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Le petit lexique à géométrie variable
de François Hollande
Le président ne tient pas le même langage selon qu'il parle à ses concitoyens, à sa majorité, aux syndicats ou à Bruxelles. Décryptage.
François Hollande s'adressera le 6 novembre aux Français. Mais quelle langue va-t-il leur parler ? © Patrick Kovarik / AFP
François Hollande revient à la télévision le 6 novembre. Formidable. Mais TF1 devra-t-elle décrypter ce programme pour les mal-comprenants que nous sommes ? Car le chef de l'État n'utilise pas toujours la même langue selon ses interlocuteurs. Il parle, en effet, plusieurs langues, notre bon président polyglotte.
D'abord, le "vieux françois", cette langue morte qu'il réserve aux Français : c'est à travers ce langage qu'il promet la fin des efforts, le "retournement" (de la conjoncture), le "choc de simplification", la baisse des impôts (au moins pour les plus modestes) après les années de hausses excessives.
Mais quand il s'adresse aux élus locaux, c'est un autre langage, inspiré cette fois de l'anglais churchillien. Aux élus des régions, des départements et des communes, il promet au contraire le début des efforts, la diète, la fin des jours heureux où l'on pouvait embaucher des fonctionnaires territoriaux à tour de bras et fabriquer des piscines, des salles des fêtes et des ronds-points comme si la France était une nation de troubadours et d'oisifs. Pour les élus locaux, la crise, c'est maintenant !
Ensuite, quand il se tourne vers les partenaires sociaux, il change un peu de registre et parle le "français social". Son vocabulaire se réduit prodigieusement, ne subsistent que deux expressions : "dialogue social" et "pacte de responsabilité".
En somme, sa politique consiste ici à faire confiance au Medef et aux syndicats pour faire bouger le pays. Et c'est ce qu'il a fait par exemple à propos de l'assurance chômage dont la négociation entre les partenaires sociaux a abouti à l'accord du 22 mars 2014.
Ce trilingue ajoute une quatrième langue à son répertoire quand il s'adresse aux députés PS. Cette fois, le chef de l'État utilise d'autres mots : "redressement dans la justice", et il réclame le soutien de sa majorité pour voter les textes de sa "politique de l'offre" présentée comme "la nouvelle politique de gauche", celle qui rend caduques les thèses keynésiennes sur lesquelles les frondeurs du PS s'appuient pour le disqualifier.
Mais aussitôt, François Hollande doit prendre garde de bien maîtriser le "français bruxellois" pour qui la politique de l'offre est cette fois présentée comme une "politique libérale" avec promesses de réformes rudes sur le marché du travail, les transports, les monopoles des professions réglementées. De quoi justifier que la Commission de Bruxelles se montre une nouvelle fois clémente avec la France et ferme les yeux sur le dérapage des comptes publics...
Et puis, il y a cette langue murmurée, cet idiome que l'on susurre, qui ne se pratique pas en public. Une langue florentine, de coulisses, de messes basses et qui s'adresse à son Premier ministre Manuel Valls quand celui-ci s'aventure à se montrer plus réformateur, plus vigoureux, plus volontaire. Une langue qui dit en substance : "Hardi petit, si tu occupes le devant de la scène en bousculant le dogme socialiste, tu me rends service, car je te déborderai sur ta gauche, le moment venu."
Voilà, François Hollande parle six langues différentes et cherchera néanmoins à se faire comprendre le 6 novembre sur TF1. Émission en clair et néanmoins cryptée.