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Édouard Philippe, Guillaume Pepy… Leurs très lucratifs allers-retours entre public et privé

Edouard Philippe et Guillaume Pepy.
AFP
Edouard Philippe et Guillaume Pépy
Édouard Philippe, Guillaume Pepy… Leurs très lucratifs allers-retours entre public et privé

La Mafia d'état Broché – Livre grand format, 7 octobre 2021

Dans son livre « La Mafia d’État » (Seuil), le journaliste Vincent Jauvert documente les pratiques peu scrupuleuses et les rémunérations peu modestes de grands commis de l’État. « Marianne » a sélectionné quatre cas emblématiques.

Après Les Intouchables d’État (Robert Laffont, 2018) et Les Voraces (2020), Vincent Jauvert, journaliste à l’Obs, publie La Mafia d’État (Seuil). Des titres chocs pour décrire des pratiques qui, souvent, ne sont pas moins choquantes. Notre confrère a poursuivi ses investigations sur ces hauts fonctionnaires qui jonglent allègrement entre des postes à responsabilité dans le public et le privé.

Cette fréquente pratique du pantouflage poserait moins problème si elle ne charriait pas son lot de potentiels conflits d’intérêts et n’alimentait pas un entre-soi délétère entre membres des grands corps de l’État. Marianne revient sur quatre cas documentés par Vincent Jauvert dans son livre.

 

ÉDOUARD PHILIPPE, DE MATIGNON À ATOS

 

C’est un épisode méconnu du grand public, et il faut dire qu’Édouard Philippe s’en vante rarement. Trois semaines après avoir été congédié par Emmanuel Macron, en juillet 2020, l’ex-Premier ministre a demandé l’autorisation à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui contrôle les pantouflages, l’autorisation de devenir administrateur d’Atos, grande société française d’ingénierie informatique.

La HATVP n’a rien trouvé à y redire, alors qu’Atos est un prestataire régulier de l’État, donc du gouvernement que dirigeait Philippe… Ce dernier avait lui-même salué, dans un discours de septembre 2018, un programme développé par Atos et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA).

GUILLAUME PEPY, DE LA SNCF AU PARTENAIRE LAGARDÈRE

 

Ce n’est pas parce qu’il a quitté la présidence de la SNCF, en 2019, que Guillaume Pepy n’est plus un homme occupé. Début 2020, l’énarque et conseiller d’État a été nommé au conseil de surveillance de Lagardère. Un hasard ? En 2013, la SNCF – présidée par Pepy – et Lagardère avaient créé une société commune pour exploiter les points de vente Relay, essentiellement installés dans les gares. Interrogé par Vincent Jauvert, l’intéressé se défend : « J’ai été sélectionné par un chasseur de têtes. Il connaissait ma passion des livres dont Hachette, filiale de Lagardère, est le plus gros éditeur français. »

Pepy admet tout de même qu’il a sans doute bénéficié, pour cette nomination, de ses liens avec le Qatar, un gros actionnaire de Lagardère. Aujourd’hui, l’ex-patron de la SNCF ne fait plus partie des instances dirigeantes du groupe, mais il a trouvé un autre job : il a été nommé, en juin dernier, président non exécutif d’une filiale de Suez au Maroc. Suez, dont Pepy a été longtemps membre du conseil d’administration, ce qui lui permettait d’arrondir son salaire à la SNCF qui atteignait déjà la bagatelle de 450 000 euros par an.

ANNE-MARIE IDRAC, UNE LOBBYISTE INSTALLÉE AU MINISTÈRE

 

Ancienne ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, Anne-Marie Idrac espérait faire son retour au gouvernement avec l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. Peine perdue : « On n’a pas trouvé où vous caser », lui aurait dit le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler… Idrac dispose tout de même d’un bureau au rez-de-chaussée du ministère de la Transition écologique, sur le très chic boulevard Saint-Germain à Paris.

Elle occupe en effet, depuis 2017, les fonctions de « haute représentante pour le développement des véhicules autonomes ». Un job bénévole, mais l’ex-ministre est en revanche rémunérée pour présider France Logistique, le lobby du secteur du transport logistique. Idéal, quand on sait que le ministère de la Transition écologique est aussi celui des transports…

ERIC RUSSO, DU PARQUET FINANCIER À UN CABINET ANGLO-SAXON

 

Les énarques ne sont pas les seuls à céder aux sirènes du secteur privé. En octobre 2020, le magistrat Eric Russo, vice-procureur du redouté Parquet national financier (PNF), devient avocat et rejoint Quinn Emanuel, plus grand cabinet anglo-américain de contentieux d’affaires. Au grand dam de Didier Migaud, le président de la HATVP, cité dans le livre : « Rendez-vous compte, Eric Russo gérait les plus gros dossiers de fraude. Et il passe de l’autre côté de la barrière. » Sauf que la HATVP n’est pas habilitée à contrôler les pantouflages des magistrats (ni ceux des militaires).

À LIRE AUSSI : "Une inscription contraire à la loi" : des avocats dénoncent le pantouflage d’un procureur

Eric Russo, lui, ne voit pas le problème : « J’ai pleinement respecté les règles applicables et me suis soumis à l’ensemble des contrôles préalables qui ont été successivement effectués par la Chancellerie, l’Ordre des avocats de Nanterre et le parquet général de Versailles. » Il souligne aussi que la réglementation lui interdit, pendant trois ans, d’avoir pour client une personne ou une entreprise qui aurait été visée par une enquête qu’il a dirigée au PNF. Circulez…

La Mafia d’État, de Vincent Jauvert, Seuil, 208 pages, 19 €

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Tag(s) : #Affaires privées
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