Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Asia Balluffier on Twitter: "Et depuis les années 1970, le poids de l' héritage dans la richesse n'arrête pas de prendre de l'importance. En gros,  on hérite de plus en plus la richesse,

Quand 10% des plus riches touchent 52%des héritaage

50% des plus pauvres n'en perçoivent que 7%

et un tiers ne bénéficie de rien

                           https://www.humanite.fr/sites/default/files/huma_logohm_noir.jpg

Une société d’héritiers

PAR MAUD VERGNOL, CO-DIRECTRICE DE LA RÉDACTION

 

Les nouveaux Rastignac peuvent dormir tranquilles : depuis les années 1970, le poids des transmissions patrimoniales s’est accru de façon spectaculaire, pour se rapprocher des niveaux observés au XIXe  siècle.

Il n’est pas de sujet plus tabou en France. Diicile d’imaginer une proposition aussi impopulaire que la taxation de l’héritage. Huit Français sur dix se prononcent même pour son abaissement, selon un sondage OpinionWay pour « les Échos ». Quant à la suppression de l’héritage, elle fait igure de débat interdit. Même à gauche, on jetterait bien aux oubliettes l’une des dix mesures du « Manifeste du parti communiste ».

Pourtant, en 2022, l’héritage n’est pas loin de retrouver l’importance qu’il avait à l’époque du père Goriot. Les nouveaux Rastignac peuvent dormir tranquilles : depuis les années 1970, le poids des transmissions patrimoniales s’est accru de façon spectaculaire, pour se rapprocher des niveaux observés au XIXe siècle. Le stock de patrimoine dans le revenu national est passé de 300 % en 1970 à 600 % en 2020.

La part de l’héritage dans la fortune représente désormais 60 % de cette dernière, contre 35 % au début des années 1970.

Un doublement qui s’est accompagné d’une plus forte concentration de la répartition de la fortune : la part des 1 % dans ce patrimoine total est ainsi passée de 15 % à 25 % entre 1985 et 2015. La France est en train de redevenir une « société d’héritiers », avertissait même en décembre dernier la note du Conseil d’analyse économique (CAE), qu’on ne peut pas suspecter de vouloir rejouer la nuit du 4 août.

Les conclusions des dernières études sur le sujet ont beau être sans appel, rien n’y fait, les gouvernements passent et continuent de regarder ailleurs, alors que les inégalités de patrimoine augmentent plus vite que les inégalités de revenus, auxquelles elles s’ajoutent. Pire, évoquez le début d’une volonté de réformer l’impôt sur les transmissions de patrimoine, et voilà qu’un vent de panique soulera dans le débat public.

Ces jours-ci, à la faveur de la campagne présidentielle, les timides appels à revoir les droits de succession ont fait l’efet d’un séisme, la droite allant jusqu’à fustiger un « impôt sur la mort ». Que la droite s’acharne à sauver les privilèges, rien de surprenant. Mais elle s’appuie sur l’argument massue de l’« impopularité », incontestable, de l’impôt sur les successions. L’héritage a beau être la première cause des inégalités en France, une majorité – même les plus modestes – s’oppose à le supprimer, ou l’imposer davantage.

Cette contradiction est le fruit du discours dominant qui tend à faire passer l’héritage comme le fruit du travail de toute une vie, et convoque cyniquement « la petite maison de famille », jouant sur la représentation sociale de cette transmission intergénérationnelle, ou l’image du maigre livret A, vidé par l’État. Le sujet n’est bien évidemment pas là.

D’abord parce qu’un tiers des Français n’héritent de rien.

En revanche, 0,1 % des plus riches recevront 180 fois l’héritage médian en France (70 000 euros). Dans le registre des sinistres manipulations, le Rassemblement national obtient la palme d’or, qui justiie dans son programme de nouvelles exonérations au nom… de la « justice sociale ». On touche là au cœur de l’imposture de l’extrême droite. Pourtant, sur le papier l’enjeu est assez simple. Comme au « Monopoly », il vaut mieux commencer son tour en héritant d’un hôtel rue de la Paix qu’en étant locataire porte de la Villette.

Mais l’héritage met en jeu une équation plus complexe, plus sournoise, où l’aspiration légitime de chacun à protéger ses proches dans une période d’angoisse économique et de climat anxiogène, l’assurance « d’avoir un toit sur sa tête », s’entrechoque avec l’ambition d’une société plus juste.

C’est toute la perversité du capitalisme. I 

Tag(s) : #Médias L'Huma
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :