TEXTE REPRIS SUR
BANDERA ROSSA
15ème meeting international des partis communistes et ouvriers
Le PCF a participé au 15ème meeting international des partis communistes et ouvriers à Lisbonne les 8-10 Novembre dernier, et on ne peut que s’en féliciter. Il ne l’avait pas fait en 2012 pour le 14ème meeting, alors qu’il s’était décidé à y participer en 2010, rompant avec une absence remarquée depuis la reprise de ces meetings internationaux en 1999.
On peut faire cependant plusieurs commentaires sur la déclaration faite par Gilles Garnier au nom du PCF et traduite ci-dessous... Tout d’abord, il a fallu la traduire pour en porter connaissance aux communistes français, car elle a été faite en anglais et uniquement en anglais. Les contributions en 2010 et 2011 avaient été faites en français. Les communistes russes, portugais, espagnols, des pays arabes communiquent dans leur langue et certains fournissent une traduction en anglais... Le parti grec fournit son texte en 4 langues... Le choix de Gille Garnier n’est donc pas une question anodine dans un pays où le patronat organise la casse de la langue nationale pour imposer la "Business language" dans les entreprises, les universités. C’est encore moins une question anodine si on veut que les communistes Français connaissent la position exprimée par leur parti dans ces rencontres.
Mais ce choix est bien sûr conforme avec le contenu de cette contribution, qui cherche à expliquer aux autres partis communistes pourquoi le PCF, ayant rompu avec ses batailles historiques, défend avec vigueur la construction européenne, la "gauche", et réduit toujours sa critique du capitalisme à celle du "néo-libéralisme", en quelque sorte, comme s’il suffisait de mener une "vraie" politique de gauche, pour répondre aux besoins des travailleurs. Ce texte fourmille de concessions au contexte (il parle devant des partis communistes qui ont très largement fait des choix opposés à ceux de la direction du PCF), tout en essayant de justifier la position du PCF...
Mais il y a des sujets trop dangereux... tout en parlant d’Europe et d’union à gauche, Gilles Garnier n’ose pas parler du PGE, parti financé par l’UE et présidé par... Pierre Laurent. A noter qu’il ne parle pas du socialisme, alors que son prédécesseur Obey Ament l’avait évoqué dans le 13ème meeting en 2011 ; il est vrai que le thème général était "Le socialisme pour le futur" :
"Notre parti considère qu’il y a besoin d’espaces qui permettent aux forces progressistes, à toutes celles qui agissent en faveur de la transformation de nos sociétés, d’un dépassement du capitalisme, pour le socialisme, de se rassembler pour échanger, réfléchir et faire converger nos luttes et aspirations".
On espère que Gilles Garnier a pu avoir de vrais échanges politiques et qu’il en a rapporté quelques questions à soumettre à la direction du PCF...
Camarades,
C’est un grand plaisir pour moi de m’adresser à vous aujourd’hui au nom du Parti communiste français. Comme nous nous réunissons ici à Lisbonne, où les vents de la révolution d’Avril soufflent à nouveau, je vous apporte à tous nos sincères salutations fraternelles, et nous souhaitons particulièrement remercier nos camarades du Parti communiste portugais qui ont organisé un accueil si chaleureux.
Les Portugais, grâce à leur mobilisation massive, se lèvent pour secouer les politiques meurtrières de l’austérité, de la régression sociale et démocratique, que les forces capitalistes en Europe - maintenant plus que jamais discréditées - cherchent à imposer sur le Portugal et bien sûr, sur tous les peuples de l’Europe.
La France n’est pas épargnée, et c’est dans le même esprit de lutte que nous avons éjectés Nicolas Sarkozy de ses fonctions en 2012, rejetant la plus vindicative aile réactionnaire que notre pays ait connu depuis 1945, une force de droite qui a attaqué nos progrès sociaux et démocratique durement acquis. Ces forces, rejointes par la droite allemande sous Angela Merkel, ont cherché à soumettre tous les peuples de l’Europe à la règle de fer du capitalisme financier.
