Le parquet a requis 5000€ d’amendes dans le cadre des poursuites engagées pour avoir diffusé des photos d’exactions du groupe Etat islamique sur Twitter. Marine Le Pen a dénoncé auprès de la presse un « procès politique » contre son mouvement. Et elle avait entièrement raison.
Atlantico m’a demandé mon avis.
• Atlantico : Le parquet a requis 5000 euros d’amende requis contre Marine Le Pen et Gilbert Collard pour avoir diffusé des photos d’exactions de Daech. Leurs avocats dénoncent un procès politique, qu’en est-il vraiment ?
Régis de Castelnau : Ils ont entièrement raison. L’histoire de cette procédure est absolument invraisemblable et tout cela n’aurait jamais dû se terminer dans un prétoire. Rappelons ce qui s’est passé :
En décembre 2015, Jean-Jacques Bourdin interrogeant Gilles Kepel, avait trouvé astucieux d’établir un lien d’équivalence entre le FN et Daesh. Fous de rage devant l’insulte, Marine Le Pen et Gilbert Collard avaient surréagi et publié sur leur compte Twitter des photos d’atrocités de djihadistes accompagnées du commentaire « Daesh c’est ça ! », avant de les retirer. Tous ceux qui soutiennent pourtant les politiques qui font monter le RN, y virent une nouvelle aubaine judiciaire pour tenter de l’affaiblir.
Le parquet de Nanterre fut saisi de l’horrible crime, et demanda rapidement l’ouverture d’une information judiciaire pour délit « de diffusion de message violent susceptible d’être vu ou perçu par un mineur », prévu à l’article 227-24 du Code pénal.
Plein de zèle, le magistrat instructeur, alors que sa procédure n’en avait nul besoin, sollicita la mainlevée de l’immunité parlementaire de Gilbert Collard qui lui fut refusée par le bureau de l’Assemblée nationale à majorité socialiste au sein de laquelle subsistaient quelques lambeaux de décence républicaine.
Histoire d’être conséquent dans le combat judiciaire contre un fascisme imaginaire et d’apporter sa contribution à la stratégie du castor, les convocations de Marine Le Pen, dans une affaire qui ne présentait aucune urgence, furent évidemment envoyées pendant la campagne de l’élection présidentielle. La presse étant comme toujours informée avant les prévenus.
Le Parlement européen n’eut pas les pudeurs démocratiques de l’Assemblée nationale française d’avant le macronisme et accorda pour cette procédure la levée de l’immunité de la présidente du Rassemblement National.
Voilà pour les péripéties procédurales, mais qu’en était-il du fond au plan judiciaire ?
Il faut rappeler que les procédures utilisables pour la répression de l’article 227-24 du Code pénal que l’on souhaite appliquer à Marine Le Pen et Gilbert Collard, relèvent dans le Code de procédure pénale, du « titre XIX : De la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle et de la protection des mineurs victimes ».
Il faut lire attentivement dans l’article 706-47 du CPP la liste des infractions concernées par ce titre. C’est édifiant. Tout ce qui relève de la protection de l’enfance y est détaillé et l’on perçoit à quel point les auteurs de ces faits font partie d’une humanité particulière que la justice, à juste titre, entend, traiter de façon particulière. C’est la raison pour laquelle ont été prévues pour ces gens-là en plus de la peine, des obligations de soins.
Et naturellement, pour savoir à qui on a affaire « les personnes poursuivies pour l’une des infractions mentionnées à l’article 706-47 du présent Code doivent être soumises, avant tout jugement au fond, à une expertise médicale. L’expert est interrogé sur l’opportunité d’une injonction de soins ».
Tout ceci démontre l’absurdité de la qualification retenue par le parquet pour son réquisitoire introductif et appliquée par le juge d’instruction avant le renvoi en correctionnelle. Ne pas l’admettre relève tout simplement de la mauvaise foi.
Malheureusement, si Marine Le Pen et le Rassemblement National bénéficient de soins judiciaires particuliers, ils ne sont pas les seuls. Gare à ceux qui sont susceptibles de s’opposer au jeune Président.
• Atlantico : Les juges se basent sur des textes relatifs à la protection de l’enfance. Ils avaient sur ce fondement convoqué Marine Le Pen à un examen psychiatrique. Est-ce un abus de leur part ?
Régis de Castelnau ; Pour être clair, le texte répressif utilisé sont relatifs à la criminalité des détraqués, des pervers, des psychopathes et autres dérangés. L’avoir utilisé contre la patronne du premier parti de France constitue effectivement un abus qui ne grandit pas les magistrats qui se sont prêtés à cette comédie.
Le bon sens et l’honnêteté auraient exigé une ordonnance de non-lieu puisqu’en aucun cas Marine Le Pen et Gilbert Collard n’ont eu l’intention de commettre l’infraction de l’article 227-24 et scandaliser des enfants, et que par conséquent il n’y n’avait pas d’élément moral indispensable à la caractérisation de l’infraction. Ce ne fut pas le choix du juge d’instruction qui conserva cette qualification absurde, et fit convoquer Marine Le Pen chez un psychiatre assermenté afin que celui-ci se prononce, outre sur son état mental, mais aussi et surtout sur l’opportunité d’une injonction de soins. Parce que Marine Le Pen et Gilbert Collard pouvaient se faire enjoindre de suivre un traitement d’un traitement inhibiteur de libido !
Le ridicule politiquement très gênant saute aux yeux, mais il s’est trouvé un magistrat instructeur pour considérer tout cela comme parfaitement normal et faire diligence.
Il existe donc en Europe un pays, ou le premier parti d’opposition, a vu sa présidente convoquée pour subir une expertise psychiatrique judiciaire, voyait celle-ci renvoyée devant les tribunaux pour un prétexte grotesque.
Et ce pays n’est pas la Russie de Poutine, la Hongrie de Orban, la Pologne d’Andrzej Duda ou un autre où les lépreux votent mal.
À l’audience le parquet a quand même évité le ridicule de demander une peine d’inéligibilité. Espérons que le tribunal aura le même souci et se dispensera de prononcer également l’injonction de soins inhibiteurs de libido prévus dans les textes…
• Atlantico : Les anonymes qui diffusent ce genre de contenus sont-ils eux aussi poursuivis ? avec la même sévérité ?
Régis de Castelnau : En tout cas, pas de la même façon. Il existe des services spécialisés dans la protection de l’enfance et la répression des atteintes fait l’objet d’un traitement spécifique. Ce qui est tout à fait normal et en particulier il existe des textes relatifs au trafic d’images à caractère pédo-pornographique, mais aussi comme l’article utilisé comme Marine Le Pen et Gilbert Collard qui réprime le fait de montrer aux enfants des images susceptibles de les choquer. Et l’on voit très bien qui sont les personnes visées par ces textes. En aucun cas des dirigeants politiques, et leur utilisation en la circonstance caractérise parfaitement un dévoiement et l’utilisation de la justice pour des fins qui ne sont pas les siennes.