L'actualité tourne autour de "l'affaire" de la Société Générale. Mais, au fait, de quelle affaire d'agit-il ?
La fraude dénoncée par le PDG, Daniel Bouton, c'est-à-dire une 'fraude' opérée par Jérome Kerviel, un 'trader' agissant seul, à l'insu de la banque, et qui aurait coûté à celle-ci 4,9 milliards d'euros ? Ou les opérations financières, selon les explications du trader lui-même, qui justifie ses opérations par sa volonté de faire gagner beaucoup d'argent à son entreprise, et de mériter ainsi un versement d'une prime exceptionnelle de 300.000 euros...Kerviel ajoute que sa hiérarchie était au courant des liquidités dont il disposait, et sur lesquelles il jouait, soit environs 50 milliards d'euros.
Etant donné l'énormité de la somme, la thèse de "l'homme seul" ne convaint pas les spécialistes. La responsabilité de la Société Générale serait donc engagée, et en premier lieu, celle de son président. En conséquence, Daniel Bouton pourrait être conduit à la démission. C'est ce que suggère, à mots couverts, Nicolas Sarkozy.
La polémique se réduit donc à évaluer les fautes de chacun.
Est-ce bien le problème ?
Revenons sur l'ampleur des pertes annoncées par la troisième banque française.
Quand on compare son "trou" de 4,9 milliards d'euros (auxquels s'ajoutent les 2 milliards perdus pour cause de 'subprimes'), avec les crédits prévus par le gouvernement pour le budget de la Culture, soit 2 milliards 770 millions d'euros, avec celui de la Jeunesse et des Sports, 1 milliard 48 milions, on mesure l'ampleur des sommes volatilisées dans des tractations financières ! Et l'inanité des déclarations de François Fillon "Les caisses de l'Etat sont totalement vides ", prend tout son sens, alors que la BNP-Paribas annonce plus de 7,8 milliards d'euros de profits pour 2007, et que les sommes dont disposait Jérome Kerviel, à la Société Générale, atteignaient, elles, 50 milliards, l'équivalent du PIB du Maroc, ou les 2/3 du budget français de l'Education nationale (59 milliards d'euros).
Une question se pose : aurait-on fait la lumière sur la source des bénéfices qu'aurait réalisés la banque de Daniel Bouton, si ceux-ci n'avaient pas eu à comptabiliser ses immenses pertes ? En effet, au total, celles-ci représentent 7 milliards d'euros, qui se seraient ajoutés aux 800 millions de bénéfice résiduel annoncé malgré tout. Le PDG aurait-il donné des explications sur l'origine de ces monstrueux profits ? La direction générale de la BNP-Paribas reste muette sur les siens dont elle se glorifie : 7,8 milliards d'euros (soit plus 7% par rapport à 2006), et cela, malgré les lourdes pertes enregistrées à l'occasion de subprime.
Donc, quand une banque perd beaucoup d'argent, on cherche les auteurs de la fraude. Quand elle en gagne des monceaux, c'est le silence-radio !
En fait, dans les deux cas, l'origine des fonds gagnés ou perdus, ne serait-elle pas la même ?
La finance joue avec la finance et jongle à longueur de journée. Ca s'appelle la spéculation. Elle peut rapporter gros. Elle peut aussi perdre au jeu. Dans tous les cas, ce qui est perdu par l'un, est gagné par l'autre.
A ce propos, qui a empoché les 4,9 milliards évanouis de la Société Générale ?
La spéculation sur la valeur des titres, sur les différentiels de marchés, sur le cours des matières premières constitue le B.A.BA de l'activité des banques, à l'heure de la financiarisation de l'économie. Certes, il fut une époque où l'investissement boursier concourait à l'enrichissement des entreprises, créatrices de biens. De nos jours, les grands patrons préfèrent jouer sur la monnaie, faire des OPA en s'emparant d'une partie du capital de concurrents, ou simplement intervenir dans les secteurs plus 'juteux', en bradant ceux moins rémunérateurs.
C'est la loi du marché. Certains hommes politiques font mine de s'en effaroucher. Ils prétendent vouloir 'moraliser les banques', comme s'ils découvraient, subitement, les tares du système. Alors que la 'concurrence à tout va', sans aucun régulateur, constitue le fondement du libéralisme économique. A quoi servent donc les 'paradis fiscaux', le 'secret bancaire', si ce n'est pour réaliser dans l'ombre les opérations les plus douteuses, les plus maffieuses ?
Le FMI et la Banque mondiale vont-ils déclancher l'opération "mains propres" contre les banques des Bahamas, du Luxembourg, de Suisse ou du Lichtenstein, avec l'aide de l'OTAN ?
La démagogie et l'hypocrisie de nos "élites" servent d'écran de fumée à l'activité du capital financier.
Elles sont logiques dans leur ordre des choses.
Ce qui l'est moins, c'est l'attitude des syndicats de la Société Générale qui se mobilsent pour faire bloc autour de leur PDG, 'au nom de la défense de leur entreprise', menacée d'OPA par des concurrents, telle la BNP-Paribas. Certes, les employés et les cadres auraient tout à craindre d'une telle fusion. Mais faut-il, pour y faire face, s'allier au pire ennemi, le patron, qui n'a cure de l'avenir de son personnel. Daniel Bouton, comme tous les autres PDG des banques, a réduit à zéro la convention collective, refusé des salaires décents, limité les droits syndicaux.
C'est contre les banquiers qu'il faut lutter, en démontrant la nocivité du système, les traitements faramineux que les patrons s'octroient, sans se soucier si leur entreprise est ou non bénéficiaire.
La société, qu'elle soit Générale ou pas, est à changer. Sans compromis.