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Fabien Roussel 2022, le Défi des jours heureux

 

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Fabien Roussel :
pourquoi le candidat communiste
plaît-il à la droite ?
 
 
S’il reste très bas dans les sondages, le candidat désigné du PCF à la présidentielle a décidé d’engager le débat sur tous les sujets, notamment celui de la sécurité, pour reconquérir l’électorat populaire. De quoi recevoir des applaudissements à droite et faire grincer des dents dans son camp.
 
Le vintage est à la mode. On pensait que les communistes appartenaient définitivement au passé ; qu’ils ressasseraient leur histoire jusqu’à l’infini. Nous avions emprunté une fausse route. Les rouges sont de retour. Ils font causer. Fabien Roussel, secrétaire national depuis 2018, squatte toutes les télés et les ondes. Un bon client, comme on dit dans le jargon. Le candidat communiste à la présidentielle se balade également dans le pays. Un style direct. Pas le genre à prendre des raccourcis. Il évite les mots qui plombent. Le député du Nord donne le sentiment d’être accoudé au bar du coin. Une manière de se faire comprendre par le plus grand nombre.
 
 Le communiste est certes toujours au ras du sol dans les sondages, mais il rencontre un certain (petit) succès d’estime. Les compliments ne viennent pas toujours de son camp, loin de-là. Il suffit de tendre un peu l’oreille pour capter des mots doux qui proviennent de l’autre côté de la barricade. Les marcheurs et la droite le trouvent intéressant ; l’animatrice d’Europe 1, Sonia Mabrouk, le salue en privé ; le philosophe Alain Finkielkraut en pense du bien publiquement. Fabien Roussel a même eu le droit à un joli papier dans les pages du canard réactionnaire Valeurs actuelles. Une sorte de baiser de la mort. Des louanges étonnantes. La question : pourquoi cette soudaine passion ?
 
Le directeur de campagne, Ian Brossat, tente de replacer les choses dans l’ordre. L’adjoint d’Anne Hidalgo à la mairie de Paris commence par le début : «C’est vrai que les retours sont positifs. Certains jeunes électeurs rencontrent pour la première fois un candidat communiste car les deux fois d’avant nous avions soutenu Jean-Luc Mélenchon. Et d’autres, plus vieux, nous redécouvrent. Fabien nous a réinstallés dans le paysage politique. Après nous sommes lucides, le plus gros reste à faire.» L’élu de la capitale ne s’attarde pas sur les louanges des adversaires.
 
Une sorte de retour aux fondamentaux. Mais la stratégie Roussel crée (parfois) le débat en interne. Personne ne conteste le désir de récupérer le vote des ouvriers et des classes populaires. Les tensions sont ailleurs. Le candidat rouge a fait grincer quelques dents lorsqu’il a participé, en mai dernier, au rassemblement des policiers devant l’Assemblée nationale. Un élu communiste dit à voix basse : «Il a raison de ne pas se cacher et de mettre en avant nos propositions sur la sécurité mais attention de ne pas trop en faire. Sa participation à la manifestation était une faute.»
 
Ce n’est pas tout. Une autre de ses sorties a crispé les rouges. C’était en juin sur le plateau de CNews. Le sujet tourne autour des demandeurs d’asile qui n’ont pas obtenu le statut de réfugié. Fabien Roussel lâche : «S’ils n’ont pas vocation à rester sur le sol français, ils ont vocation à repartir et être raccompagnés chez eux […] Je dis effectivement que quand on ne bénéficie pas du droit d’asile, on a vocation à rentrer chez soi.» Une majorité de communistes avalent de travers. 
 Les propos sur CNews ont été salués par la droite et son extrême. Mais Fabien Roussel a rétropédalé à grande vitesse. Aujourd’hui, il vante le droit d’asile à l’envi. Son entourage ne panique pas. Un de ses copains dit tranquillement : «Il a commis une petite boulette, ça arrive. Elle a été très rapidement réparée. Mais certains à gauche passent leur temps à faire la leçon et la morale, ils tronquent des citations pour nous mettre dans le camp des mauvais. C’est franchement ridicule. Et, c’est bien beau les beaux discours mais il suffit de faire un tour dans les quartiers populaires pour interroger les habitants, vous verrez si la sécurité ce n’est pas un sujet. Il ne faut pas le laisser à la droite, et proposer nos solutions.»
 
