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Crise sanitaire : Entretien croisé avec Alessio Arena (Fronte Popolare Italie), Annie Lacroix-Riz , Jean-Pierre Page et Fadi Kassem

Plus que jamais la crise actuelle nécessite la réflexion, l'échange, la confrontations des idées :

Comment en  est-on arrivé à la saturation de notre appareil de santé et au choix dramatique et inhumain de contraindre des soignants de décider qui doit être sauvé et qui doit être sacrifié?

Comment admettre les retards, les incohérences, les mensonges au plus haut sommet de l'état?

Comment expliquer les différences flagrantes bien que masquées et travesties des choix sanitaires et économiques, de comportement solidaire  entre les grands pays capitalistes (USA, Union européenne) se livrant à une concurrence effrénée pour l'accès aux moyens indispensables (médicaments, masques, respirateurs) et les pays se réclamant du socialisme, Cuba, Vietnam, Chine Vénezuela se portant à l'avant-garde de la lutte solidaire.

En ne pouvant pas ne pas remarquer que ce sont précisément les pays qui sont frappés par les USA, l'Union européenne de sanctions et ligotés pour certains d'entre eux par de véritables blocus y compris sanitaires?

Comment ne pas voir que c'est le fonctionnement capitaliste de l'économie mondiale qui est en cause.

" Tout changer pour que rien ne change" !

En sachant que conformément à leurs intérêts de classe, les privilégiés et leurs " chiens de garde" vont tout faire, vont admettre que plus rien ne doit être comme avant AFIN que leurs privilèges ne soient pas remis en cause.

C'est bien pourquoi le diagnostic de la situation, la détermination des causes profondes de la crise doit être effectué.

Pour que les travailleurs puissent se mobiliser sans se laisser détourner par les " solutions " illusoires qui ne vont pas manquer de leur être proposées et qui surtout ne touchent pas à la domination politique, idéologique et économique de la minorité qui nous a conduit là!

Pour qu'une issue démocratique, en faveur des travailleurs et du peuple puisse émerger du chaos actuel.

C'est à toutes ces questions que l'échange suivant initié par Initiative Communiste a commencé à s'attaquer :

La crise profonde liée à la pandémie du  et à la crise systémique du Capitalisme posent de nombreuses questions. Alessio Arena, secrétaire national du Fronte Popoplare en Italie, Jean-Pierre Page – militant syndical CGT bien connu, Fadi Kassem – secrétaire national adjoint du PRCF, et Annie Lacroix-Riz – professeur d’histoire contemporaine – ont accepté de répondre en exclusivité aux questions d’Initiative Communiste. L’occasion d’apporter avec leur point de vue de communistes italien et français, de syndicaliste et avec l’éclairage historique de la connaissance des grandes crises du système capitaliste, une analyse de la situation, de ses causes et conséquences, et des solutions et mobilisation à construire dès maintenant pour s’en sortir.

Vous trouverez ci-après la première partie de cet  réalisé entre Paris et Milan le 29 mars 2020.

 

 

Initiative Communiste 

Comment selon vous le mode de fonctionnement de la société actuelle, sur les plans national, européen et mondial, a-t-il précipité la diffusion du virus et l’engorgement catastrophique des systèmes de soins ?

Annie Lacroix-Riz 

Le péril de pandémie est signalé par les scientifiques du monde depuis vingt ans. Comme dans toute l’Europe et le « monde libre », les gouvernements de France, qui gavent les grands groupes, ont cassé l’université et la recherche autant que le système de santé. Ils ont estimé que la recherche des vaccins, peu rentables, surtout dans le monde sous-développé que l’impérialisme mondial tient dans la misère, devait s’arrêter. Le gouvernement français a rappelé en mars 2020 qu’il maintenait sa ligne des « appels à projet », à court terme, qui ont porté une atteinte fatale à la recherche, fondamentale et appliquée.

Les mandataires des monopoles ont cassé notre système de santé, avant de passer à nos retraites, pour pouvoir le remettre aux assurances privées. Quant aux médicaments, ils ont cessé d’être fabriqués en France (et dans toute l’Union européenne parce que les groupes pharmaceutiques les jugent « non rentables »). À leur guise, les groupes pharmaceutiques les déclarent en « rupture de stock », pour pouvoir en faire exploser les prix [1]. Le capitalisme à son stade actuel est incompatible avec la santé des populations : il faut absolument lire ce « jeune retraité de la recherche pharmaceutique » qui démontre que, « sous les apparences d’un pays à la modernité clinquante, se cache une réalité digne du Tiers-Monde » [2], bref, « les eaux glacées du calcul égoïste »[3].

Jean-Pierre Page 

Beaucoup de choses sont dites sur la pandémie de coronavirus, sur les retards, la sous-estimation, les consignes contradictoires et y compris sur le choix politique délibéré de dissimuler, de ne rien faire ou de laisser traîner les choses de manière irresponsable. Tout ceci est très important, mais est-ce cela l’essentiel ?

Cette crise sans précédent n’est pas la conséquence d’une fatalité ou d’une punition divine qui se serait abattue sur nous comme les 10 plaies d’Egypte. C’est le résultat de décisions politiques et économiques, de choix et de priorités stratégiques et finalement d’une crise systémique annoncée. Goldman Sachs la prévoyait pour mars 2020 ; le Forum de Davos s’en était fait l’écho : nous y sommes, et cela s’accompagne d’un coup d’Etat social !

