La "libre circulation des capitaux" c'est la loi européenne...
Et pourquoi pas interdire les transferts de capitaux au-delà de nos frontières, pendant que vous y êtes ?
Par David Desgouilles
Avec sa proposition de bloquer les transferts privés de fonds vers les pays peu coopératifs en matière de reprise de leurs ressortissants, on ne saurait trop remercier Arnaud Montebourg d’avoir fait tomber les masques des anticapitalistes de carnaval.
Arnaud Montebourg est un homme dont les paroles ont parfois des conséquences. Fin août 2014, il avait ainsi donné un coup d’accélérateur à la carrière d’Emmanuel Macron en évoquant la « cuvée du redressement » précipitant sa propre chute et ouvrant une voie royale à son successeur à Bercy. Hier dimanche, au Grand Jury RTL, avec sa proposition de bloquer les transferts privés de fonds vers les pays peu coopératifs en matière de reprise de leurs ressortissants immigrés clandestins, le candidat de la Remontada a provoqué un concert de sifflets, de lazzis et d’insultes qui rappelaient quelque peu ceux dont Jean-Pierre Chevènement avait fait l’objet quand il avait évoqué les « sauvageons ».
Il est possible que la mesure proposée par Montebourg soit contournable et au final pas si efficace qu’il ne le dit. On peut débattre de cette question sereinement avec lui, mais il n’a pas été question de cela hier. Ce qui frappe, et ce qui m’a plongé dans un état combinant consternation et hilarité, c’est de voir de qui venaient les reproches et sur quelles bases. Qu’a-t-on entendu, en effet ? Voyons le premier type de reproche. On pourrait le résumer par : « Il n’a pas le droit, c’est de l’argent privé. Ils [les étrangers vivant en France]en font ce qu’ils en veulent ». Ce qui est reproché à Montebourg, donc c’est de rétablir la frontière financière entre la France et certains pays. Qui donc s’alarme qu’on enfreigne la sacro-sainte liberté de circulation des capitaux ? Le grand patronat ? La Commission européenne ? Le ministère des Finances ? Alain Madelin ? Éric Woerth ? Perdu ! Non, c’est la gauche et une bonne partie de ce qu’on fait de plus à gauche dans ce pays.
Voir tous ces gens, parfois soutiens de Jadot, d’Hidalgo et de Mélenchon, tout ce qui porte l’anticapitalisme en bandoulière, reprendre à leur compte, sans évidemment se rendre compte de leurs contradictions, le discours sur la dérégulation totale des flux financiers, c’est à se rouler par terre de rire. Que diront-ils désormais sur l’optimisation voire l’évasion fiscale ? « C’est de l’argent privé ! Ils en font ce qu’ils en veulent ! Point de frontière qui tienne ! ». Tordant, je vous dis ! Le pire, c’est qu’il ne s’agit que d’un rétablissement ciblé et limité dans le temps de la frontière financière, juste dans le cadre d’un bras de fer avec des gouvernements récalcitrants. Montebourg part du principe que les seuls bras de fer qu’on ne gagne pas, ce sont ceux qu’on ne tente pas, et on ne peut pas sérieusement lui donner tort.
LES MASQUES TOMBENT
Le second type de critique a trait à l’injustice de la mesure. Cette forme de sanction internationale aurait des implications sur des gens qui ne sont pas responsables de la situation, les étrangers qui envoient de l’argent depuis la France, et les étrangers qui les reçoivent et qui en ont effectivement besoin. Et là encore, les bras nous en tombent. Qui sont les plus propices depuis des années à réclamer des sanctions internationales, à brandir des boycotts de toutes natures, pour « faire pression » ? Quand on mettait en place un embargo sur l’Irak, cela n’a-t-il pas des conséquences énormes sur la malnutrition dans ce pays ?
Quand on sanctionne la Russie après le référendum en Crimée, cela n’a-t-il pas des conséquences sur une partie du peuple russe, et par cascade, sur les agriculteurs français ? Quand des militants pro-palestiniens militent pour le boycott de tous les produits venant d’Israël, cela n’a-t-il pas pour conséquence de peser sur certains citoyens israéliens ne votant pas tous pour le Likoud ? Le principe d’une sanction internationale est effectivement de faire pression sur un gouvernement via les habitants dudit pays. L’ensemble de la gauche française, très friande de ce genre de sanctions, s’en accommode fort bien depuis des décennies.
On ne saurait trop remercier Arnaud Montebourg d’avoir fait tomber les masques de ces anticapitalistes de carnaval. Comme toujours, quand il s’agit de frontière ou d’immigration, une bonne partie de la gauche perd sa boussole. Mais au point de reprendre sans s’en apercevoir les mots des néolibéraux qu’ils conspuent d’habitude, on touche au sublime !