Par Dr. ONANA NTSA Fabrice
Le communisme dans l’histoire s’est présenté comme l’alternative au modèle capitaliste, qui aspire à l’édification d’une société dans laquelle l’égalité servirait de fondement. Ses penseurs voyaient dans le régime de la propriété, notamment dans l’appropriation des richesses, le ferment de la constitution de sociétés inégalitaires qui prive le non possédant de son droit au bonheur.
Mais alors, loin d’attendre que le capitalisme se détruise lui-même, comme le prédit Marx, la lutte des classes, par le biais de la révolution, est un moyen d’anticiper cette finalité historique et d’instaurer une société communiste. Cette lutte revient aux partis politiques qui naitront çà et là à travers le monde. L’un de ces appareils politiques est le Parti Communiste Chinois qui a célébré son centenaire le 23 juillet 2021.
La naissance du Parti Communiste Chinois est une expression du nationalisme chinois exacerbée par l’inconfort interne et externe que vit la Chine au début du XIXème siècle.
Exit les traités inégaux, le mouvement de la nouvelle culture, le mouvement du 4 mai et l’antériorité de l’idéal anarchiste en Chine permettent de mieux saisir le contexte qui conduit à la formation du PCC.
Le mouvement pour la nouvelle culture de 1915 : expression d’un peuple apeuré et aberré
Face aux agressions subies par la Chine de la part les puissances étrangères et principalement par le Japon, un groupe de lettrés chinois se donne pour mission de passer en revue les anciennes valeurs et institutions confucéennes, afin de rejeter tout ce qui avait pu contribuer au retard de la Chine.
Comme les européens pendant la renaissance, ces chinois étaient convaincus qu’un retour dans le passé leur fournirait les éléments d’une nouvelle culture, leur donnerait les clés pour résoudre les maux qu’ils vivaient. Ce mouvement fut conduit par des noms qu’on retrouvera à la création du PCC tels que Chen Duxiu et Cai Yuanpei. Le mouvement de la nouvelle culture se développa jusqu’en 1920 et est parfois confondu au mouvement du 4 mai 1919.
Le mouvement du 4 mai ou le rejet d’un ordre avilissant

Manifestations lors du Mouvement 4 mai 1919 (source : CIIC)
Sorti meurtri par les dégâts de la Première Guerre Mondiale, le monde est tourné vers Versailles où une conférence est sensée sanctionner les responsables du conflit et tenter de réparer les divers torts. En ce qui concerne la Chine, rappelons que, pendant que l’Europe entre dans la Première Guerre mondiale, le Japon occupe les territoires chinois de Qingdao et du Shandong.
Le 18 Juin 1915, il soumet un catalogue de 21 demandes au gouvernement chinois. Lesquelles étaient de nature à transformer la Chine en colonie japonaise. C’est ainsi que, nourrissant l’espoir que cette Guerre permettra de résoudre certains problèmes, la Chine entre en Guerre le 14 août 1917 aux cotés des forces de l’entente.
Ayant été du groupe des vainqueurs, la délégation chinoise qui se rend à Versailles pose tous les espoirs sur ladite conférence pour résoudre le problème du Shandong en espérant tirer profit des quatorze points de Wilson pour écarter le Japon de leur territoire. Cependant, la délégation que conduit Gu Weijin, ministre des Affaires étrangères, est profondément déçue. Versailles ne leur apporta rien.
Le 4 Mai 1919 en Chine, le peuple chinois manifeste son mécontentement.
3000 étudiants de Beida manifestent massivement place Tiananmen avec une violence orientée surtout vers les marques de la présence japonaise. Des centaines de publications vont fleurir, et si le changement social en sera le thème central, c’est en termes anarchistes qu’il s’exprimera la plupart du temps. Les œuvres de Bakounine, Emma Goldman, Elisée Reclus, Tolstoï, Malatesta sont traduites et publiées à des milliers d’exemplaires.
Ce mouvement du 4 mai était dirigé par des intellectuels qui mettaient au service de la cause non seulement de nouvelles idées sur la science, mais aussi un patriotisme qui n’avait d’égale que l’humiliation subie alors par l’Empire du Milieu.
Le mouvement confirmait un malaise profond d’une classe de chinois qui décida alors d’aller à la quête d’un nouveau pouvoir politique.
Les intellectuels et partisans du mouvement du 4 Mai se divisèrent en réalité en deux tendances : d’un coté, les universitaires comme Hu Shi et Fu Sinian qui, en tant que lettrés, se concentraient sur le renouveau moderne et sur la réévaluation de l’histoire et de la culture de la Chine. De l’autre, des militants politiques comme Chen Duxiu et Zhang Guotao rejoignirent la mouvance communiste chinoise, assistée par l’URSS et influencée par les idéaux anarchistes.
L’antériorité des idéaux anarchistes en Chine : vivier des communistes chinois
L’anarchisme est souvent défini comme une philosophie politique opposée à l’organisation de la société sous la forme d’un Etat. Il s’oppose radicalement à toute forme d’autorité ou de hiérarchie dans l’ensemble des organisations sociales.
Philosophiquement, l’anarchisme puise aux mêmes sources que le marxisme, à savoir l’hégélianisme en tant que lutte de l’Homme contre toute forme d’aliénation (religion, églises, État, etc.). Pour les anarchistes donc, la liberté de l’individu ne doit être entravée par aucune forme de répression ou de contrôle extérieur.
La naissance du PCC n’a pas été étrangère aux idéaux anarchistes déjà enracinés en Chine. Pour des intellectuels comme Arif Dirlik, il est établi que le PCC a une dette idéologique envers l’anarchisme. En effet, au début des années 1900, sous l’influence des groupes de Paris et de Tokyo, on assiste à l’émergence et la prospérité du courant anarchiste en Chine. Cet anarchisme a été le vivier pour ces chinois qui lancèrent le Parti Communiste Chinois en juillet 1923.
Ainsi, sous le leadership de Chen Duxiu et de Li Dazhao, acteurs de premier plan du mouvement pour la nouvelle culture et du mouvement du 4 Mai, et grâce à l’apport des agents Voitinski et Sneevliet dit ‘’Maring’’ du Kominterm, un noyau concret du Parti Communiste Chinois germe à l’automne 1920.
C’est finalement le 23 juillet 1921 au sein de la concession française de Shanghai que nait officiellement le PCC à l’insu des autorités françaises, en présence de 13 délégués venus de six provinces et municipalités et représentant un effectifs total de 57 adhérents.
LA CHEVILLE OUVRIÈRE DE L’ESSOR DE LA RPC
Le Parti Communiste Chinois est la clé de voute du système politique chinois. On pourrait même dire qu’il est le système politique de l’Empire du Milieu. Son rôle prépondérant dans le pays est reconnu à la fois dans la constitution de l’État et dans ses propres statuts. Après le Bharatiya Janata Party (BJP) en Inde, le PCC est le deuxième plus grand parti politique au monde avec plus de 91 millions d’adhérents.