Les élections dans les deux communautés autonomes historiques se sont tenues dans un contexte marqué par les conséquences de la gestion de la pandémie due à la covid-19 qui a motivé la convocation du scrutin par les autorités au pouvoir dans les deux communautés. Le regain d’abstention qui s’en est suivi (moins élevée en Galice :41,12% contre 36,25% en 2016 ; qu’au Pays basque : 47,14 contre 37,74%) ne semble pas avoir pénalisé les forces dominantes dans ces deux communautés.
La principale caractéristique du scrutin est la poussée importante des partis nationalistes souverainistes dans les deux communautés.
Au Pays basque, le Parti nationaliste basque (PNV), parti conservateur interclassiste, progresse et consolide sa majorité relative au Parlement basque : 39,13% et 31 sièges (37,4% et 28 sièges). Avec la poussée importante de Bildu (nationalistes de gauche indépendantistes) : 27,85% et 22 sièges (21,1% et 18 sièges), la majorité nationaliste est écrasante au Parlement basque, même si elle ne se concrétise pas dans une option possible de gouvernement, les options souverainistes PNV et de Bildu restant très différenciées tant dans la prise en compte de la dimension sociale que dans la manière de considérer la relation avec l’Etat espagnol (indépendance ou confédéralité) ; «Je ne crois pas dans les voies d’une rupture unilatérale…mais il faut se poser sérieusement la question de la codécision » (Iñigo Urkullu, chef PNV du gouvernement basque).
Le surgissement de Podemos à partir de 2015 (deuxième force politique aux élections générales) a constitué une contre-tendance à cette dynamique de fond, mais dans la confrontation politique ouverte avec l’Etat espagnol, Bildu a su faire évoluer à la fois sa pluralité organisationnelle interne que son discours sur le droit à décider, la démocratie (avec la distanciation progressive du passé de l’ETA) et les questions sociale et sociétales ; en appui sur un mouvement syndical qui reste dans cette communauté – contrairement au reste de L’Etat espagnol où dominent les Commissions Ouvrières et l’UGT- largement représenté par les organisations abertzales, ELA et LAB.
En Galice, la situation est différente. Le Bloc nationaliste de gauche (BNG), parti traversé par des courants allant de la droite à la gauche indépendantiste et qui défend avec certaines nuances le même positionnement que Bildu et la ERC en Catalogne sur l’autodétermination ; redevient la première force d’opposition au PP avec 24,02% et 19 sièges (8,36% et 6 sièges), au détriment du PSOE qui, lui, a toujours contesté le leadership de l’opposition au PP et des indépendantistes de gauche (Anova) qui au sein de leur alliance avec Galice en commun et précédemment En Marea sortent du Parlement galicien. En 2012, la coalition Esquerda Unida-Anova avait obtenu 9 sièges contre 7 pour le BNG et En Marea
avait par la suite contribué largement au succès des « municipalités progressistes de changement » (La Corogne, Santiago, El Ferrol en 2015).
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La deuxième caractéristique du scrutin c’est la consolidation de la droite en Galice : le Parti populaire (PP) de Albert Feijoo qui n’a pas voulu endosser sur place le profil de droite extrême du PP à Madrid, obtient sa 4e majorité absolue consécutive avec 48,42% et 41 sièges (47,53% - 41 sièges en 2016). Par contre, au Pays basque, le PP subit une nouvelle baisse avec 6,75% et 5 sièges qu’il partage avec Ciudadanos. Le parti d’extrême-droite Vox entre au parlement basque avec 1,93% et un siège.
La troisième caractéristique c’est la progression relative du PSOE en Galice : 19,56% et 15 sièges (17,88% et 14 sièges) et au Pays basque : 13,65% et 10 sièges (11,9% et 9 sièges) où il ne parvient plus à se constituer comme première force d’opposition. Le PSOE, tout comme Unidas Podemos, n’ont pu tirer profit, particulièrement, de l’inquiétude suscitée dans les milieux populaires par le bilan très négatif laissé par la droite galicienne concernant notamment la désindustrialisation massive (fermeture annoncée de Alcoa dans la sidérurgie) où les coupes pratiquées dans le secteur de la santé. Au Pays basque, le PSOE reste néanmoins déterminant pour assurer une majorité au gouvernement local avec la confirmation de son alliance probable avec le PNV.
Enfin, le très lourd recul de la gauche d’alternative progressiste coalisée autour de Unidas Podemos est l’autre donnée importante du scrutin.
En Galice, Galicia en comun (Podemos-IU+ Anova) avec 3,98% ne sera plus représentée au Parlement galicien (en 2016 l’espace de confluence construit avec En Marea avait obtenu 19,07% et 14 sièges et s’était consolidé comme première force d’opposition au PP).
Au Pays basque, avec 8,04% et 6 sièges, Podemos et IU perdent 5 sièges (14,8% et 11 sièges) par rapport à 2016.
Une réflexion autocritique a été annoncée par les dirigeants de Podemos et de IU pour analyser les causes d’une telle défaite « sans palliatifs » (Pablo Iglesias) et en particulier les raisons de ce recul important de l’influence de l’espace de confluence citoyenne construit autour de Podemos depuis 2014.
La participation dans des conditions inédites de cette gauche de transformation sociale dans un gouvernement de coalition en Espagne dans les conditions d’une crise économique et sociale sans précédent ; les mesures importantes de progrès social prises par ce gouvernement de coalition pour y faire face (augmentation des salaires, revenu minimum vital, démantèlement de la réforme du travail, assurance chômage, lois contre les violences sexuelles…) avec l’apport en ce sens des ministres communistes concernés ; vont se heurter à des résistances et une opposition de la droite et de l’extrême-droite dans un contexte de relance du débat
sur la question territoriale et des nécessaires réformes que celui-ci implique au plan de la régénération démocratique des institutions (des élections sont prévues dans les prochains mois en Catalogne).
Dans ce contexte, Unidas Podemos et le PCE appellent à une mobilisation populaire pour que la « reconstruction sociale du commun » soit défendue et renforcée dans le cadre de la préparation du budget de l’Etat face aux tentatives de l’UE de la conditionner» en fonction d’autres intérêts plus liés à la préservation des intérêts de l’oligarchie, au détriment de ceux des travailleurs. Le renforcement de « l’unité populaire » dans un contexte politique plus difficile pour l’ensemble de la gauche, sera d’autant plus crucial en ce sens.
José Cordon
Commission des relations internationales du PCF
source : lettre electronique PCF Monde