La crise bouleverse complètement la donne et soulève une foule de questions inédites, en particulier pour les travailleurs et les peuples. Elle oblige à réfléchir autrement, d’abord dans l’urgence car des vies sont à sauver et cela implique de se donner les moyens pour cela. Ensuite, elle exige de réfléchir sur la stratégie à suivre si l’on veut être à la hauteur des exigences : elle suppose de faire un état des lieux précis – y compris internationalement – voir en quoi l’état des forces en présence est en train d’être modifié et même d’être profondément bouleversé.

La pandémie est mondiale : plus de 170 pays sont frappés, mais tout le monde ne le sera pas de la même manière. Pour les peuples, le prix à payer sera très lourd : le recul social et celui des libertés s’annonce sans précédent, les inégalités déjà criantes vont s’aggraver. On dit que la meilleure défense c’est l’attaque ! C’est ce que veut faire le Capital en se servant de cette situation comme prétexte pour un vaste « coup de torchon ». Le capitalisme a toujours su le faire avec l’usage des guerres ! Aujourd’hui, il veut passer aux actes ; toutefois, avec des risques véritables pour lui, car le cataclysme que nous vivons est aussi un formidable révélateur. Au fond, il faut observer les causes si l’on veut comprendre comment on en est arrivé là !

Alessio Arena 

Tout d’abord, nous devons examiner comment l’économie mondiale s’organise actuellement, des marchés financiers aux chaînes de production. Le monde contemporain développe un niveau d’interconnexion sans précédent entre des régions et des peuples auparavant très distants les uns des autres. La fragmentation des chaînes de production et la répartition des processus particuliers dans des usines de production distantes de milliers de kilomètres, la circulation de plus en plus “libre” des capitaux à l’échelle mondiale, qui alimente d’énormes bulles spéculatives et des cycles de “valorisation” purement virtuels, mais aussi le modèle de consommation impliquant d’énormes masses de population, ont engendré une mobilité humaine inédite. Ce n’est pas un hasard si cette contagion s’est d’abord étendue aux principaux centres économiques des différents pays et s’est davantage enracinée là où la productivité est plus élevée et où, par conséquent, la mobilité sociale et la concentration de la population sont plus prononcées. Jamais auparavant la production de richesse n’a été socialisée comme aujourd’hui, dans une perspective où la socialisation s’étend à l’échelle planétaire. Jamais la richesse n’a été concentrée dans les mains de si peux d’individus par rapport à la population.

Fadi Kassem 

Le mode de fonctionnement actuel porte un nom : le système capitaliste et ses déclinaisons : nationale, avec le MEDEF comme principal représentant en France ; européenne, à travers l’UE qui, dès ses origines remontant bien avant 1945, n’est qu’un cartel d’industriels, banquiers, financiers et grands commerçants défendant ses intérêts de classe et ses profits ; et mondiale, à travers ce qu’Alain Minc a nommé la « mondialisation heureuse ». Ce capitalisme a opté pour un visage dit « néolibéral » depuis 45 ans, une « nouvelle raison du monde » qui sanctifie un « sujet entrepreneurial » consacrant sa vie tout entière au travail (effaçant au passage la distinction entre vie privée et vie professionnelle), chante les mérites de « l’offre », du « risque », de la « liberté d’entreprendre », dénonce les « contraintes » que seraient les « législations sociales » et autres normes (notamment environnementales et… sanitaires !), et finalement démantèle les services publics nationaux, jusque dans leur appellation : l’UE ne parle pas de services publics mais de « services d’intérêt général » qui, selon la Commission européenne, « peuvent être fournis par l’Etat ou le secteur privé ».

Annie Lacroix-Riz 

La liquidation multi-décennale de l’industrie, prioritairement organisée dans les pays à forte combativité ouvrière, comme la France et l’Italie, a des conséquences lisibles dans la gabegie sanitaire présente : en mai 2019, la direction britannique de l’usine Luxfer de Gerzat (Puy-de-Dôme), « la seule en Europe à fabriquer des bouteilles d’oxygène médical », l’a fermée, comme elle l’avait annoncée fin 2018 malgré des résultats florissants (jamais assez) [4]. On peut dresser le même bilan en tout domaine. Et que dire de la non-production des tests de dépistage, qui pour les mandataires du capital, « coûterait “un pognon de dingue” »[5], des masques, des vêtements de protection? Les effets de la « mondialisation », qui n’a été qu’une course délirante à la baisse des salaires et revenus non monopolistes, sont désormais démontrés.

Alessio Arena 

C’est pourquoi il faut définir une politique industrielle pour la crise qui garantisse l’accès de la population aux biens nécessaires pour faire face à la période de quarantaine. Mais en même temps, il faut garantir la sécurité et la santé sur les lieux de travail qui devront continuer à fonctionner pendant un état d’urgence qui va durer plusieurs mois. Pour ce faire, nous ne pouvons cependant pas compter sur le gouvernement et les patrons. En Italie, Fronte Popolare a lancé le mot d’ordre du contrôle ouvrier sur la sécurité sanitaire et du pouvoir de direction des travailleurs sur la production, qui doit être reconnu par une loi. Cela correspond aux principes déjà inscrits dans notre Constitution. Il est impératif que les classes laborieuses proposent une politique industrielle de la crise et une capacité à guider la société dans son ensemble, définies en fonction de leurs intérêts, qui, à l’heure actuelle, correspondent plus que jamais à l’intérêt général du pays.

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http://www.frontsyndical-classe.org/2020/04/crise-sanitaire-entretien-croise-avec-alessio-arena-fronte-popolare-italie-annie-lacroix-riz-jean-pierre-page-et-fadi-kassem.html


 

Tag(s) : #Idéologie
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