L’ancien patron de la BCE, passé par Goldman Sachs, a été appelé à la rescousse pour tirer l’Italie de la crise. Mais cette crise est avant tout celle d’une classe politique désavouée et d’un modèle économique en faillite.
Le technocrate Mario Draghi n’est pas la solution, mais il faut pouvoir dépasser le faux clivage qui est imposé aux travailleurs et aux classes populaires, avec la thérapie ultralibérale de « Super Mario » d’un côté, et la droite réactionnaire de l’autre. (IGA)
Tout d’abord, soulignons que le spectacle indigne de cette crise gouvernementale n’est pas l’échec de l’ex-Premier ministre Conte ou de Matteo Renzi ou de toute autre personne. Il est l’expression la plus évidente de la crise de toute une classe politique indécente, tant nationale que locale. Une crise qui dure depuis des années.
En fait, nous sommes confrontés à une sorte de nouveau commissariat des puissances économiques et financières italiennes et européennes. La solution Draghi est la carte qui permet au pouvoir de gérer de manière autoritaire et en dehors de toute logique démocratique la phase délicate à travers laquelle se joue l’avenir de notre pays.
Du point de vue institutionnel, il est extrêmement grave que ce soit le président de la République lui-même qui demande la confiance d’un gouvernement nommé par lui, sans indication préalable d’une majorité parlementaire. C’était ainsi dans la monarchie de Savoie. Nous ne pouvons accepter que notre République en soit réduite à cela. Nous devons affirmer avec force que même un Parlement dominé par le transformisme a pleinement le droit de voter contre un gouvernement du Président.
La confiance est accordée par les Chambres, et non par la Bourse.
Tous les gouvernements sont politiques
Il est clair que la solution de Draghi était en cours d’élaboration depuis un certain temps, dans le sillage de la pandémie et de ses dramatiques effets sanitaires, économiques et sociaux. Le gouvernement Conte n’a pas su faire face à la crise la plus grave depuis l’après-guerre et les dernières bouffonneries de Renzi&Co n’ont fait qu’accélérer la conclusion technocratique.
On nous dit que ce sera un gouvernement « technique », « institutionnel »… et que ces termes seraient synonymes de compétence et de neutralité.
Servir les intérêts de ceux qui dirigent l’économie, et mettre en œuvre des politiques qui seront une fois de plus destructrices pour la majorité de la population italienne, est-ce cela la compétence?
Il en a été ainsi pour le gouvernement de Mario Monti, la dernière fois : la réforme des pensions de Fornero, l’abolition de l’article 18, l’UMI sur la première maison.
Draghi est tout sauf neutre. Il est l’homme des intérêts des grandes entreprises, des banques et de la finance italienne et européenne. Il est l’homme de la petite clique qui gouverne réellement le pays et veut gérer directement l’avalanche de milliards du Fonds de relance, réalisant probablement une nouvelle phase de privatisations et d’austérité au détriment des classes populaires.
Et maintenant ?
Maintenant Draghi est en train de chercher les votes au Parlement. Le Parti Démocratique, qui ne tarit pas d’éloges sur l’ancien président de la BCE, est prêt à le soutenir. Il en va de même pour Berlusconi et Forza Italia. Et le M5S – prêt à quitter la Lega Nord pour le Parti Démocratique dans un jeu d’alliances – a fait de son opposition aux techniciens un cheval de bataille, mais que va-t-il faire face à l’homme de Goldman Sachs ?
Face à une démocratie mutilée, dans laquelle les seules alternatives envisagées sont la technocratie libérale ou la droite réactionnaire et fasciste, nous ne devons pas hésiter.
Le gouvernement Draghi doit être remis en question sans tergiverser, tout comme le modèle économique et politique qu’il représente et les intérêts économiques qu’il incarne.
Aujourd’hui plus que jamais – face à une spirale de plus en plus négative des droits sociaux et des formes de participation démocratique – nous devons exiger que les besoins des travailleurs et de toutes les classes populaires soient remis au centre.
Le « moins pire » nous a déjà trop souvent trompés.
Il est nécessaire de construire une opposition et une alternative sociale et politique, pour la santé et les écoles publiques, pour un travail réel et non précaire, pour l’égalité sociale et l’environnement, pour faire payer aux riches les coûts de la crise, contre le pouvoir des banques et des patrons et le modèle libéral euro-atlantique tellement exalté aujourd’hui.
Ce n’est pas le moment d’envisager la transformation de notre démocratie en filiale d’une société par actions européennes. Ce n’est pas le moment de s’apitoyer sur son sort, c’est le moment de se battre.
Source originale: Contropiano
Traduit de l’italien par RM pour Investig’Action