Au printemps de 2012, le PCF et ses alliés dans le Front de Gauche ont apporté une contribution majeure à la cuisante défaite de Nicolas Sarkozy. Nous avons uni nos forces aux autres partis de la gauche pour battre Nicolas Sarkozy, même si nous n’avions pas d’illusions sur les choix que François Hollande était susceptible de mettre en œuvre.
Certains Européens nourrissaient des illusions sur les conséquences de l’élection de François Hollande : pas nous. Nous avons refusé de prendre part à une administration qui ne s’engage pas clairement à stopper la politique d’austérité, ni à défendre les travailleurs contre les forces du capital. Nous avons décidé que nous allions juger le travail de cette administration, et prendre des mesures au Parlement et dans la rue en fonction de notre seul critère [1] : les intérêts des travailleurs et les intérêts du pays, par opposition à ceux des banques, des multinationales et les grandes entreprises.
En fait, la première mesure prise par le nouveau président a été la ratification du Pacte européen sur le budget sans en changer une seule ligne, acceptant les demandes de réduction des dépenses publiques et l’augmentation de la compétitivité et de flexibilité.
Nous nous sommes battus contre le pacte budgétaire, le « contrat de travail interprofessionnel » français, et une nouvelle réforme des retraites - en fait, le Sénat français a rejeté cette réforme il y a trois jours [2].
Chacune de nos batailles contient la démonstration que des solutions alternatives sont possibles. Et nous continuons la bataille des idées et des actions, engageant une grande campagne nationale pour montrer ce que nous coûte le capital.
Les politiques dites "d’austérité" dans l’Union européenne, dirigées par la Commission et la Banque centrale européenne, ainsi que la sacralisation du principe de la concurrence libre et non faussée, attaquent les fondements de l’Etat social dans nos pays ; ces fondations avaient été établies après la Seconde Guerre mondiale ou après la chute des régimes fascistes au Portugal, en Espagne et en Grèce.
La crise du capitalisme, "leur" crise, pas la nôtre, a permis le démantèlement des acquis sociaux et démocratiques. En France, comme dans de nombreux pays européens, le mouvement social n’a pas cédé [3]. Nous résistons dans le contexte difficile d’une désespérance collective organisée qui est favorisée et nourrie par les gouvernements en place, les forces de droite, l’extrême droite, et activement entretenue par les grandes entreprises, soutenue par des médias dociles.
C’est pourquoi nous pensons que la position de la Confédération européenne des syndicats est extrêmement positive et significative : pour la première fois, elle a rejeté le traité européen proposé. Un autre signe positif est l’ouverture d’un dialogue et des actions communes dans de nombreux pays parmi les mouvements de citoyens et nos partis et organisations. Ce nouveau développement nous apporte un espoir.
La mobilisation contre l’accord transatlantique est en cours dans notre pays et nous participons activement à une campagne d’information et de sensibilisation qui doit être amplifié afin de stopper cet accord rapidement. Un premier succès est d’avoir mis la culture en dehors du champ de la négociation. Maintenant une large association de citoyens, syndicalistes et forces politiques grandit. Elle englobe les mêmes forces progressistes qui nous ont permis de vaincre le traité constitutionnel de 2005.
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Les choix sociaux-libéraux que le président français et son administration ont choisi de suivre, déterminent également une politique étrangère reposant sur trois piliers : la conquête de parts de marché pour des multinationales qui n’ont de Française que le nom, "l’Otanisation" de la défense nationale et européenne et la politique étrangère et la militarisation des relations internationales dans le but d’établir la France comme ce qu’ils appellent une "puissance moyenne".
Certes, la crise en Syrie, avec la situation générale au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, soulève des questions mondiales sur la sécurité internationale d’aujourd’hui, et sur la nécessité de remettre en question la politique des "pouvoirs" et la logique de la force.
Et nous sommes tous conscients de la mesure dans laquelle les stratégies néo-impérialistes à l’œuvre dans cette région et ailleurs dans le monde ont eu des effets dévastateurs et des effets déstabilisateurs qui apportent un grand danger à tous les peuples.
