Par Sébastien Julian -
publié le 21/03/2012
Les salaires s'emballent sur le continent asiatique. Dans certaines provinces chinoises, le SMIC est au même niveau qu'en Roumanie.
Mais la Chine devient-elle vraiment moins compétitive?

La compétitivité de l'Asie est-elle en chute libre? Les journaux anglo-saxons et français lancent le débat, chiffres étonnants à l'appui. Selon le Wall Street Journal , les rémunérations s'enflamment sur tout le Continent asiatique. En Thaïlande, le salaire minimum devrait faire un bond de 40% début avril. En Indonésie, il a déjà augmenté de 20% dans plusieurs secteurs ces derniers mois. En Chine, les salaires ont fait un bond de 181% depuis 2004. Dans plusieurs régions chinoises, le salaire minimum est désormais au même niveau qu'en Bulgarie et en Roumanie, précise Les Echos
Un rattrapage ultra rapide
Cette année, le salaire mensuel en Chine pourrait atteindre 4268 yuans, soit environ 513 euros, selon les données recueillies par FERI.
Depuis 2004, les rémunérations ont fait un bond de 181%.
Bien sûr, de fortes divergences persistent entre les régions de l'Est de la Chine, où les rémunérations sont les plus élevées, et les régions intérieures, plus éloignées du poumon économique du pays.
Cette flambée des rémunérations, à peine ralenti par la crise, signe-t-il la fin du "low cost" en Asie? C'est encore trop tôt pour l'affirmer. Certes, si on en croit les manuels d'économie, la Chine et ses voisins vont perdre, avec la hausse des salaires, leur avantage concurrentiel dans les secteurs intensifs en main d'oeuvre, comme le textile ou l'électronique. Un phénomène qui devrait conduire dans un second temps, à une montée en gamme des pays asiatiques.
Sauf que, sur le terrain, ce n'est pas vraiment ce qu'on observe, note Françoise Lemoine, économiste spécialiste de la Chine au Cepii. Ces derniers mois, les exportations chinoises, par exemple, ont ralenti moins vite que le commerce international. En d'autres termes, le poids de l'Empire du milieu dans les échanges s'est plutôt renforcé sur la période récente, même si l'annonce d'un déficit commercial record a refroidi les marchés !
Par ailleurs, la Chine dispose toujours d'un avantage structurel en matière de compétitivité. Les salaires ne constituent qu'une partie de l'histoire. Il faut aussi regarder la productivité, explique Françoise Lemoine. Celle-ci augmente de 10% par an. Et les entreprises étrangères implantées en Chine veillent à ne pas laisser ce chiffre diminuer grâce à des investissements. De fait, même si les salaires progressent vite, notamment dans les régions de l'Est qui assuraient encore en 2009 près de 90% des exportations, leur croissance ne dépasse pas franchement celle de la productivité. Au final, la compétitivité de la Chine est encore largement préservée.
D'autant que l'Empire du milieu a un autre atout : son réservoir de main d'oeuvre. La Chine continue de délocaliser une partie de sa production dans les provinces intérieures, où les salaires sont plus faibles. Bien sûr, Pékin a amorcé il y a dix ans une politique de rééquilibrage, qui doit se traduire à terme par un poids renforcé de la consommation au détriment des exportations. Mais il ne faut pas mal interpréter cette politique : la Chine n'a pas renoncé à être une nation exportatrice, commente Françoise Lemoine.
En fait, compte tenu de ses atouts, la Chine peut très bien rester très compétitive pendant une dizaine d'année. Cependant, sa marge de progression sur les marchés est aujourd'hui largement inférieure à celle d'il y a dix ans, en raison des hausses de salaires bien sûr, mais aussi en raison de la multiplication des mesures protectionnistes, comme par exemplesur le segment des panneaux solaires.
Une statistique résume bien la situation chinoise. Sa part dans les exportations mondiales de produits manufacturés atteint 16%. Or dans le passé, ce niveau a toujours constitué un pic pour les grands pays exportateurs, qu'il s'agisse des Etats-Unis, de l'Allemagne ou du Japon.