Une autre réalité : Fabien Roussel se tient à l’écart de la nouvelle génération qui entre dans la lutte avec un combat précis. Le candidat au poste suprême ne se revendique pas de la génération «Greta» ou «Adama». Le communiste confiait un midi : «Je combats les racistes, les violences faites aux femmes, les discriminés, tous les discriminés mais je dis juste qu’il faut se rassembler, qu’il faut mélanger les luttes.» Fabien Roussel est-il un intersectionnel sans le savoir ? Le communiste préfère le mot «universaliste». Pas le genre à employer des mots récents. On ne l’entendra jamais prononcer des expressions type «woke» – à part pour faire une blague (un art qu’il maîtrise un peu et qui le fait parfois déraper).
 
Ian Brossat, le directeur de campagne, ne s’enflamme pas. Il parle de «vigilance». Logique : il a encore en mémoire les dernières élections européennes, en 2019. C’est lui qui avait mené la liste des communistes. Une campagne canon. Des meetings blindés, une presse bienveillante et une envie folle de créer la surprise. On était nous-même tombé dans la belle histoire. On se souvient de sa grande réunion publique, à Paris, en hiver. La hype était en feu devant 2 000 âmes survoltées. On avait fait cette comparaison folle qui mêle le foot à la politique : Ian Brossat, le Benjamin Pavard (champion du monde de foot) de la compétition. Le gars que personne n’attendait à ce niveau et qui s’impose au fil des jours. Résultat des urnes : 2,49 %. Un flop. 
 
«On a besoin de personne pour porter nos idées et notre vision», souriait Fabien Roussel – qui venait tout juste d’être élu secrétaire national du PCF sur une promesse, celle de représenter un candidat à la présidentielle. Les mois ont défilé. Le député du Nord est candidat à l’Elysée. La semaine passée, un dirigeant de la Place du Colonel Fabien expliquait : «Qu’est-ce qu’on risque avec cette présidentielle ? On revient dans le débat avec nos propositions et notre histoire.» La même tête ne saute pas au plafond lorsqu’elle entend les mots doux de la droite et de la macronie à l’endroit de Fabien Roussel. Il rappelle une évidence : les électeurs de droite votent à droite. Une façon de dire aux rouges qu’il ne faut pas se disperser. «On ne peut pas se réjouir parce que les réactionnaires ne nous classent pas dans le fameux clan des islamo-gauchistes. Notre priorité doit rester les ouvriers et les abstentionnistes», dit-il.
«Ça nous ferait marrer»
 
On ne va pas se mentir. Les droites (et le Parti socialiste) applaudissent aussi le député du Nord parce qu’il enquiquine Jean-Luc Mélenchon. Les communistes ont officiellement rompu avec les insoumis. Chacun sa route, chacun son chemin. Adrien Quatennens (autre élu du Nord) entretient un mince espoir de les retrouver : «Aujourd’hui nous ne sommes pas ensemble mais dans les prochains, si nous sommes en bonne position, je reste persuadé qu’il fera le bon choix.» 
 
Les insoumis laissent toujours la porte ouverte, au cas où. Résultat : ils ne disent pas du mal publiquement des communistes pour ne pas élargir la fracture. En privé, c’est un chouïa différent. Un député de région parisienne : «Ça vous étonne que la droite l’apprécie ? Pas moi. Un élu qui ne marche pas contre les violences policières mais qui marche avec des policiers factieux ça a toujours son effet.» Les communistes ne se planquent pas. Ils répondent ; ils mettent également des coups de pied sous la table. Un exemple ? Vendredi, Jean-Luc Mélenchon s’est retrouvé une nouvelle fois au cœur d’une polémique. L’insoumis a expliqué que l’éditorialiste pas encore officiellement candidat à la présidentielle, Eric Zemmour, n’est pas antisémite car «il reproduit beaucoup de scénarios culturels» conservateurs liés au judaïsme.
 
Fabien Roussel a condamné les propos sans nommer l’auteur. Ça donne : «Stop à la banalisation des Zemmour et consorts qui défendent des thèses racistes et antisémites, qui réhabilitent Pétain, Papon, qui portent un projet de société qui exclut en fonction de ses origines, de sa religion, de son sexe !»
 
Un macroniste de la première heure nous a écrit un soir pour confier un sentiment : de nombreux marcheurs aimeraient bien voir le communiste (il en est encore très loin aujourd’hui) doubler Jean-Luc Mélenchon dans les prochaines semaines. «Ça nous ferait marrer», a-t-il écrit. Chez une certaine droite, on appelle ça «le grand remplacement»
Tag(s) : #Fabien Rousel, #Opinion
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