Romain Migus fait le point sur la nouvelle situation en Bolivie, pays de contraste, avec la victoire populaire remportée sur l'impérialisme et les forces férocement réactionnaires de la bourgeoisie locale.
et ci-dessous
quelques éléments d'histoire de la Bolivie
Avant la colonisation européenne, le territoire bolivien appartenait à l'empire inca, qui était le plus grand État de l'Amérique précolombienne. L'Empire espagnol a conquis la région au XVIe siècle. Pendant la période coloniale espagnole, la région s'appelle « le Haut-Pérou » ou « Charcas ».
Après la déclaration d'indépendance en 1809, 16 années de guerre se déroulent avant la mise en place de la République, du nom de Simon Bolivar.
La population bolivienne est multi-ethnique avec des Amérindiens, des Métis, des Européens, des Asiatiques et des Africains. La langue principale est l'espagnol, bien que les langues aymara et quechua soient également fréquentes.
Les différents présidents qui se succèdent à partir de 1985 - dont l'ancien dictateur Banzer - suivront durant une quinzaine d'années une ligne de conduite conforme à l'orthodoxie des institutions financières internationales : lutte contre l'inflation, réduction du déficit budgétaire, réduction du périmètre du secteur nationalisé seront les contreparties d'un réaménagement de la dette du pays.
L'arrivée au pouvoir du vice-président Carlos Mesa ne stabilise pas une situation sociale explosive.
En juillet 2004, sous la pression du Mouvement vers le Socialisme (MAS) du syndicaliste paysan Evo Morales, il organise un « référendum du gaz » au cours duquel la population se prononce en majorité pour une nationalisation des hydrocarbures.
Devant l'opposition du Fonds Monétaire International(FMI), de la Banque mondiale et des multinationales, il déclare que cette loi est « impossible » à mettre en œuvre. Le 6 juin 2005, à la suite de nombreuses manifestations, Carlos Mesa démissionne, laissant sa place au chef du Tribunal suprême.
Cependant le retour au calme est fragile, les mouvements populaires, essentiellement indiens, continuant de réclamer (entre autres) la renationalisation des réserves de pétrole et de gaz du pays, exploitées par des firmes américaines ou européennes.
Evo Morales remporte l'élection présidentielle de 2005 avec 53,7 % des voix contre son concurrent l'ex-président de la Bolivie Jorge Quiroga.
Evo Morales devient alors le premier président bolivien d'origine amérindienne depuis le XIXè siècle.
Le 1er mai 2006, Evo Morales a annoncé par décret la nationalisation des hydrocarbures et la renégociation de tous les contrats des entreprises étrangères dans un délai de 180 jours. L'objectif est que 82 % des revenus des hydrocarbures soient réservés à l'État. La compagnie nationale Yacimientos Petrolíferos Fiscales Bolivianos (YPFB) devient ainsi la seule instance autorisée à commercialiser les hydrocarbures. Cette initiative affecte au premier chef la société brésilienne Petrobras.
Les revenus dégagés par ces nationalisations permettent de financer plusieurs mesures sociales : la Renta Dignidad (ou minimum vieillesse) pour les personnes âgées de plus de 60 ans, un bon assure la prise en charge complète des frais médicaux aux femmes enceintes et à leur enfant afin de combattre la mortalité infantile, une aide versée jusqu’à la fin du secondaire aux parents dont les enfants sont scolarisés afin de lutter contre la désertion scolaire, ou encore le Système unique de santé qui depuis 2018 offre à tous les Boliviens la gratuité des soins médicaux.
Les réformes adoptées ont fait du système économique bolivien le plus réussi et le plus stable de la région. Entre 2006 et 2019, le PIB est passé de 9 milliards à plus de 40 milliards de dollars, le salaire réel a augmenté, le PIB par habitant a triplé, lesréserves de change sont à la hausse, l'inflation a été pour l'essentiel éliminée, et l’extrême pauvretéa chuté, passant de 38 % à 15 %, ce qui constitue une baisse de 23 points.
Le 2 juillet 2006, se tiennent simultanément un référendum sur l'autonomie départementale et l'élection des représentants à une Assemblée constituante. La décentralisation était une des revendications essentielles des protestations exprimées en 2005 par les mouvements de la région de Santa Cruz. À l'inverse, les mouvements d'origine autochtone dénoncent cette volonté autonomiste, qui servirait selon eux la minorité oligarchique du pays.
Le MAS remporte 55 des 70 circonscriptions uninominales avec 50,7 % des suffrages exprimés au niveau national lors de l'élection de la Constituante. Si le « non », pour lequel le MAS s'était fortement mobilisé, l'emporte largement au niveau national lors du référendum pour l'autonomie départementale (57,6 % des voix), les résultats locaux trahissent la fracture territoriale est-ouest du pays. Les départements de Santa Cruz, Tarija et Pando se prononcèrent en effet largement pour l'autonomie avec respectivement 74 %, 61 % et 58 % des voix en faveur du « oui », départements où se situent les richesses minières et gazières à majorité blanche.
Réforme constitutionnelle
Les députés du MAS ont approuvé le texte de la Constituante le 9 décembre 2007 à Oruro, en présence de 164 des 255 constituants.
La nouvelle constitution fut adoptée par voie de référendum le 25 janvier 2009, à 58,7 %. Elle affiche dans son préambule les valeurs des peuples indigènes de Bolivie et remettait en cause « l'État colonial, républicain et néolibéral au profit d'un État unitaire social de droit plurinational communautaire »
. Les réformes économiques et constitutionnelles mises en œuvre par la majorité présidentielle rencontrent de vives résistances au sein des élites économiques créoles du croissant est du pays qui concentre les richesses gazières boliviennes.
Un référendum portant sur un statut d'autonomie régionale, et déclaré illégal par le pouvoir central, s'est tenu en mai 2008 dans le département de Santa Cruz. Le président Morales a décidé de remettre son mandat en jeu lors d'un référendum qui s'est tenu le 10 août 2008. Morales gagna ce référendum avec 67 % des voix.
Le coup d'état de 2019
En novembre 2019, une crise éclate dans le cadre d’une contestation des résultats officiels des élections générales d'octobre qui proclament la réélection d’Evo Morales, dont le parti était parvenu à revenir judiciairement sur le référendum de 2016 interdisant au chef de l’État de briguer un quatrième mandat.
Après la conclusion de l’enquête de l’Organisation des États américains faisant état de fraudes, Evo Morales annonce la tenue de nouvelles élections, mais l'armée l'appelle à démissionner. Il décide de quitter le pays, tout comme le vice-président, en dénonçant un coup d'État.
Jeanine Áñez, deuxième vice-présidente de la Chambre des sénateurs, devient présidente de la République, mais sa légitimité est naturellement contestée par le MAS. Des manifestations contre le nouveau régime, issu du coup d'état, éclatent dans les régions majoritairement indigènes et font des dizaines de morts.
Selon le New York Times du , une étude de trois chercheurs indépendants montre que l'enquête diligentée par l'OEA présente des problèmes méthodologiques.
On connaît l