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Mai 1968 : les  ouvriers de chez Renault rejettent les propositions patronales exposées par Benoît Frachon et Georges Séguy, au nom de la CGT

Christophe Guilluy: «Les invisibles sont devenus incontournables»

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Certains observateurs lui reprochent de se répéter et de céder à l’idéologie. Pourtant, dans Le Temps des gens ordinaires (Flammarion), le géographe approfondit et renouvelle à la fois ses thématiques. Si les fractures françaises sont plus que jamais d’actualité, analyse-t-il, le fait nouveau est la constitution d’un bloc populaire solide qui conteste le modèle globalisé et multiculturel.

Le géographe Christophe Guilluy.

Le géographe Christophe Guilluy. Jean-Luc Bertini pour le Figaro Maga

LE FIGARO MAGAZINE. - Hier, vous développiez le concept de «France périphérique» et de classes moyennes et populaires. Aujourd’hui, vous évoquez «les gens ordinaires». Qui sont-ils?

Christophe Guilluy. - La classe moyenne occidentale, autrefois colonne vertébrale de nos sociétés, n’existe plus, elle est déclassée. C’est pourquoi j’utilise le concept de «gens ordinaires», qui regroupe des catégories différentes, formant hier la classe moyenne: des ouvriers, des employés, mais aussi des paysans, des retraités, des petits fonctionnaires comme des petits artisans ou indépendants. Ils peuvent être aussi bien dans les services publics que dans le secteur privé. Certains viennent de la gauche, d’autres de la droite. Ce bloc relève aussi d’origines très diverses (bien que minoritaires, il y avait des personnes issues de l’immigration, dans le mouvement des «gilets jaunes», celles-ci n’avaient pas d’étendard identitaire et se définissaient avant tout par leur catégorie sociale).

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Christophe Guilluy, 
Le Temps des gens ordinaires

Auplus près des changements

 


 

Dans cet ouvrage, Chris­tophe Guilluy pour­suit sa réflexion sur les “caté­go­ries modestes“, aban­don­nées par la gauche et la droite depuis la fin des années 1970 (p. 10), et conduites à des choix poli­tiques “popu­listes“ (RN en France, Trump aux Etats-Unis, Boris John­son en Angle­terre…), quand ce n’est pas à des mou­ve­ments de pro­tes­ta­tion comme celui des “gilets jaunes“.
Au plus près des chan­ge­ments sociaux, déjà en cours ou qui se pré­parent, le géo­graphe observe la mon­tée récente, parmi la popu­la­tion, de la conscience que les gens ordi­naires, si long­temps trai­tés avec mépris par les médias, sont non seule­ment indis­pen­sables, mais aussi hau­te­ment res­pec­tables et dignes de fon­der le modèle d’une société meilleure que celle où nous vivons.

Guilluy fait nombre d’observations per­ti­nentes comme celle-ci : “Si les classes popu­laires rejettent aujourd’hui la culture du monde d’en haut, c’est d’abord parce que ce monde les a reje­tées mais aussi parce que cette culture “d’élite“ s’est effon­drée. A quelques excep­tions près, la culture des élites se résume au mar­ché, à l’immédiateté et au diver­tis­se­ment“ (p. 46).
Dans le même ordre d’idées, il insiste sur “la cor­ré­la­tion entre l’effondrement intel­lec­tuel des élites et la répul­sion qu’elles ins­pirent“ aux gens ordi­naires (p. 173). La réflexion de l’auteur sur l’idéologie du pro­gres­sisme, qui “n’est plus opé­rante“ (p. 84), sauf pour une mino­rité pri­vi­lé­giée, est éga­le­ment lumineuse.

Guilluy met en avant le concept orwel­lien d’honnêteté com­mune (“com­mon decency“), conser­va­teur dans le meilleur sens du terme, pour déve­lop­per une réflexion, nour­rie de sta­tis­tiques, sur le fait que la grande majo­rité des gens, non seule­ment en France, mais dans le monde entier, sou­haitent res­ter là où ils sont nés, et conser­ver la culture qui leur est propre, plu­tôt que de quit­ter leur pays pour un autre (seuls 4% de la popu­la­tion mon­diale sont concer­nés par l’immigration, p. 154) ou leur vil­lage pour une grande ville ; cette majo­rité ne rêve pas non plus de chan­ger de classe : “Contrai­re­ment à ce que pense la bour­geoi­sie (celle d’aujourd’hui comme celle d’hier), on peut naître, vivre et mou­rir en milieu popu­laire. On peut y “faire sa vie“, se culti­ver, pro­gres­ser ou stag­ner et y être heu­reux“ (p. 177).

En somme, l’avenir appar­tient, selon l’auteur, aux gens ordi­naires des ter­ri­toires “péri­phé­riques“.
Qu’on en soit convaincu ou pas, il est utile de lire ce livre, ne serait-ce que pour voir les choses sous un angle dif­fé­rent de celui qui pré­do­mine dans les médias.

Agathe de Las­tyns

Chris­tophe Guilluy, Le Temps des gens ordi­naires, Flam­ma­rion, octobre 2020, 208 p. – 19,00 €

Tag(s) : #Sociologie
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