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 VIDEO - TOUS LES DOCUMENTS sur l'engagement de l’Occident qui avait promis à l’URSS que l’OTAN ne s’étendrait pas à l’Est, par Roland Dumas, ex-ministre de Mitterrand aux Affaires Etrangères

Nous vous proposons aujourd’hui une interview exceptionnelle que Roland Dumas nous a accordée. Il était Ministre des Affaires étrangères dans la période cruciale 1989-1991, lorsque la guerre froide a pris fin.

Il répond à plusieurs questions centrales dans la crise actuelle entre la Russie, les États-Unis et l’Ukraine.

Précisions clairement qu’il ne s’agit pas ici de prendre parti pour une des parties du conflit – notre position et notre message sur ce site sont clairs : ne prenez parti pour aucun gouvernement étranger quel qu’il soit, et exigez toujours qu’il prouve ce qu’il avance.

I. Les révélations de Roland Dumas

Comme nous le verrons ci-dessous, la crise actuelle trouve son origine dans l’extension permanente de l’OTAN depuis la disparition de l’URSS.

Afin de tirer les choses au clair, nous sommes allés demander à Roland Dumas ce qui a été dit et promis à l’URSS en 1990, en échange de la réunification de l’Allemagne.

II. La Propagande en Occident

La question de cette promesse est donc historiquement importante.

Cette interview confirme en tous points la brillante analyse des archivistes de l’Université George Washington, qui ont compilé les sources attestant de ces promesses.

Nous vous recommandons de lire leur analyse dans ce billet : Expansion de l’OTAN : ce que Gorbatchev a entendu

Bien entendu, tout le monde s’accorde pour dire qu’il n’y a eu aucun engagement signé, ce que soulèvent, à raison les Américains, pétris de leur culture juridique.

Mais comme il s’agit de leur sécurité, les Russes ne voient pas ceci du même œil. Précisons aussi que cette promesse non tenue ne donne évidemment pas tous les droits aux Russes. Elle explique simplement l’état actuel de nos relations.

Comme nous arrivons donc dans une zone de haute tension, vous aurez noté la mise en place d’une propagande de guerre pro-gouvernementale (chez nous, mais également dans tous les autres pays concernés). Je vous en rappelle les principes, brillamment exposés par Anne Morelli dans son ouvrage sur la Propagande de guerre (résumé à consulter ici), et qu’on peut schématiser ainsi.

Évidemment, reconnaitre que nous aurions une part, même limitée, dans la crise actuelle contrevient aux points 1 et 2, qui sont fondamentaux, car ne pas les respecter pourrait conduire à une volonté des citoyens de trouver une solution pacifique. D’où ce genre d’articles de propagande mensongère n’hésitant pas à déformer – voire falsifier – l’Histoire :

Nous vous recommandons ce bijou de propagande venant du média du gouvernement réservé à l’étranger [s] :

Soulignons cependant que des médias ont su garder une position plus équilibrée [s ; s ; s ; s] :

Notons que la vérité est connue depuis longtemps (cliquez pour agrandir) [s] :

Soulignons aussi que Gorbatchev, bien que peu fiable sur ce sujet vu que, ayant accepté la réunification de l’ Allemagne sans exiger cet engagement par écrit, il est devenu la personne probablement la plus détestée en Russie, a clairement indiqué [s] :

« La décision des États-Unis et de leurs alliés d’étendre l’OTAN à l’Est a été prise de manière décisive en 1993. J’ai appelé ça une grosse erreur dès le début. C’était certainement une violation de l’esprit des déclarations et des assurances qui nous avaient été faites en 1990. En ce qui concerne l’Allemagne, elles ont été consacrées dans les formes légales contraignantes et sont respectées. »

Ainsi, au final, il n’est pas surprenant de trouver cette propagande de 2018 sur le site de l’OTAN :

Et pourtant, en même temps, sur le même site de l’OTAN… :

III. Fabriquer une grave crise

Comme nous l’avons vu, la crise actuelle est donc liée à l’expansion de l’OTAN vers l’Est.

À force d’étendre l’OTAN à l’Est, il devait arriver à un moment où se poserait le problème du contact direct avec la Russie – situation qu’elle considère comme inacceptable pour sa sécurité, puisqu’un incident de frontière pourrait déclencher une confrontation avec l’OTAN.

C’est en 2008 que l’OTAN fit la promesse à l’Ukraine et à la Géorgie qu’elles rejoindraient l’organisation. Mais face au désaccord entre George Bush d’une part, favorable à une adhésion, et d’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, très réticents, aucune date n’a été avancée [s ; s].

La légèreté de ceci transparait bien dans ce bref résumé [s] :

« C’était un compromis de dernière minute, arraché pour éviter l’embarras d’un sommet de l’OTAN qui ce serait sinon conclu sans annonce forte. En ce mois d’avril 2008, dans la capitale roumaine de Bucarest, les lignes sont clairement tracées : le président américain George W. Bush veut offrir à la Géorgie ainsi qu’à l’Ukraine un « plan d’action pour l’adhésion », ou MAP, c’est-à-dire une feuille de route qui déboucherait sur l’adhésion de ces deux pays frontaliers de la Russie à l’alliance militaire nord-atlantique.