Mais alors que nous devons développer notre solidarité avec les soulèvements démocratiques populaires contre des régimes despotiques et oppressifs, nous devons également rester fermes dans notre rejet d’une intervention étrangère.
Le Mali est un exemple de la manière dont la France considère ses relations avec les pays africains et son rôle sur le continent africain.
Niant la responsabilité de la France, de l’UE, du FMI et des États-Unis sur la casse de la société malienne et l’échec de l’Etat malien, l’intervention militaire française était un pis-aller. D’autres moyens auraient pu être mis en jeu, au fil des ans, afin d’éviter la pénétration de groupes djihadistes dans la société. L’avenir du Mali appartient aux Maliens qui doivent décider, et c’est la tâche que la France devrait établir pour elle-même, en commençant par abandonner des pratiques qui appartiennent au passé [4].
Je passerai par-dessus la honte et la colère que nous avons ressenti quand le gouvernement français a empêché le président Morales de survoler le territoire français. Les prétextes avancés pour justifier cet acte d’agression et de violation du droit international en dit long sur le degré de soumission à l’atlantisme français - une chaine dont il est grand temps de se débarrasser.
Les événements en Amérique latine ont montré comment, au cours des 15 dernières années, avec le développement des luttes et des mouvements populaires, les forces de gauche et les gouvernements progressistes ont pu prendre le pouvoir politique et établir des stratégies de développement qui ont fait reculer l’hégémonie des États-Unis et le néo-libéralisme.
Les avancées démocratiques, économiques et sociales sont sans précédent : la réappropriation des ressources naturelles, les programmes de développement humain qui ont sorti des millions de gens de la pauvreté, les nationalisations [5] dans les secteurs stratégiques et des pas en avant importants pour la démocratie et les droits des travailleurs. Jusqu’alors, ces progrès n’avaient été possibles qu’à Cuba.
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Les communistes, quelles que soient leur position, ne sont pas dédiés à la protestation, bien que ce soit nécessaire, mais plutôt à l’innovation, à la recherche de solutions, à agir et s’unir pour ouvrir la voie de la libération.
Notre objectif est de donner aux ouvriers, employés, femmes et jeunes travailleurs, de la confiance et du courage.
En 2013, comme au début du 20e siècle, le problème reste la confiscation du pouvoir politique et économique par quelques-uns. La bataille aujourd’hui est de rendre le pouvoir au peuple partout où la bourgeoisie l’a prise au peuple, et là où les gens n’ont jamais détenu le pouvoir, c’est-à-dire dans les entreprises et au travail.
Les institutions nationales et européennes sont à bout de souffle - la Vème République en France, avec l’accent mis sur la personnalité du président, est devenu un obstacle à la démocratie. Nous voulons aller au-delà [6]. Nos institutions ne fournissent aucune protection contre le néo-libéralisme parce qu’elles sont ses défenseurs [7].
Nous travaillons à renforcer les coalitions les plus larges possibles contre l’Europe de l’austérité. C’est le sens que nous donnons à la refondation, basée sur une nette rupture avec les traités actuels de l’UE : elle porte la demande d’un tout nouveau concept régional fondé sur la solidarité entre les peuples et le progrès social, économique, environnemental et démocratique pour tous.
En effet, c’est parce que la logique même du système est au cœur de la crise sociale, économique, politique et démocratique d’aujourd’hui, que les forces du capital n’ont pas de scrupules, une nouvelle fois en permettant à la menace fasciste de relever la tête, le fascisme se nourrit de la confusion et de la déception que le néo-libéralisme a engendré [8]. Nous sommes lucides. Ce combat exige une complète volte-face dans la politique française, et une union sans précédent de la gauche [9]. Mais nous n’allons pas laisser faire quand les peuples d’Europe sont divisés et opposés les uns contre les autres dans la haine.
