit d’écouter notre classe politique et médiatique exhiber leurs aigreurs à grands coups de reportages chez des Anglais acquis au « remain », chez les Ecossais indépendantistes ou chez les eurolâtres de Bruxelles. La négociation de la « relation future » sera certainement l’occasion de la continuer. Et cependant, une victoire a été remportée ce soir, une victoire d’autant plus forte qu’elle a été remportée dans un dur combat.

Le combat a vu la formation d’une alliance qui rappelle celle qui a vu gaullistes et communistes travailler ensemble à la Libération : celle des couches populaires et des nationalistes conservateurs. BoJo n’est peut-être pas De Gaulle, mais il n’en reste pas moins un conservateur de la vielle école qui gagne une élection avec un discours « social-souverainiste ». Une telle alliance est-elle possible chez nous ? L’avenir le dira, mais on voudrait y croire.

Les souverainistes auraient tort de bouder leur plaisir. La victoire n’est peut-être pas aussi belle qu’on l’aurait voulue, il reste pas mal de combats encore à gagner en Grande Bretagne et ailleurs. Mais c’est une victoire quand même. Rien qu’à voir la mine déconfite des « experts » médiatiques qui pendant trois ans nous ont expliqué que le Brexit ne se ferait pas est un plaisir délectable. Certains parlent même du fait qu’après avoir tant invoqué la « construction européenne », il faudrait commencer à envisager une « déconstruction ».

Ce départ pourrait-il provoquer une mutation en bien de l’Union européenne ? Quand on entend notre président parle à propos du Brexit de « signal d’alarme historique » qui « doit être entendu dans l’Europe toute entière et nous faire réfléchir », on a envie d’y croire. Mais lorsqu’on remarque qu’avant toute « réflexion », le président nous explique que les britanniques n’ont voté le Brexit que grâce à une « campagne de mensonges » (tout en proclamant son « respect » pour le vote en question, cherchez l’erreur) et parce que les élites politiques « ont trop fait de l’Europe un bouc émissaire », on se prend à en douter. Et lorsqu’il explique que pour faire face aux défis du monde il nous faut « plus d’Europe » (sous-entendu, de la même Europe), on devient sceptique. Bien entendu, il appelle à « réformer l’Europe », mais cette réforme ne touche aucun de ses principes fondamentaux, tout juste s’agit-il de la rendre « plus transparente », « plus démocratique », « plus proche des citoyens ». Cela fait trente ans qu’on entend ce même discours, qui aboutit à chaque fois au même résultat : le règne chaque fois plus tyrannique des « marchés libres et non faussés ».

Il n’y a donc que bien peu d’espoir que le Brexit provoque une remise en question des principes qui ont rendu l’Union européenne détestable aux peuples. « Ce n’est pas l’amour qui nous unit, c’est l’épouvante » écrivait Borges. De plus en plus, les européens restent arrimés à l’Union non pas par adhésion, mais par la peur de ce qui pourrait arriver s’ils venaient à en sortir. Peut-être que l’expérience britannique permettra de montrer combien ces peurs sont exagérées. Je donnerais cher pour être à Londres ce soir pour pouvoir fêter avec nos amis britanniques leur libération, et rêver qu’un jour nous pourrons fêter la même à Paris.

Et puis, parce que c’est une nuit de symboles, je vous invite à réfléchir sur un point : à compter de demain, la langue dans laquelle les affaires de l’Union européenne sont conduites – l’anglais – n’est plus la langue historique d’aucun état membre. Etrange situation pour cette « Europe puissance » de « 500 millions de citoyens » qui est censée nous protéger, n’est-ce pas ?

Descartes

 

Tag(s) : #Grande-Bretagne, #Brexit
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