Une nouvelle défaite américaine et de se alliés européens au Proche-Orient
La réconciliation, sous les hospices de Pékin, de l'Iran, l'ennemi des Etats-Unis, avec l'Arabie saoudite, jusqu'ici considérée comme une colonie pétrolifère US, a modifié le rapport de force en cette région du monde. La réintégration de la Syrie au sein de la Ligue arabe constitue un nouvel échec cuisant pour Washington dans cette zone stratégique.
Selon Hasni Abidi, spécialiste du monde arabe, directeur du Centre de recherches spécialiste du monde méditerranéen (Cermam) :
" Il s'agit d'un tournant dans la vie de la Ligue arabe. Elle réintègre, avec un consensus fort, un régime qu’elle avait banni de ses rangs alors que le régime syrien n’a pas répondu aux conditions pour son retour. C’est donc une victoire pour le régime syrien. "
Hasni Abidi estime que
"Ce geste de l’Arabie Saoudite a été facilité par le fait que les Émirats arabes unis ont déjà normalisé leurs relations avec Damas, et que le pays hôte de la Ligue arabe, à savoir l'Égypte, entretenait pour sa part des relations sur le plan sécuritaire avec le régime syrien.
Mais si on explique ainsi le rôle de l'Arabie saoudite dans la réintégration de la Syrie au sein de la Ligue arabe, il faut en outre rappeler la guerre et son échec,, que, depuis douze ans, l'Occident mène à la Syrie de Bachar al-Assad.
Rappelons-nous :
Pour soit disant "aider" le peuple syrien, "victime d'un tyran", son président Bachar al-Assad, les Etats occidentaux, la France en tête, ont rassemblé une coalition, dès 2011, s'appuyant sur des groupes de dangereux fanatiques islamistes, et les armant, pour tenter de renverser "le régime", expression des médias pour nommer le pouvoir syrien, une République laïque, fait rare dans la région.
Mais pourquoi cette agression occidentale contre la Syrie ?
Bien sûr pour tenir en laisse l'ensemble du Proche-Orient, en éliminant Bachar, qui développait son pays librement, sans être soumis à l'impérialisme. Ce qui faisait tache dans la région.
La France coloniale, d'autre part, n'a jamais oublié l'époque où elle dominait en Syrie comme au Liban.
Mais pour intervenir, il fallait un prétexte.
Des violents incidents ayant opposé, en 2011, les "forces de l'ordre" à des manifestants dans des villes syriennes, et prétextant une répression violente des autorités, les Occidentaux se sont insérés dans le conflit, comme ils l'ont fait en Ukraine, en 2014 pour imposer, par un putsch, un gouvernement qui soit favorable à son entrée dans l'Union européenne.
Du jour au lendemain, une campagne médiatique de haute intensité s'est développée au sein des opinions publiques occidentales - des plus violentes en France - contre la République syrienne, et Bachar en particulier, contre qui les autorités françaises menaient la guerre.
Ainsi, Laurent Fabius, alors ministre des Affaires Etrangères de François Hollande, aujourd'hui, président du Conseil constitutionnel, déclarait :sur l'engagement des forces aériennes françaises en Syrie, au Sénat le 15 septembre 2015 :
Pourquoi agir en Syrie ?
La campagne de survol de la Syrie, entamée le 8 septembre, est d'abord de reconnaissance. (...)
En Syrie, nous ne ferons rien qui puisse consolider le régime. L'urgence, c'est, au contraire, d'aller vers un accord qui tourne la page des crimes de Bachar Al-Assad. Il est une grande part du problème. Il ne peut en aucun cas être la solution. Avec un homme responsable de tant de morts, de crimes de guerre et contre l'humanité, aucun compromis. Pactiser avec lui serait une faute morale mais aussi politique et stratégique. Dès août 2013, nous étions prêts à réagir, mais les États-Unis et la Grande-Bretagne n'étaient finalement pas au rendez-vous.
L'ampleur de l' engagement français, outre la volonté de "remodeler" le Proche et le Moyen Orient en faveur de l'impérialisme, c'est aussi, selon Jean-Luc Mélenchon, en 2016, "une affaire de gazoducs et de pipelines"
La concurrence entre les deux gazoducs pourraient bien avoir joué un rôle dans la guerre menée à la Syrie, et ne serait pas étrangère à l'intervention militaire ultérieure de la Russie.
Au total, la stratégie occidentale a été donc mise deux fois lourdement en échec : par la résistance opiniâtre du pouvoir syrien aux agressions impérialistes, et par l'aide militaire russe au gouvernement légal de Damas, intervention qui a retourné la situation.
Aujourd'hui, la réintégration de la Syrie de Bachar al-Assad au sein de la Ligue arabe est donc bien une défaite nouvelle de l'impérialisme US et européen.
JEAN LEVY
article publié
mercredi 17 mai 2023
sur