Les élections locales auront lieu quelques semaines avant les élections européennes en France, et les deux sont des moments clés, chacun dans sa propre légitimité. Il y aura de grands efforts pour affaiblir la capacité de résistance et d’empêcher les gens de prendre le pouvoir. Dans tout le pays, les communistes se préparent pour les élections successives avec trois objectifs clairs : battre la droite, bloquer l’extrême droite, gagner des majorités de gauche anti-austérité et mettre les gens au centre des choix sociaux.
Paul Vaillant-Couturier a écrit : « Le communisme est la jeunesse du monde ». Notre tâche est énorme, et quels que soient les chemins que nous choisissons dans nos pays, quelles que soient les appréciations que nous faisons des différents choix nationaux, il est essentiel que nous maintenions des forums comme celui-ci où nous nous réunissons aujourd’hui.
Nous sommes convaincus que ces rencontres permettront aux forces progressistes d’agir pour transformer nos sociétés ; le capitalisme fait revenir en arrière la civilisation humaine - nous disons qu’il est au contraire temps d’aller de l’avant.
Chers amis et camarades,
Nous avons besoin d’un mouvement international, car l’identité communiste a toujours été internationale, à travers nos contributions à de larges ensembles, comme ceux qui ont lutté et luttent encore pour défendre les idéaux communistes [10]. Notre engagement international peut prendre des formes nouvelles, mais il sera toujours forgé dans la lutte et l’union.
Nous renforçons ce lien ici aujourd’hui, au Portugal, patrie d’Alvaro Cunhal [11], un grand révolutionnaire à la tête du Parti communiste portugais. Il a porté les espoirs du peuple portugais et des travailleurs, à un moment où d’autres pays ont également été écrasés par le joug fasciste, espoirs de marcher librement le long de la voie de la liberté, de l’égalité, de la justice sociale et de la démocratie.
Je vous remercie.
[1] Traduction contextuelle de "unqualified"...?
[2] NDT... quelle mépris des autres partis que de ne pas dire ce qu’ils savent tous, ce vote est symbolique puisque le la réforme sera bien sûr votée au parlement...
[3] NDT : comment peut-on mentir à ce point dans une telle rencontre, Gilles Garnier ne peut croire à cette fausse bravade alors que nous mesurons tous à quel point nous avons reculé, à quel point les mobilisations de 2009 se sont heurtées à un mur, qu’elles n’ont pas su franchir, à quel point la question centrale de l’unité du peuple et du rassemblement est en friche, masquée par le discours du Front de Gauche
[4] NDT : donc, ce ne sont pas le rôle de la France et ses relations avec l’Afrique qui sont critiqués, ce sont les moyens et les relations utilisées... Gilles Garnier devrait inventer le néologisme "l’autre colonisation".
[5] NDT, incroyable, Gilles Garnier est obligé de valoriser les nationalisations effectuées en Amérique Latine sans, bien sûr, dire que dans le PCF, le sujet est tabou (hors EDF) et que les propositions de notre réseau pour des nationalisations en France ont été rejetées au dernier congrès !
[6] NDT mais quel est cet au-delà ? plus loin encore ? c’est un peu comme cette idée de "dépassement" qui dans le langage courant, fait de toute façon penser à une course, et devient un obstacle à penser la nécessité de "détruire" les outils de domination.
[7] NDT : bien sûr, un marxiste dirait à l’inverse que c’est le capitalisme qui produit ces institutions...
[8] NDT : et pas que la gauche, y compris plurielle, ne porte plus que la soumission au système ? et pas que le PCF refuse de faire vivre l’héritage patriotique des luttes pour la souveraineté nationale, condition de la souveraineté populaire ?
[9] NDT : union avec ce parti socialiste qui gère les affaires de la bourgeoisie ?
[10] NDT : au détour du choix d’un mot, on mesure ici à la fois que le PCF est obligé de se référer au communisme, mais non pas comme une histoire et une organisation, mais comme même pas un idéal, mais des idéaux... comme le disent certains, la sensibilité communiste, la culture communiste a sa place dans le Front de Gauche...
[11] NDT : au Portugal, le PCF est obligé d’honorer ce grand dirigeant communiste, mais Gilles Garnier a-t-il lu son texte sur les six caractéristiques d’un parti communiste ?