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Perú Libre et Pedro Castillo ont proposé un programme réformiste mais plus radical que les autres partis de gauche. Ceux-ci étaient regroupés dans la coalition Juntos por el Perú dirigée par Veronika Mendoza, qui comprenait également le Parti communiste du Pérou – Patria Roja (maoïste) et le Parti communiste péruvien. Castillo s'est imposé à gauche et a finalement gagné les élections – bénéficiant du soutien des partis communistes et de la coalition de Mendoza – battant la candidate arrivée en deuxième position, Keiko Fujimori, cheffe de file le droite fascisante très liée à l'Exécutif étasunien. 

L'anti-communisme hystérique de la droite tient à l'histoire du pays Une propagande antimarxiste désigne comme terroriste quiconque se réfère à la gauche, même si celle-ci dispose d’un soutien de masse à travers la confédération syndicale CGTP. Le Pérou a été le théâtre de tentatives de renversement de l’État bourgeois par la lutte armée. Diverses organisations de guérilla se sont succédées, les deux plus importantes étaient le Sendero Luminoso (Sentier Lumineux) d’inspiration maoïste ( issu d'une scission du Parti communiste du Pérou – Patria Roja) et le Movimiento Revolucionario Tupac Amaru (MRTA), d’orientation anticapitaliste et de gauche radicale, se réclamant du marxisme-léninisme.

Les pratiques du SL l’ont éloigné de sa base populaire et paysanne et, avec le régime terroriste et génocidaire du dictateur Alberto Fujimori à la tête du Pérou, le SL a été marginalisé avec la capture d' Abimael Guzmán au début des années 1990. Le MRTA a aussi été décimé par une répression sauvage.

Le parti Perú Libre n’a pas participé aux expériences électorales, se plaçant en dehors des schémas de la gauche traditionnelle à Lima et dans les villes côtières, s’enracinant dans les zones rurales, indigènes et pauvres des Andes. Aux dernières élections générales de 2020, où il s'était finalement présenté, il avait obtenu 3,4% des voix...

Au Pérou, les ressources naturelles sont extrêmement abondantes. Il existe une grande quantité de pétrole, de gaz naturel, de cuivre, de fer, d’argent, d’or, de plomb, de zinc et d’autres métaux. Cependant, ces ressources ne sont exploitées que par des multinationales qui gardent pour elles-mêmes une moyenne de 70% des bénéfices. Le système de santé est très similaire à celui des États-Unis : il existe un oligopole de huit entreprises privées qui contrôlent la grille tarifaire. 75 % des médecins spécialisés sont concentrés dans la capitale. Le Pérou est également le pays au monde qui compte le plus de décès dus au Covid-19 en pourcentage de la population, avec de très graves pénuries d’oxygène et de lits. Deux villes ont demandé l’aide de Cuba afin de mieux gérer l’urgence de la pandémie. On compte près de trois millions d’analphabètes et 1,5 million d’enfants travailleurs, deux des pires chiffres d’Amérique du Sud. Les routes sont aux mains d’étrangers privés et les chemins de fer sont presque totalement absents. Le salaire minimum est de 920 Soles, soit 198€, insuffisant pour une vie digne et jamais respecté. Les huit heures de travail n’existent que sur le papier, de même que les règles de sécurité au travail. La corruption, la criminalité et la prostitution ont des taux très élevés. Le Pérou est le deuxième plus grand producteur de cocaïne au monde. En dépit du fait que le pays souffre d’une grave malnutrition, dans le secteur primaire les investissements ne sont réalisés que dans les cultures d’exportation telles que les avocats, les bananes, le café et le coton.

Face à cette situation chaotique le programme politique de Perú Libre a repris plus que d’autres les revendications populaires en l’encadrant dans une perspective social-démocrate rénovée. Malgré ce programme les médias amalgament Castillo, le "professeur communiste" au terrorisme et au communisme. Les médias étant aux mains de l'oligarchie capitaliste: une entreprise de l’importante famille d’affaires Mirò Quesada détient à lui seul 60% des médias et possède 80% des journaux...

Le programme de Perú Libre théorise la dite "économie populaire avec marché": un compromis avec le capital péruvien. Prévue aussi la réforme agraire pour pouvoir répondre aux besoins alimentaires du pays. Comme  au Chili  l’élection d’une Assemblée Constituante est prévue par Castillo pour remplacer la Constitution fujimoriste en place depuis 1993 qui a gravé dans le marbre le néolibéralisme ( libre marché, la privatisation....)

Sur le plan social Pedro Castillo, s'est prononcé contre les programmes sur l'égalité des sexes et des genres dans l'éducation, ainsi que contre l'IVG, le mariage homosexuel, l'euthanasie et l'immigration clandestine. Il est favorable à la peine de mort (abolie au Pérou en 1979) et à la militarisation de la jeunesse. Un tantinet réac pour un candidat Mariateguiste *...Le parti (PL) défend en revanche la dépénalisation de l'avortement.

Enfin Castillo prévoit la renégociation des traités avec les multinationales afin d’inverser la répartition des quotas : 80% pour le Pérou et 20% pour les entreprises. Si les nouvelles conditions n’étaient pas acceptées, la nationalisation aurait lieu, après indemnisation du secteur privé à hauteur du montant investi. Grâce aux nouveaux revenus obtenus il s’agirait de procéder à une politique de redistribution pour financer les programmes sociaux.

Le réformisme progressiste de Castillo se trouve confronté à une droite qui ne veut pas entendre parler de compromis et d'un autre côté à des attentes populaires immenses. Le "socialisme du XXIe siècle" tant décrié par la KKE (PC de Grèce) est en effet traversé par des contradictions. Reste que la classe ouvrière, les paysans, les indigènes et les masses populaires ont vu leur sort grandement amélioré (certes loin des références des pays capitalistes avancés).

Rompre avec l'impérialisme étasunien dominant afin de rechercher d’autres marchés, en nouant des alliances avec les puissances capitalistes émergentes et en favorisant la pénétration des capitaux européens, russes, chinois, etc. dans le cadre de la concurrence impérialiste n'est pas exactement une politique révolutionnaire...

Mais comment faire abstraction des rapports de forces internationaux et nationaux ? Les donneurs de leçon du haut de leur oeuvre révolutionnaire future devraient garder leurs leçons pour chez eux et nous expliquer comment ils comptent mettre en place la Dictature du prolétariat, le pouvoir ouvrier et la propriété collective des moyens de production samedi prochain à 15h45. Si le nombre est l'arme principale de la gauche de transformation on peut ni on ne doit oublier que les Péruviens ont voté à 50% pour la gauche et 50% pour la droite extrême. A bien intégrer avant vaines rodomontades.

 

Antoine Manessis.

Tag(s) : #Pérou
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