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Mediapart

Le Parquet national financier a ouvert une enquête préliminaire au sujet d’un contrat de conseil à 3 millions d’euros passé par l’ancien président de la République avec une société d'assurances russe contrôlée par deux oligarques adeptes des paradis fiscaux, associés avec l’assureur français Axa.

Les conseils de Nicolas Sarkozy valent de l’or, et ce jusqu’en Russie. Selon nos informations, l’ancien président de la République, redevenu avocat après sa défaite à la présidentielle de 2012, a conclu en 2019 un contrat de conseil pluriannuel, dont le montant total s’élève à 3 millions d’euros, avec le groupe d’assurances russe Reso-Garantia, contrôlé par deux frères russo-arméniens, les milliardaires Sergey et Nikolay Sarkisov. 

Nicolas Sarkozy a reçu, début 2020, au titre de ce contrat, un paiement de 500 000 euros en provenance de Russie sur son compte à la banque Edmond de Rothschild. L’établissement n’a pas fait de déclaration de soupçon à Tracfin, le service de renseignement de Bercy. Contacté à ce sujet, Edmond de Rothschild a refusé de répondre.

Mais Tracfin a tout de même découvert l’existence de ce virement russe, et a effectué un signalement au Parquet national financier (PNF). Lequel a ouvert à l’été 2020 une enquête préliminaire pour « trafic d’influence » visant Nicolas Sarkozy. Les enquêteurs se sont récemment rendus au siège d’Edmond de Rothschild France, afin de s’y faire remettre des documents.

Contacté, le PNF s’est refusé à tout commentaire.

La justice cherche à vérifier si l’ancien chef de l’État a seulement agi comme consultant, ce qui serait parfaitement légal, ou s’il se serait adonné à des activités de lobbying potentiellement délictuelles pour le compte des oligarques russes.

Le family office des frères Sarkisov nous a répondu qu’ils sont « honorés de confirmer » que leur société d’assurances Reso-Garantia a embauché Nicolas Sarkozy en juillet 2019 en tant que « conseiller spécial » et « président du comité de conseil stratégique auprès du conseil d’administration ». Ils avaient, jusqu’ici, décidé de ne pas dévoiler publiquement cette information.

« M. Sarkozy est un excellent négociateur et un excellent avocat [...] Nous sommes très satisfaits des progrès qui ont été réalisés en matière commerciale lorsque M. Sarkozy a été impliqué [dans des dossiers] »,

ajoute de son côté le responsable de la communication de Reso-Garantia.

Nicolas Sarkozy n’a pas d’expérience connue dans l’univers de l’assurance. Reso Garantia a refusé de préciser pour quels projets il a sollicité l’ancien président, le montant de sa rémunération, et s’il a été embauché en tant qu’avocat. Nicolas Sarkozy n’a pas répondu de son côté (voir notre boîte noire).

S’ils insistent sur le rôle de Nicolas Sarkozy « hors de France », Sergey Sarkisov, 61 ans, et son frère Nikolay, 52 ans, qui font partie des hommes les plus riches de Russie – avec une fortune estimée à 1,7 milliard de dollars par le magazine Forbes – possèdent bien d’importants intérêts dans l’Hexagone : Axa est le second actionnaire de Reso, et Nikolay possède un énorme patrimoine immobilier de luxe en France. L’une de ces opérations immobilières à Courchevel a attiré l’attention de la justice en 2014. 

  • Un montage offshore pour les millions d’Axa

Les deux frères contrôlent aujourd’hui 58 % du capital de Reso, l’un des assureurs les plus importants du pays. L’entreprise a été fondée par l’aîné, Sergey Sarkisov, en 1991, après une première expérience dans l’assurance à l’époque soviétique. Le géant français des assurances Axa a acquis 36,7 % du capital du groupe en 2008 pour 810 millions d’euros.

Selon nos informations, les frères Sarkisov ont mis en place un tortueux montage offshore pour opérer cette cession. En juillet 2006, ils ont commencé par créer une société à Chypre, Stanpeak, elle-même contrôlée par une coquille offshore immatriculée aux îles Vierges britanniques, l’un des pires paradis fiscaux de la planète.

Stanpeak a ensuite créé une société au Luxembourg, RGI Holdings SARL, contrôlant une seconde société aux Pays-Bas, RGI Holdings BV, dans laquelle les deux frères ont logé leur participation dans Reso. Le tout grâce à un système complexe de certificats émis par une fondation néerlandaise... 

C’est de la coquille néerlandaise RGI Holdings que le groupe Axa est devenu actionnaire, moyennant 810 millions d’euros. Le montage visait-il à réduire la fiscalité des oligarques ? À opacifier les flux financiers ? Axa et les frères Sarkisov se sont refusés à tout commentaire au sujet de leur relation d’affaires.

L’assureur français s’est en tout cas montré très généreux envers les oligarques. En mars 2008, juste avant le bouclage de l’opération, Axa a accepté de prêter la bagatelle de 1 milliard de dollars à Stanpeak, la holding chypriote des frères Sarkisov (notre document ci-dessous). Les protagonistes refusent de s’expliquer sur ce prêt, qui a été remboursé en 2012.

 

 
© Document Mediapart
© Document Mediapart

 

Nicolas Sarkozy a été embauché comme conseiller par Reso en juillet 2019. Coïncidence : trois mois plus tard, les frères Sarkisov ont déverrouillé et simplifié la structure de détention de Reso ; la société néerlandaise disparaît alors, et Axa, qui ne détenait auparavant que des certificats, devient directement actionnaire de la holding luxembourgeoise RGI Holdings, qui contrôle désormais l’assureur russe.

L’ancien chef de l’État a-t-il été embauché par les frères Sarkisov pour faciliter les relations avec Axa ? Les protagonistes ont refusé de répondre à cette question. 

Nicolas Sarkozy est, en tout cas, proche du groupe français. Axa est un gros client du cabinet d’avocats Claude & Sarkozy (récemment rebaptisé Realyze) depuis plus de 25 ans.

Selon un document interne consulté par Mediapart, le cabinet a géré, entre 1994 et 2015, près de 800 dossiers pour Axa Banque, la division bancaire du groupe, principalement dans le domaine du recouvrement de créances. Ces affaires étaient gérées en direct par l’ancien associé de Nicolas Sarkozy et ex-patron du cabinet, Arnaud Claude, qui a pris sa retraite peu avant d’être condamné en octobre 2019 à trois ans de prison avec sursis pour avoir aidé Patrick Balkany à frauder le fisc.

Axa s’est refusé à tout commentaire. Nicolas Sarkozy n’a pas répondu.

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Tag(s) : #Politique et affairisme
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