Comme deux larrons en foire...
À l’heure de la reprise, le président du Medef analyse les conséquences de la pandémie et positionne le patronat à un an de l’élection présidentielle.
Paris Match. Le redémarrage lié à l’amélioration de la situation sanitaire est-il durable ?
Geoffroy Roux de Bézieux. Il est très fort. Les terrasses, les salles de cinéma ont retrouvé leurs clients. Cela va se prolonger, les réservations pour l’été sont très bonnes. Cependant, soyons lucides, il reste des secteurs en difficulté, notamment ceux qui dépendent de la présence des touristes étrangers. La question de la durabilité de la reprise se pose aussi. D’un côté, il y a des signaux positifs, l’économie française était entrée dans cette crise inédite en bonne forme. Pour la première fois depuis des années, la prévision de croissance pour la France en 2020 faite avant la crise était supérieure à la prévision pour l’Allemagne. Les réformes fiscales et de droit du travail avaient renforcé la compétitivité des entreprises. Mais il y a quelques nuages à l’horizon.
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La seule réforme qui résout le problème démographique, c’est le relèvement de l’âge de départ à 64 ans
Le président de la République a réveillé le débat sur la réforme des retraites. Vous déclarez que c’était un débat pour la présidentielle. Vous avez pourtant toujours été favorable à un relèvement de l’âge de départ. Pourquoi ne pas le vouloir dès cette année ?
La seule réforme qui résout le problème démographique, c’est le relèvement de l’âge de départ à 64 ans et la mise en place d’un système automatique de révision de l’âge de départ en retraite en fonction de l’espérance de vie et du taux d’emploi. Si le président de la République se décidait à l’instaurer dès la rentrée, il ne pourrait mettre en place qu’une demi-réforme. Pas question non plus de fragiliser la relance actuelle. Le secteur des services ne se remettrait pas d’un nouvel automne de grèves, après les gilets jaunes et la pandémie. De manière unanime, le Medef considère qu’il faut faire cette réforme en septembre 2022, avec le capital politique de l’élection. Qu’on ne commette pas encore cette erreur de perdre deux ans à faire de fausses consultations inutiles comme ce fut le cas avec M. Delevoye.
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Emmanuel Macron a-t-il été le président réformateur que vous appeliez de vos vœux ?
Les deux premières années de réformes ont mis l’économie française en bonne position, elles ont amélioré l’attractivité de la France. La transition écologique est l’un des deux grands chantiers qui n’ont pas pu être menés à bien. Elle est abordée par le mauvais angle. La convention citoyenne a été une erreur, elle a débouché sur des propositions et un projet de loi de 230 articles. Ce patchwork est illisible. Son impact n’a jamais été calculé, je ne suis pas certain que ce soit la bonne manière d’accélérer la transition. Le seul vrai moyen, c’est un prix du carbone élevé qui donnerait un « signal prix » général à l’économie européenne et qui laisserait chacun des acteurs libre de trouver une solution.
Comment le Medef se positionne-t-il par rapport à l’extrême droite ?
Marine Le Pen sera interrogée comme les autres candidats sur la pertinence de son programme économique dont on ne sait pas grand-chose. Je ne vous livre pas un scoop en disant que nous avons de grandes réserves sur l’une de ses rares mesures connues aujourd’hui, celle de la retraite à 60 ans et de ses 40 annuités.
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Redoutez-vous l’élection de Marine Le Pen en 2022 ?
Son élection serait assurément un choc et aurait certainement un impact très fort sur la place de la France dans la scène internationale.