Un ouvrage retraçant le parcours de Vasil Porik, figure emblématique de la Résistance soviétique en France, a été édité par la Ville de Grenay (Pas-de-Calais) où il a vécu dans la clandestinité au printemps 1944.
Depuis l‘an dernier, un jardin éducatif porte le nom de Vasil Porik à Grenay, une ancienne ville minière du nord de la France. Fils de paysans ukrainiens, lieutenant de l’Armée rouge, Vasil Porik faisait partie de ces milliers de ressortissants soviétiques transférés par le IIIe Reich dans le Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais afin de relancer la production charbonnière durant la Seconde Guerre mondiale. Détenu vraisemblablement dès février 1943 dans un camp de travail à Beaumont-en-Artois (aujourd’hui Hénin-Beaumont), il s’en échappe, avec l’aide d’un groupe de Francs-tireurs et partisans (FTP) dirigé par Victor Tourtois. Il s’attaque alors à l’occupant allemand, les armes à la main. Sous le commandement du secteur de la Main-d’œuvre immigrée (MOI) des FTP, Vasil Porik prend la tête d’un bataillon de partisans soviétiques baptisé Staline. Ce groupe aurait tué « près de 400 soldats allemands, détruit 19 trains de marchandises militaires, 11 locomotives, 10 camions avec munitions, et fait exploser deux ponts importants », selon un rapport du Comité central des prisonniers soviétiques en France, dont il est l’un des dirigeants. Sa tête mise à prix, il se réfugie de maison en maison dans le « maquis des corons ». Au printemps 1944, Vasil Porik est ainsi hébergé à la cité 5 de Grenay par Jeanne et René Camus, des résistants communistes. Tombé dans un guet-apens quelques semaines plus tard, il est arrêté puis fusillé à la citadelle d’Arras, le 22 juillet 1944.
« De la réalité de l’internationale communiste »
Pour Christian Champiré, le maire (PCF) de Grenay, Vasil Porik « est à la fois le symbole de l’idéal communiste, de la réalité de l’Internationale communiste, de la lutte acharnée contre le nazisme et du prix payé par la résistance communiste en France ». Aussi l’idée s’est-elle rapidement imposée de mettre son itinéraire en lumière. La tâche de concevoir un ouvrage en ce sens a été confiée à Jacques Kmieciak, journaliste et auteur de nombreux articles sur les liens entretenus entre la communauté polonaise du Nord-Pas-de-Calais et ces déportés de l’Est.
Des zones d’ombre
Pour Jacques Kmieciak, il s’est agi « de figer de façon synthétique nos connaissances en langue française sur Vasil Porik. Nous nous sommes notamment appuyés sur des documents entreposés aux Archives départementales du Pas-de-Calais, mais aussi des témoignages reproduits dans la presse progressiste régionale en février 1968 lorsqu’un mémorial fut érigé en sa mémoire par l’URSS au cimetière d’Hénin-Liétard où il repose depuis la Libération avec son compagnon d’armes Vasil Kolesnik ». De nombreuses zones d’ombre subsistent néanmoins. « Avait-il un statut de civil comme « requis ukrainien » (Ostarbeiter) ou de prisonnier de guerre en sa qualité de lieutenant de l’Armée rouge défait à la fameuse bataille de la poche d’Ouman en juillet 1941 ? » s’interroge notamment Jacques Kmieciak qui rappelle que l’URSS l’a élevé au rang de « Héros » en 1964 et qu’un musée lui est dédié dans son village natal de la région de Vinnytsia en Ukraine.
Un don aux lycées et collèges du département
« A l’heure où certains trouvaient leur intérêt dans l’Occupation, le « lieutenant V » comme était surnommé Vasil, n’a pas hésité à sacrifier sa vie pour son idéal et la libération d’un pays qui n’était pas le sien », fait remarquer Grégory Picart du Cercle historique grenaysien, qui a contribué à la rédaction de cet ouvrage.
Pour Christian Champiré, Vasil Porik incarne en effet « l’engagement des étrangers contre le nazisme » alors que tant d’autochtones avaient fait le choix de la collaboration, à commencer par les actionnaires des compagnies minières, les figures locales du syndicalisme réformiste, les dignitaires de l’Eglise catholique à l’instar de l’évêque d’Arras, ou les représentants des institutions policières ou judiciaires… « Trois quarts de siècle plus tard, puisse l’exemple de ce modèle d’abnégation, de courage et de détermination, inspirer d’autres générations de combattants », lance Jacques Kmieciak. Afin de permettre aux plus jeunes de s’imprégner de son parcours, la Ville a offert cet ouvrage aux collèges et lycées du département.
Jacques Kmieciak
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- Vasil Porik un guérillero soviétique au cœur du « Pays noir », de Jacques Kmieciak avec Grégory Picart, édité par la ville de Grenay, avec le soutien de Geai Bleu Editions. Pour se le procurer, se rapprocher du Cercle historique de Grenay au 06 74 53 80 75.
Une dizaine de camps dans le Nord-Pas-de-Calais
Soucieux de relancer la production charbonnière, l’occupant allemand fait appel à des requis ukrainiens et des prisonniers de guerre soviétiques et serbes à partir de l’été 1942. De Marles-les-Mines à la frontière belge, ils seront hébergés dans une dizaine de camps bâtis par des Houillères volontiers collaborationnistes. Si les civils sont surveillés par des gardes wallons, membres du mouvement collaborationniste belge Rex, les prisonniers de guerre le sont par des soldats de la Wehmacht.
Bien que traités en esclaves et soumis à d’éprouvantes conditions de travail, les civils ukrainiens, parfois très jeunes (14 ans), bénéficiaient d’une certaine liberté (autorisations de sorties en groupes le soir et le dimanche ou de recevoir du courrier deux fois par mois, séances de cinéma). Leurs compagnons d’infortune, soviétiques ou serbes, étaient eux soumis à l’impitoyable régime des stalags.
L’historien Etienne Dejonghe estime qu’ils « représentaient, début 1943, un effectif de 7 300 hommes utilisés dans une cinquantaine de sièges ». Une minorité put être affectée aux chantiers de l’organisation Todt. Ces travailleurs allaient faire l’objet de toute l’attention de la Résistance communiste qui favorisa leur évasion. L’URSS assura le rapatriement de ses ressortissants à la Libération.