L'information aurait pu être considérée comme un canular, ou une brève humoristique parue dans un journal daté du 1er avril...Et pourtant, elle vraie, dûment confirmée par le gouvernement dans sa séance de rentrée.
Ainsi, chaque ministre va être noté, à partir de critères établis par une officine privée. Les interressés, interrogés à la sortie du Conseil, soit se félicitent du procédé ("Je partage 'la culture du résultat'"), soit rient jaune en prenant un air décontracté. Aucun ne présente sa démission en signe de réprobation. On l'aurait juré ! Le ridicule ne tue plus ...
Donc, le Premier ministre va pouvoir apprécier les performances de chacun à partir des 'feuilles de route', dictées par le Président. Chacun dans sa sphère de responsabilité devra atteindre, le plus vite possible, les objectifs sarkoziens.
Faciles à chiffrer pour le sieur Hortefeux : il s'agit de reconduire à la frontière un nombre défini de 'sans papiers'. Si le ministre de l'Identité nationale dépasse le quota prévu, sa note approchera des sommets.
Rachida Dati ne sera pas en reste : multiplier le nombre de 'racailles' détenues, et réduire celui des avocats. Bernard Kouchner sera noté sur le nombre de kilomètres parcourus sur les cinq continents, et non pas sur l'audience de la France à l'étranger. Ce dernier critère le contraidrait à quitter sans délais le quai d'Orsay pour retrouver son ancien job de porteur de sacs de riz.
Hervé Morin, pour sa Défense, peut peut-être compter sur le nombre croissant de militaires français qui crapahutent en Afrique et en Asie.
MAM, à l'Intérieur d'elle-même, devra compenser ses anciennes amitiés chiraquiennes (facteur négatif dans l'évaluation de ses capacités), par une rigidité accrue dans la gestion des zones ennemies, par une multiplication des check-points, le long des frontières du 93.
Comment, par contre, noter Christine Lagarde ? Sur la hausse du prix du baril de brut, sur celui de l'once d'or ? Certes, ces critères feraient de la ministre de l'Economie la meilleure élève de la classe. Mais est-ce là de bons indices ? Reste le pouvoir d'achat : en limitant sa hausse bénéficiant aux amis du Président, Christine pourrait s'attirer l'indulgence du boss...De toutes manières, elle bénéficie au départ d'un certificat de bonne conduite établi par Baker & McKenzie, le cabinet d'avocats d'affaires américain chargé de veiller aux intérêts des plus grosses firmes étatsuniennes, qu'elle a dirigé avec brio, avant de devenir ministre de la France. Et pas besoin de traduire : "Elle est prête à abandonner sa langue maternelle et elle est, dit-elle, plus heureuse de s'exprimer en anglais", selon Roger Cohen, dans le New York Times, du 20 octobre 2007.
Dans ces conditions, Christine Lagarde pourra, selon son habitude, continuer longtemps de rédiger ses directives, au sein de son ministère, dans la langue de Bush.
Donc, la notation des ministres entre en pratique dans notre République.
Mais, question : qui va 'noter' François Fillon ?
Quant au Président, a-t-il pensé à la sanction que pourraient lui infliger les citoyens les 9 et 16 mars prochains, lors des élections municipales et cantonnales ? Si les Français lui infligeaient une 'mauvaise note', Nicolas Sarkozy serait-il, alors, victime de "la culture des résultats" ?
L'histoire ne dit pas comment cette innovation française est appréciée à l'étranger. L'opinion internationale pourrait penser que le Canard Enchaîné est devenu le Journal officiel de la France...