Face à lui, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy sont unis dans leur opposition, craignant qu’une telle annonce ne soit vue comme une provocation. Ils ne sont, certes, pas les seuls. En amont du sommet, l’ambassadeur américain à Moscou, William J. Burns, avait câblé à Washington son inquiétude : « L’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN est la plus rouge des lignes rouges pour l’élite russe », écrit-il, ajoutant entre parenthèses « pas seulement Poutine ».

C’est avec la médiation du Royaume-Uni que le compromis est finalement trouvé, et ancré dans un communiqué de presse : « Nous sommes d’accord pour dire que (l’Ukraine et la Géorgie) deviendront membres de l’OTAN. » Le MAP, processus très concret qui aurait eu valeur de pré-adhésion, laisse place à une vague promesse dépourvue de calendrier. »

Suite à la crise politique ayant fait suite au coup d’État du Maïdan, l’Ukraine a abandonné son statut de « pays non-aligné » fin 2014. [s]

En 2019, l’Ukraine a inscrit dans sa Constitution sa volonté d’adhérer à l’UE et à l’OTAN. [s]

En 2020, l’OTAN a accordé à l’Ukraine le statut de partenaire « nouvelles opportunités ». [s]

En février 2021, le président ukrainien a indiqué que sa première question à Joe Biden concernerait l’adhésion de son pays à l’OTAN. [s]

En juin 2021, le président ukrainien a demandé à Biden de lui répondre par « oui » ou «  »non » pour l’adhésion de l’Ukraine. [s]

 

En septembre 2021, le président ukrainien a rencontré Biden, et lui a demandé… d’accélérer l’adhésion de l’Ukraine. [s]

Le 21 octobre 2021, la Russie indique qu’elle estime que la taille de l’armement militaire de l’Ukraine opéré par l’OTAN menace sa sécurité, même si l’Ukraine n’est pas encore membre de l’OTAN. [s]

En effet [s] :

« C’est pour cela que l’on a cette crise. Pas tant à cause de la perspective d’une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, mais parce que les Russes considèrent que la coopération actuelle entre l’OTAN et l’Ukraine équivaut à une adhésion de facto, estime Lawrence Freedman, professeur émérite d’études de conflit au King’s College de Londres. Il est important de comprendre le point de vue de Poutine, mais il faut aussi voir que tout cela découle des actions qu’il a entreprises en Ukraine en 2014. C’était une énorme erreur de jugement de sa part et il n’est plus possible de revenir en arrière. »

Biden n’ayant pas refusé, la Russie a commencé à déplacer certains de ses soldats près de la frontière russo-ukrainienne. C’était un message clair, encore plus clairement exprimé le 18 novembre 2021 : pour Poutine, l’Occident prend les lignes rouges de la Russie bien trop à la légère. [s]

Le 30 novembre 2021, il a confirmé que cela concernait bien l’expansion vers l’Est de l’OTAN. [s]

Le 7 décembre 2021, il a demandé à Biden des garanties sur le non-élargissement de l’OTAN. [s]

Le 9 décembre 2021, la réponse de Biden est de dire à l’Ukraine que son adhésion à l’OTAN repose entre ses mains. [s]

Le 10 décembre 2021, l’OTAN refuse de donner à la Russie les garanties qu’elle demande. [s]

Des négociations se sont alors engagées entre la Russie et les États-Unis, mais elles n’ont débouché sur rien.

Espérons donc que la sagesse et la diplomatie l’emporteront, et que nos intérêts propres seront défendus par notre gouvernement. [s]

Cette crise montre l’incompétence de la diplomatie occidentale, empêtrée dans une promesse faite à la légère il y a 15 ans à l’Ukraine. Les pays membres, en particulier la France et l’Allemagne, comprennent bien qu’ils ne peuvent la concrétiser, car cela déclenchera une gigantesque crise avec la Russie, mais ils ne veulent pas perdre la face et revenir sur leur promesse : comme avec la Crimée, ils se sont mis dans une situation apparemment inextricable.

Mais, en réalité, la solution à la crise est très simple, et le Président Macron pourrait même l’appliquer seul : indiquer que la France met son véto à toute extension de l’OTAN, à commencer par l’Ukraine et la Géorgie. Et mettre en place pour eux un statut d’État neutre, coopérant avec tous ses voisins, statut qui les protégera finalement bien mieux, puisqu’on image très mal les États-Unis mettre en péril leur existence pour des problèmes frontaliers de l’autre côté de la Planète.

 

Pour conclure, il est donc important de comprendre que la crise actuelle n’a rien de soudain ni d’imprévisible, elle a été longuement construite et elle avait donc été annoncée il y a 25 ans par les plus grands spécialistes (rarement invités dans les médias).

 

Tag(s) : #Etats-Unis, #Russie
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